Les lectures du Tigre sont aussi intéressantes que variées, vous l’aurez remarqué. C’est surtout dans le cadre de mes études que j’ai du rédiger une étude sur une part de l’économie asiatique, et quitte à joindre l’utile à l’agréable, la mienne portait sur l’économie souterraine du Japon. Si les livres sur la criminalité de ce pays ne manquent pas, une biographie romancée sur un Yakuza, c’est bien plus rare et intéressant.
De quoi parle Confessions of a Yakuza, et comment ?
Junichi est médecin au Japon, une sorte de kiné, et en auscultant un très vieux patient il remarque tous ses tatouages vieillis. Au fil des séances ce vieil homme lui raconte son histoire en tant qu’ancien membre puissant de la société criminelle japonaise, les Yakuza. De ses premiers pas jusqu’à sa vie en tant que boss, en passant par son rôle pendant la seconde guerre mondiale, c’est tout un pan obscur (pas tant que ça parfois) du Japon du XXème siècle qu’il raconte.
Acheté en Asie, ce livre fort bien reçu par la critique mérite quelques applaudissements. Celui-ci donne une vision très précise de la culture des Yakusa, ses codes, son idéologie, ses moyens d’actions surtout dans le Japon d’après-guerre. On est très loin des fantasmes occidentaux habituels sur le Japon underground, avec un homme d’apparence normale qui progressivement ne pense et ne peux plus faire machine arrière.
Assez grandiose aussi comme biographie, venant d’un homme dont le principe fondamental est la discrétion et le secret autour de ses activités – je n’imagine pas les restrictions imposées ou que s’est imposé l’auteur. Il en ressort un style sec et sobre, sans artifices ni exagérations qui peut parfois provoquer un bâillement. Mais c’est toute la force d’un ouvrage dont le deuxième prénom est « réalisme ».
Ce que Le Tigre a retenu
La vie de Yakuza n’est pas enviable, et malgré quelques avantages le criminel entre dans un monde loin des autres civils, où très peu lui sera pardonné.
Tout d’abord, l’initiation se révèle longue et passe, à l’époque du vieil homme, par la case prison. Pour être admis, il convient de faire ses preuves en commettant un crime, ou en prenant la responsabilité d’un autre commis par un yakuza plus âgé. La relation entre les membres, très pyramidale, repose sur un principe proche du paradigme grand frère / petit frère.
Ensuite, la vie du Yakuza est totalement dédiée à son clan (il en existe pas mal d’ailleurs), comme toute mafia les intérêts de son groupe sont au-dessus de tout, même la famille. Ce qui surprend c’est le rapport avec le citoyen lambda, où les différents avec celui-ci sont d’abord traités avec courtoisie. Il n’est pas rare que le clan tranche en faveur de l’homme extérieur à l’organisation.
Enfin, c’est l’évolution d’après-guerre de la criminalité japonaise, qui a investi de manière constante et durable dans les activités économiques légales du pays. N’hésitant pas à se montrer, les Yakuza ont souvent aidé la population, en contraste avec l’incompétence des autorités locales, comme le montrera plus tard les tremblements de terre de Kobé en 1995. Quant aux tatouages, en plus de l’aspect esthétique notable, c’est surtout un moyen de sceller la condition du Yakuza qui restera un membre à jamais, à l’image des mafias russes (cf. Les Promesses de l’ombre de Cronenberg)
…à rapprocher de :
– Yakuza : Japan’s Criminal Underworld, de David Kaplan. Ouvrage de référence qui a aussi grandement aidé Le Tigre à pondre son mémoire. D’ailleurs certaines des présentes analyses proviennent sûrement de ce titre. A tout hasard, lisez l’édifiant essai de Jake Adelstein, Tokyo Vice.
– Yakuza moon de Shoko Tendo, Tigre ayant lu la version manga par Wilson et Morikawa. Peu de choses sur les Yakuzas, plutôt l’histoire tragique d’une fille d’un boss déchu.
– Sanctuary, manga de Fumumora, comporte une partie sur l’expansion d’un des frères en tant que Yakuza. Assez réalistes, les 12 tomes se lisent très rapidement.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet essai en ligne ici.
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