VO : Tapping the Source. Premier roman de Kem Nunn, auteur porté sur le surf s’il en est. La photo de garde du roman est bien choisie : au-delà de la qualité de l’image, avec un filtre tirant sur le violet (couleur ici du désespoir), c’est un homme seul dans sa quête que le lecteur s’apprête à lire. Écrit en 1984, traduit tardivement hélas. Mais rien n’a vieilli. Un bel ouvrage, où on est loin de l’image idyllique du surf en général.
Il était une fois…
Ike est un jeune paumé au fin fond des États-Unis. Avec son oncle il s’occupe d’une petite station service, loin des vices de ce monde. Pourtant il décide d’aller retrouver sa soeur, disparue en Californie du Sud sans donner de nouvelles. Il y débarque, apprend rapidement le surf et mène son petit bout de chemin. Au fil des rencontres et des sessions de surf, la douloureuse vérité commence à poindre.
Critique de Surf City
Petite note : le titre « Surf City », est une création purement française. Le titre original, que je traduis librement par « retour à la source », est à mon sens plus parlant : retour à l’origine de l’âme humaine, désenchantement par rapport à l’autre, ce qui résume assez bien le roman. En sus, taping the source, c’est un peu chasing the wave : aller titiller la vague là où celle-ci prend forme. Sans compter la sonorité générale, bien plus percutante.
Celui-ci commence doucement, le plantage de décor est sobre, puis tout s’enchaîne jusqu’à la fin. Celle-ci est peut-être légèrement décevante (en 1984 sûrement pas), mais les étapes pour y arriver sont captivantes. Car c’est une plongée dans la noirceur de l’être humain qu’Ike opère, et lui-même basculera dangereusement du côté sombre (Le Tigre ne parodiera jamais Star Wars).
Lu il y a quelque temps déjà, Le Tigre en garde néanmoins un sentiment de malaise. Un jeune bien sous tout rapport qui pour découvrir la vérité va commettre des actes auxquels il n’aurait pas songé. S’installer dans une ville nouvelle, rencontrer des gens, apprendre le surf, OK. Se faire rabatteur de filles faciles en les appâtant avec des joints, puis filmer ses exploits sexuels, moins OK. Un engrenage bien huilé, l’effet d’entraînement de l’entourage, le sentiment de liberté excessive, on sent presque l’expérience réellement vécue que Kem nous relate.
Kem Nunn est en plus passionné de surf, et ça se remarque. Les descriptions des scènes de glisse, les techniques de surf mises en oeuvre, c’est aussi du vécu. En plus de la glisse, c’est le monde des surfeurs de la fin des années 70 que le lecteur découvre : new age, libres, mais terriblement égoïstes et réalistes. Le « no frontier » puisque l’océan n’en n’a pas non plus, l’immensité et la richesse de l’environnement comme catalyseurs des comportements à risque. Bref, que du beau, surtout quand on est loin d’un happy end.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Sea, sex, sun and drugs. Et même pas de rock ! Drogue et surtout violence (de moins en moins déguisée), voici le décor du livre. La violence des échanges (par le sexe notamment), l’antinomie entre l’environnement (les plages, le soleil) et les hommes n’a jamais été aussi présente dans un polar. Polar noir avant tout, Surf City ne s’offre pas à son petit neveu qui vient d’acheter sa petite planche en mousse.
Surf City est également ce qu’un professeur de français du XXème siècle appellerait sobrement « ‘un roman d’apprentissage ». Le héros, tout de blanc vêtu, va lors de ses recherches s’apercevoir que les hommes peuvent être très méchants. Et lui-même, pour remplir sa quête, virera franchement au gris foncé. La solitude d’Ike, le destin horrible d’un de ses proches, l’envie de découverte alors que quelqu’un d’un peu prudent n’hésiterait pas à rejoindre sa station service en plein désert, comment ne pas s’attacher au héros ?
…à rapprocher de :
– Du surf, et encore du surf : le second roman, Le sabot du diable, part des mêmes bases, pour un résultat surprenant. Tijuana Straits, plus « polar », a son héros ancien surfeur qui livre quelques souvenirs.
– Le surf à l’honneur, c’est surtout Respire, de Tim Winton. Attention, pépite littéraire.
– Sur la découverte d’un monde « souterrain » que le héros ne soupçonnait pas forcément, Le Tigre vous renvoie vers le glauquissime Satan dans le désert, de Boston Teran (même éditeur by the way).
– Sur l’aspect « roman d’apprentissage », regardons ensemble à nouveau Point break, avec Keanu Reeves : même environnement, même fin un poil bâclée, même plaisir général. D’ailleurs Le Tigre a cru remarquer ne pas être le seul à faire le lien.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
Ping : Tim Winton – Respire | Quand Le Tigre Lit
Ping : Kem Nunn – Tijuana Straits | Quand le tigre lit
Ping : Kem Nunn – Le sabot du diable | Quand le tigre lit