VO : Terrorist (jusque là, tout va bien). Titre plutôt sombre et édifiant, le lecteur se voit offrir la mise en place d’une action terroriste par le menu, de l’embrigadement des protagonistes jusqu’à la logistique finale de l’acte (un tunnel à détruire, comme l’annonce la couverture du roman). Style correct pour une histoire terrible, Updike reste un grand écrivain.
Il était une fois…
Dans le NYC des années 2000, l’adolescent Ahmad Mulloy est loin d’être heureux. Mère irlandaise assez ouverte qui a abandonné depuis longtemps la religion catholique, père égyptien inconnu et idéalisé dans sa recherche de la religion, Ahmad est un bon musulman. Mais les brimades de ses camarades, comme la tournure que prend son environnement le dégoutent. Aussi décide-t-il de tout plaquer et devient conducteur. S’abandonnant à l’islamisme le plus radical, le jeune Mulloy s’apprête à commettre l’irréparable…
Critique de Terroriste
Un des derniers romans du père Updike avant qu’il dépose le bilan devant le très Haut. Ce dernier ne devrait pas lui chercher trop de noises eu égard la bibliographie impressionnante de l’auteur américain. Encore une fois Le Tigre ne fut guère déçu et recommande fortement cette lecture. Même si la fin, avec la CIA qui s’en mêle, m’avait semblé un tantinet too much. Ou trop patriotique, au choix.
Dans Terroriste, nous suivrons l’évolution d’un jeune déraciné sur fond de radicalisme religieux aux États-Unis. Ahmard, c’est le jeune qui ne se sent pas vraiment à sa place dans le système qu’on lui propose. Ses seuls réconforts résident dans ses visites à la mosquée où les discussions avec le Cheick Rachid le transportent. Une chose en amenant une autre, il décide d’abandonner l’école afin d’exercer le métier de routier
Ce qui est bon avec Updike, c’est son travail vis-à-vis des personnages. Ceux-ci restent dans l’ensemble crédibles (le jeune déboussolé, le conseiller d’orientation juif aux multiples conquêtes dont la mère d’Ahmad…) et attachants. Même le héros (plutôt l’anti héros) inspirera une certaine pitié au lecteur désolé de le voir basculer d’abord dans la médiocrité, puis dans l’obscurantisme le plus choquant.
En parlant du style, si les protagonistes sont finement ciselés par l’auteur, le texte en général se tient plutôt bien. Ne vous attendez à ni de l’humour ni quelques fantaisies, Updike traite d’un sujet grave avec la précision d’un grand écrivain. Certes il y a quelques longueurs qui font que la fin d’un chapitre peut se faire attendre, mais rien à voir avec un Tom Wolfe et ses pavés de plus de 600 pages. Pour la moitié de ce genre de dernier pavé, le risque de s’ennuyer devant Terroriste est faible.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ce qui m’a marqué est le nombre incroyable d’apports que ce titre représente d’un point de vue culturel. Comme si Updike, à qui il restait peu d’années à vivre, souhaitait apporter une touche plus « rationnelle » et intelligible aux attentats du 11 septembre. Les enseignements sur la religion en général (surtout musulmane il va de soi) sont précieux. Le Tigre a noté ici et là quelques idées et métaphores plutôt osées, notamment le principe du Jihad (la guerre intérieure) comparé à la guerre d’indépendance américaine. Je vous laisse découvrir de quoi il retourne.
La « construction » d’un terroriste. John U. livre, de manière convaincante, les étapes successives menant un ado mal intégré à faire péter un tunnel : problème du père idéal absent et donc de l’absence d’autorité reconnue ; dévalorisation de l’enseignement reçu par l’école (les cours « libéraux » n’apportent que le doute en général, ce qui est infiniment mauvais) ; isolement par rapport à ceux qui pourraient l’aider sur le chemin de la connaissance et lui redonner confiance. Après plusieurs années de ce traitement, on a un cerveau bien formaté prêt pour le grand attentat. Si en plus l’individu a reçu, par les bons soins de ses commanditaires, une formation professionnelle (conducteur de camions dans notre cas) qui l’aidera à commettre son crime, la vie (mort plutôt) est belle !
…à rapprocher de :
– Sur le terrorisme, le parcours d’Ahmad reprend assez bien les dires d’Hans-Magnus E. dans Le perdant radical.
– Dans un registre également sombre, il y a l’excellent Brésil du même auteur.
– Sur la religion, Updike a régalé Le Tigre avec son impertinent Un mois de dimanches.
– Puisque je parlais des pavés de Tom Wolfe, voici celui qu’il convient de lire : Le bûcher des vanités.
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