VO : The Pearl. Sans jeu de mots idiot, ce court titre est une vraie pépite à lire et relire. Une famille de pêcheurs de perles pris dans la tourmente à cause d’une fabuleuse découverte ; une histoire noire et sans espoir servie par un style poétique et enchanteur ; la méchanceté humaine par excellence, Le Tigre s’est régalé.
Il était une fois…
Dans le Mexique d’avant la seconde guerre mondiale, Kino est un pêcheur de perles. Avec sa femme Juana, il ouvre les huitres dans l’espoir de trouver la Perle du Monde, seule capable de les tirer dans la pauvreté où ils vivent. Deux évènements vont foutre le bordel : 1/ leur enfant, Coyotito, se fait piquer par un scorpion. Le petit est dans un sale état et l’unique docteur sur place est cher. 2/ Comme par miracle, Kino dégote une perle d’une taille indécente. Trop grosse, trop belle, forcément sa découverte ne passe pas inaperçue…
Critique de La perle
John Steinbeck fait fort, dès les premières pages la morsure d’un insecte craint plante un décor glauque et emprunt d’un pessimisme qui fait mal au cœur. En vue de soigner le gosse (et se faire accepter de l’unique médecin), Kino et son épouse se jettent à corps perdu à la recherche d’une perle pour amasser suffisamment d’argent.
Comme par miracle, ils la trouvent. Sauf que les ennuis ne vont que commencer. Déjà, refourguer une telle trouvaille à bon prix est presque impossible. Ensuite, la rumeur de leur découverte fait rapidement le tour du village, et chacun s’imagine comment récupérer un peu de cette fortune. La fortune, justement, dans le sens du destin, ne sera pas tendre envers les protagonistes.
Car, dans le sud de la Californie, il n’est pas bon d’avoir le cul tant bordé de nouilles. C’est plus une malédiction qu’autre chose, surtout lorsque Kino décide de lutter contre les aigrefins locaux en souhaitant vendre son bien directement à la ville. Habitation détruite, attaques dirigées contre lui, chasse à l’homme même, le dénouement ne peut être que d’une rare tristesse.
Paradoxalement, ce sombre scénario est livré par un style somptueux et riche. Il y a de la poésie dans les descriptions de Steinbeck, entre les tableaux calmes et le déchainement de violence des hommes, il n’y a souvent qu’un paragraphe. L’enduis civilisationnel laisse place à des réflexes reptiliens, la loi de la jungle reprend ses droits à une vitesse désarmante. Dur et beau, voilà.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’exploitation des hommes est décrite sans fards, les aventures de Kino l’illustrent de manière terrible. Le petit pêcheur ne peut faire grand chose face aux forces qui décident de la valeur d’une perle (cartel d’acheteur) et entretiennent le décalage entre ces petites gens et les notables du coin. Il n’y a qu’à voir le médecin, adipeux charlatan qui se pose comme unique prétendant du savoir médicinal. Ou, pire, le prêtre qui, par ses sermons, réfrène tout désir d’indépendance de la populace.
Par conséquent, les rêves de fortune paraissent inatteignables pour le commun des mortels. Le système mis en place par des générations sait remettre, certes violemment, tout prétendant à la richesse à sa « juste » place. Une telle fortune, trop soudaine, ne peut qu’être une engeance dans ces terres reculées, aussi c’est presque naturellement (mais non sans amertume) que le héros finira par se débarrasser de son bien comme d’une vilaine patate bouillante.
…à rapprocher de :
– De Steinbeck, Tigre a aaaadoré le Des souris et des hommes. Quant aux Raisins de la colère, faut que je le lise un de ces quatre.
– La poésie dans un univers terrible fait de pauvreté et de violence me rappelle pas mal Brésil, de John Updike. Court et bon aussi.
– Dans un registre totalement différent, et si vous en êtes capable, essayez de lire jusqu’au bout la nouvelle Tripes de Chuck Palahniuk (en lien). L’expression « aller à la chasse aux perles » a une autre saveur.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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