Ha ha ! C’est non sans fierté mêlée de souffrances indicibles que Le Tigre a lu TOUT le roman. Et dès que celui-ci est sorti, le gros format qui fait un peu mal à la tête. Evènement de la rentrée littéraire de 2006, offert à noël, le piège : il fallait absolument le lire. Cinq ans après, le verdict (qui n’a pas changé). Un grand roman, trop complexe pour en comprendre, à mon niveau, les subtilités.
Il était une fois…
Le narrateur, Maximilian Aue, fouille dans sa mémoire et nous livre cinq années de sa jeunesse en tant qu’officier SS. De ses débuts dans l’Allemagne nazie jusqu’à la fin dans le zoo de Berlin, en passant par la France ou les arides décors de l’Est, c’est toute une épopée qui est jouée, sur fond de références multiples.
Critique de Les Bienveillantes
Je ne sais pas ce qui a pris à Littell Jr de se lancer dans la rédaction d’un tel bouquin. C’est trop. Trop bien documenté déjà, le lecteur est plongé dans l’histoire, rien n’est laissé de côté niveau description, l’écrivain nous offre même à la fin du livre un dictionnaire pour ne pas perdre pied avec les termes utilisés par les nazis. On sent le travail du thésard (taiseux, hélas non) qui a compulsé des kilos d’archives dans tous les coins et les ressors un peu partout, comme s’il voulait tester la patience du lecteur.
Trop réaliste, en considérant que ça puisse être une tare. Description froide, minutieuse, des passages sont réellement douloureux à suivre. J’ai par exemple en tête des pages et des pages de réflexion du narrateur et de son équipe qui se demandent si telle tribu de l’Oural (composée d’une dizaine de péquins) pouvait être considérée comme juive ou non, ce qui allait sceller leur devenir au sein du reich millénaire. Passage long, intéressant, mais le lendemain Le Tigre ne se souvient de rien.
Paradoxalement, heureusement que le narrateur est malsain par certains côtés : ses dérives sexuelles (je ne parle pas de l’homosexualité, entendons-nous bien), son métier délirant, ses passages de folie, notamment quand il est dans les vapes à la suite d’une balle reçue, viennent ensemble interrompre la monotonie descriptive du gross pavé.
Et puis la ponctuation et le chapitrage. Nom de zeus. Trois ou quatre chapitres sur près de 1.000 pages (livre grand format), des retours à la ligne quasiment inexistants, des sauts de pages attendus comme autant de prophètes, j’ai cru un moment que c’était une blague. Combien de fois le Tigre a espéré en vain l’escroquerie, qu’au milieu du livre des dizaines de pages blanches auraient été insérées comme l’aurait fait un étudiant trop feignant pour pipeauter.
Bref, préférer les polars de son père, Robert Littell. Le Tigre reconnaît n’être pas suffisamment armé en patience, voire en intelligence pour produire une critique constructive sur ce roman, mais là je n’ai rarement eu autant l’impression d’en être le mauvais destinataire.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les thèmes sont nombreux, wikipedia s’en charge très bien. C’est pour cela que le Tigre va plutôt parler des thèmes relatifs à la lecture d’un tel pavé. Pourquoi, comment,…
Déjà pourquoi : on n’achète pas un tel truc, on se le fait offrir (par son meilleur ennemi ai-je envie de rajouter). Parce que celui qui achète ça est (au choix) : un misérable follower, un professeur de philologie à l’ENS (ou ailleurs hein), un curieux excessif, un amateur de beaux romans, un retraité,… Et je le reconnais, qu’on me l’offre m’a à la fois donné une excuse et une obligation de le lire.
Cette oeuvre est l’archétype du livre qu’on doit lire pour ne pas paraître con en société. Pouvoir en parler l’air de rien et susciter l’admiration de son entourage. Avoir une certaine autorité, voire être le seul à l’ouvrir si le sujet vient sur la table. Alors que neuf dixièmes des lecteurs ne vont se souvenir de rien ! Le Tigre a découvert qu’un critique n’est pas forcément obligé de lire/regarder/écouter l’objet de son métier, il lui suffit parfois de le parcourir tout en ayant une solide culture générale.
Ensuite comment lire ça. Le Tigre répond sans hésitation : le plus vite possible, en mode « les pages me brûlent les doigts ». C’est simple : le livre fait 1000 grosses pages. En lisant correctement, à raison de deux minutes par page en moyenne, on arrive à environ 32 heures de lecture. Pour ma part ça a été plutôt 35 heures, en une semaine, chaque soir du lundi au vendredi, de 21h à 2h. Il y a de meilleures manières de perdre son temps.
J’ai atteint, malgré moi, des summums d’ennui, et depuis Les bienveillantes je n’hésite plus à abandonner toute lecture qui me rappelle cet état d’esprit. Même sur un roman de 200 pages, parce que qui dit long ne dit pas forcément chiant (et inversement). Par exemple, le cycle de L’aube de la nuit d’Hamilton ou la tétralogie de Reynolds dépassent les 4 000 pages, pour notre plus grand plaisir. Idem pour La Tour sombre de King.
Enfin, parce que Le Tigre aime finir sur un bon point, la finesse promotionnelle de l’auteur est à saluer. Mettre un titre que personne ne comprendra au premier abord, ni même à la fin du roman, c’est astucieux comme tout. Un titre qui ne résume rien, et dont la sonorité, simple mais percutante, apporte une fluidité que le texte n’a pas.
…à rapprocher de :
– Pour Le Tigre, le fin du fin a été atteint lorsqu’on lui a dit d’où venait le titre : une référence à une tragédie d’Eschyle, le même Eschyle dont la lecture des œuvres complètes a entraîné un ennui semblable à la lecture du kolossal Buch. La boucle est bouclée.
– L’Allemagne nazie, en restant à Berlin et du côté des victimes : Seul dans Berlin de Hans Fallada.
– Quelque chose d’aussi long et parfois abscons, c’est très fort et peu de livres ont osé faire de même. En vrac : les Laboratoire de catastrophe générale de Maurice G. Dantec, la Bible,…
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (en poche, mais ça ne réduira pas votre migraine).
Je me souviens d’un dîner. 8 personnes. Un débat sur LE livre. 6 contre/1 pour/1 ne se prononce pas (je schématise). Seul le « pour » a lu le livre.
Depuis, ne se prononce pas a lu le livre, jusqu’au bout … C’est moi^^
Dans mon souvenir, quelques chapitres vers la fin m’ont déplu. Mais je ne sais plus pourquoi ???
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Ami tigrou, pour te brûler la cervelle, je te conseille Finnegans Wake de James Joyce (à subir après avoir avaler Ulysse du même auteur, tu gagnes +4 en courage et +2 en méningite sur tu le lis en VO), j’ai déclaré forfait au boût de 10 pages.
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