VO : Wess’Har. Bragelonne s’attaque à du lourd, à savoir un space opera qui a eu outre manche son petit succès. Ce cycle est original et très intelligent. Du moins les trois premiers romans traduits et lus sur les six prévus. Écologie politique, insondable bêtise de l’espèce humaine, transhumanisme, ça change des gros vaisseaux type star wars.
Il était une fois…
Le cycle débute par trois romans, chacun faisant moins de 500 pages. Le Tigre les résume brièvement, en évitant autant que faire se peut de spoiler le potentiel lecteur.
Tome 1 : la Cité de perle
Shan Frankland, officier de police de la fédération européenne, est envoyée dans une colonie (lointaine de 25 années lumières) peuplée il y a très longtemps. Il n’y subsiste qu’un petit groupe d’humains, évoluant sous la bonne garde d’un Wess’har, alien aux caractéristiques particulières même au sein de son peuple. Shan ne sait pas vraiment en quoi consiste ses missions et la situation va vite empirer.
Tome 2 : Transgression
Comme prévu, la situation est partie en sucette et Shan a fait un choix qui certes l’honore mais provoque l’ire de certains humains. Ceux-ci, pour obtenir le secret de l’immortalité seront prêts à affronter d’autres races. Il reviendra à notre héroïne, atteinte par une étrange maladie qui est aussi une force, d’empêcher un carnage.
Tome 3 : le Monde d’Avant
Le carnage a eu lieu, une race E.T. a été détruite. Les Wess’har sont colère et bien décidés à châtier les humains responsables (et pourquoi pas la Terre dans son ensemble). Le Monde d’Avant, c’est le monde d’origine de ces êtres, qui semblent encore plus « écolo-protecteurs » que les Wess’har déjà vus. Or le tribunal qui statuera sur le sort de l’humanité provient de ce monde. Le salut viendra peut être de Shan, dont le corps s’était abimé dans l’espace.
Critique des Guerres Wess’har (première partie)
Très bonne entrée en matière, puis tout se déroule facilement jusqu’à ce que près de 1.500 pages aient été avalées. Ces guerres, c’est la lutte entre trois civilisations E.T. fascinantes, avec les humains qui rajoutent au bordel en plus de ne pas vraiment comprendre les enjeux.
La situation empire vite et les humains se montrent encore plus idiots que d’habitude (jusqu’à mériter une violente cure écologique), pendant que l’héroïne, Shan, est infectée par un virus qui la transforme et lui fait découvrir les joies de la quasi immortalité. Le personnage principal est complexe et assez fascinant à suivre, notamment son histoire d’amour avec le gardien Wess’har.
Bien sûr le style de l’écrivaine n’est pas optimal, certains reprocheront des longueurs ou approximations qui rendent certains protagonistes moins vivants que souhaité. Mais autant le dire tout de suite : ce n’est pas pour la qualité des tournures de phrases et leur enchaînement qu’on poursuit ce cycle, seulement pour le scénario bien ficelé et plein de bonnes idées.
De même, Le Tigre a un peu ragé contre les Wess’har, qui au fil des romans apparaissent comme de plus en plus parfaits. Anti-religiosité (un peu too much) qui ferait rougir de plaisir le Canard enchaîné, gestion impeccable de l’écosystème, philosophie en générale respectueuse et logique,… La description de leur société est réaliste et crédible, c’est à se demander si Traviss ne nous a pas discrètement pondu une petite utopie…
En conclusion, rien que pour la fin qui est de pure beauté, il faut s’accrocher à cette saga. Fin au demeurant frustrante, car à l’époque Le Tigre ne savait pas qu’il restait autant de tomes à lire pour clore l’histoire. J’attends donc.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Certains thèmes, propres à la SF, sont finement développés et apportent un plus indéniable à l’œuvre de Karen T. : politique écologique de l’avenir ; influence (forcément néfaste) des grandes entreprises qui rivalisent avec les grandes fédérations terriennes (encore une fédération européenne, chouette), d’où l’insupportable privatisation de la vie ; transhumanisme de certains personnages ; appréhension de l’éternité, tout y passe ! C’est sensé, c’est beau, c’est généreux, bref on nage dans le vert.
Le Tigre a été particulièrement satisfait de la description des espèces rencontrées. Par exemple, les Wess’har dont la biologie, le système social et la structure de pensée (entendez philosophie) sont suffisamment détaillés pour que le lecteur se croit dans leur société. Le peuple des mers, dont on se rend compte de l’extrême vulnérabilité, est accessoirement là pour renvoyer à la folie des hommes, seuls méchants de la trilogie. Du coup, les relations diplomatiques entre ces espèces suivent le mouvement et sont d’un réalisme plus que correct.
En outre, la notion wess’har de responsabilité est philosophiquement intéressante : peu importe les motivations, seul le résultat compte. Un peu comme la sanction pénale résultant des violences volontaires, mais en pire : dans Les Guerres Wess’har l’élément intentionnel (à savoir la volonté de blesser) n’est pas nécessaire. Bien sûr seuls les responsables directs subissent la loi du Talyon, proportionnellement à leurs méfaits. Là où le bât blesserait, c’est quand les Wess’har considèreraient que les ordres proviennent d’un gouvernement élu. Vous suivez le raisonnement ? Pure spéculation…
Du coup le lecteur prendra vite pitié des Isenj, race qui ressemble à de gros homards et vit dans des villes surpeuplées. On peut, au début, les suspecter d’être passablement vilains ; puis on s’aperçoit que ce qui leur est arrivé, et bien l’humanité n’est pas loin de subir le même sort. Pitié, voire sympathie à l’encontre de ces pauvres bêtes, il n’est plus à démontrer que le développement désordonné fait de sacrés dégâts. Le parallélisme avec certaines civilisations humaines assez évident.
…à rapprocher de :
– L’écologie à l’échelle de la planète et de ses habitants est un thème du film Avatar. Sauf que Karen T., contrairement à Spielberg, présente une civilisation protectrice extra-terrestre un peu plus crédible et bien plus dégourdie que les schtroumphs du film.
– La société « nickel » et qui fait rêver, c’est un peu celle des Moravec, civilisation mi-organique mi-mécanique du bouquin Ilium, de Dan Simmons. Comme les Wess’har, tellement en avance sur la technologie (l’air de rien toujours).
– Certains aspects sociétaux des Wess’har font penser à l’utopie de la phalanstère poussée à son comble, notamment les enfants éduqués par tous.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette saga via Amazon ici : tome 1 d’abord (c’est mieux), puis le 2, on termine par le 3.
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