VO : Itaitashii LOVE. Kiriko Nananan. C’est son vrai nom apparemment, ne nous moquons pas : certaines marques françaises ont une signification peu glorieuse en japonais. Quant au livre, il est très joli : beaux dessins, superbe couverture jaune, lecture aisée, 120 pages. Pour ne pas gâcher cet en-tête, nous passerons sous silence le contenu certes universel, mais parfois digne d’un shojo (donc pour jeunes filles).
Il était une fois…
Une quinzaine d’histoires, certaines se suivant, d’autres reprenant après quelques interludes, toutes sous le sceau de l’amour (sens large) : des retrouvailles d’ex jusqu’au garçon entretenu par sa copine, en passant par la prostitution, Nananan offre quelques tableaux de la vie de tous les jours.
Critique d’Amours blessantes
C’est assez court, et néanmoins suffisamment profond comme Kiriko prend la peine de rester avec certains personnages. Des bribes de la vie japonaise, des jeunes exclusivement, qui tombent amoureux, perdent leur amour, se font larguer, retrouvent des amis,…plus que des fictions, le lecteur découvre des scènes forcément crédibles pour un auteur décidément dans l’air du temps.
Tout cela se lit à vitesse grand V (ça passe moins à l’écrit cette expression), mais on peut trouver le temps de s’ennuyer ferme. En effet, c’est fort gentillet, quelques passages corrects à la rigueur, mais le reste… pffffiouuu. Le Tigre ne fera plus confiance à un certain magazine (dont le nom sera tu) qui liste les grands mangas de la décennie.
Point positif (je finis parfois de la sorte) : le dessin. Du noir et blanc sobre, quasiment aucune nuance de gris, pour les cheveux hop un motif digne d’un fond de tableau power point. Les lignes sont claires, minimalistes et ne s’attachent qu’à l’essentiel. L’alternance entre les visages, dont les expressions sont bien rendues, et les paysages ou zooms sur des objets environnants (le paquet de cigarettes, une pièce à vivre), est basique mais efficace.
Un ouvrage assez léger, destiné avant tout aux femmes, et surtout aux dessinateurs en herbe qui trouveront matière à réfléchir. Vous l’avez compris, ce n’est pas la came du Tigre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Parce que Le Tigre n’a pas grand chose à dire sur Amours Blessantes en particulier, autant parler de points culturels précis.
L’amour, encore l’amour, jusqu’à n’en plus pouvoir. Si ça peut être intéressant pour comprendre un peu mieux la culture japonaise, ne parler que de sentiments comme Nananan le fait peut vite devenir gavant. Pas d’autre terme. Mais ça fait partie de la diversité des mangas :
Premier point : dans les années 80 et 90 les manga et dessins animés tirés de ces BD japonaises étaient plutôt traitées avec mépris en France. D’une part tout ça était visible grâce aux programmes TV pour enfants (dont certains politiques étaient mécontents). D’autre part, ces animés, et d’autres mangas traduits étaient loin d’être les meilleurs produits par l’archipel. Imaginez que seuls Marc Lévy, Amélie Nothomb (parce qu’elle a vécu au Japon) et Daniel Pennac étaient traduits là bas : et bien le lecteur japonais, il devient fou (paraphrasons un peu Chirac).
Tout ça pour dire que si en France on a accès à ce qui peut se faire d’excellent, bah parfois il y a des ouvrages qui peuvent passer au travers des filets. Amours blessantes n’en fait pas partie, c’est loin d’être un navet.
Deuxième point : 120 millions d’habitants, un besoin continu de s’évader, le marché japonais est propice aux mangas, qui sont avant tout lus par des adultes. Le Tigre ne va pas vous rabâcher l’histoire du manga, ou ses genres, je me contenterai d’une remarque : au moins leurs productions sont bien classées (shonen, shojo, etc.), le lecteur peut se diriger rapidement vers ce qu’il lui plairait. Pas comme en Europe où on n’apporte pas aux BD les mêmes soins logistiques qu’aux romans (tri par polar, SF, fantasy par exemple).
Hélas, mille fois hélas, amours blessantes faisait partie des BD japonaises triées à l’européenne : honteusement mal classée dans les rayonnages d’un grand magasin, à côté d’ouvrages que je serais enclin à lire. Ordre alphabétique trompeur. Comme si, parce que vous aimez la collection folio, et en l’absence d’un ouvrage de Dan Simmons, vous vous reportez sur Balzac et la Petite Tailleuse chinoise de Dai Sijie (ou inversement). Owned.
Troisième et dernier point : « amour » est un des rares noms communs qui est masculin au singulier, et féminin au pluriel. Comme un orgue, ou un délice. Beaucoup de linguistes font beaucoup de mal à des mouches pour savoir comment on en est arrivé là. Le Tigre n’abondera pas dans la discussion, étant déjà connu desdits drosophiles.
…à rapprocher de :
– Une pièce montée, de Blandine Le Callet, sur des moments de la vie sentimentale traités à tous les niveaux.
– En bien plus sympa (et trash également), les tourments d’une partie de la population japonaise peuvent se retrouver dans Chansons populaires de l’ère Showa, de Ryu Murakami.
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