Le titre, le numéro du présent Sutra, il s’agit bien de ce que vous pensez top of the head. Pas vraiment évident de pondre un article sur l’acte charnel tout en lisant, sans tomber ni dans le graveleux ni dans les lieux communs. Un exercice qu’affectionne Le Tigre, c’est parti.
Faire l’amour en lisant ?
La Procréation Littéraire (ci-après PL), c’est tout simplement s’activer sur son (ou sa) partenaire pendant un petit moment de lecture. Le Tigre est un fier mâle, donc le partenaire sera au féminin. Aussi ne vous gênez pas, à votre convenance, pour « interchanger » les sexes du Sutra. De copain (étymologiquement, cum-panem, celui avec qui on partage le pain), vous pouvez lire copine (celle avec qui on partage la pi…euh, non, l’étymologie a ses limites).
A ce titre, il convient de clarifier le sens sémantique de la PL. « Procréation », puis « Littéraire ». S’il y a un ordre, ce n’est pas pour rien. Il s’agit d’abord de procréer, puis de lire. Bref, le faire en lisant, et ne pas lire en le faisant. Vous suivez ? Entre ces deux activités, il y en a quand même une prépondérante qui va vous bouffer un peu plus de ressources (et mobiliser plus de sens) que l’autre. Si c’est la lecture, interrogez-vous un peu sur la qualité de vos ébats.
Dans cet article, rien sur la littérature érotique (qui fait l’objet d’un autre article), juste quelques modestes conseils pour faire l’amour tout en s’adonnant au petit plaisir de la lecture. Je préfère l’annoncer tout de suite, à part si vous êtes doctorant avec seulement 5h par jour à faire autre chose que travailler sur votre thèse (dont 4h30 à dormir), se taper discrètement un roman (ou essai) pendant l’acte sans que le partenaire ne le remarque est impossible. Autant tenter d’éternuer tout aussi discrètement dans une bibliothèque universitaire dans laquelle notre doctorant travaille.
Pourquoi mélanger sexe et littérature ?
Pourquoi s’essayer à la littérature sous couette alors ? Quel est le petit plus d’un tel acte ? En effet, au premier abord, lecture et intimes exercices physiques ne semblent pas faire bon ménage. Au même titre que la migraine. On a tous l’image d’Épinal de son conjoint, en pyjama pas übersexy pour un sou (ou pire, une robe de chambre) installé à côté de soi sur un canapé ou un pieu (pas celui de la version X de Twilight) et en train de compulser les pages d’un truc dont la plupart du temps on se fout.
Ou alors, concernant la vie d’un couple (tous nés avant les années 50) après le film de TF1, on se plaît à voir Madame en bigoudis sur le dernier Amin Maalouf, et Monsieur à lire le dernier tome de la biographie du Général. Bref, le livre ne paraît pas être « l’agent provocateur » des voluptueuses envolées des chairs moites de plaisir (c’est bon, je maîtrise le vocable de la bibliothèque rose).
A la rigueur, vous pouvez laisser traîner, sur la table de chevet de l’autre, un mignon roman érotique (ou un marque page sur les scènes les plus torrides d’un Houellebecq), mais une fois le message compris, le pauvre petit bouquin ne sera remisé qu’au rang d’impuissant spectateur. A peine un catalyseur, et la seconde fois la mayonnaise (sans jeu de mots) ne prendra pas aussi aisément.
Comment niquer avec un bouquin ?
L’esprit du Tigre est carré, d’où quatre chapitres sur les moyens de marier sexe et littérature.
La base littéraire érotique. Il y a toujours le livre offrant conseils, illustrations (dessins, voire photos, miam) à l’appui. Kama Sutra ou autres Livres des délices interdits de la cour de Soliman Le Magnifique, on prend une page au hasard, on s’étire un peu et en avant la musique. Je l’admets, ce n’est aujourd’hui guère subversif, il y a à peine de quoi s’encanailler. Toutefois, dans certains milieux, ça reste extrêmement underground comme approche.
Souvent, ce sont dans les descriptions écrites, que vous lirez tout en essayant de placer votre jambe gauche derrière son buste tout en accrochant votre main droite à son omoplate opposé, que le fou rire peut survenir. Vous désacraliserez l’acte en l’intellectualisant à outrance, créant de facto une complicité grandissante. Prendre un page au pif, essayer, recommencer, j’ai conscience que c’est un peu ennuyeux à la longue, et surtout trivial. Je peux faire mieux.
La PLA. Ou Procréation Littéraire Assistée. La PLA, c’est lorsque la lecture uniquement vous dira quoi faire. Ça peut être un livre à clefs. Vingt minutes que vous avez commencez, que des préliminaires ; et enfin votre page vous donne rendez-vous au chapitre 33 pour savoir où mettre votre doigt, chapitre 68 si vous avez fait face avec votre pièce de 1 €. Le Tigre, plus geek, préfère les logiciels de randomisation d’actes à accomplir : vous êtes tous les deux face à votre écran, et toutes les vingt secondes une action à effectuer apparaît. Prise d’initiative proche de zéro, activité de lecture intense surtout quand l’écran est splitté (un cadre pour la femme, l’autre pour l’homme), imaginez un jeu à mi chemin entre le Twister et le Rapido.
Le « j’y suis j’y reste ». Vous sentez que votre amoureux(se) est sur le point de vous faire une proposition que vous ne saurez refuser, et là il faut la jouer fine. Prenez un livre que vous avez déjà commencé, lisez le avec intérêt, et dès que le désir de l’autre se fait plus pressant, demandez lui si vous pouvez terminer au moins le chapitre pendant les préliminaires. Pour ne pas passer pour un malotru de premier ordre, faites bien comprendre que vous sacrifiez sur l’autel de son plaisir une lecture qui s’avérait satisfaisante. Proposez lui ensuite des positions permettant de terminer le chapitre (plus long que prévu bien sûr), tout en lui susurrant à quel point il/elle devrait essayer de faire la même chose.
Les pages à fleur de peau. Derrière ce terme hautement romantique se cache une conception tout à fait sympathique de la littérature. L’idée est de choisir une courte histoire, si possible avec un certain suspense (un poème peut remplir son office), et l’écrire sur votre corps. Il y a des stylos adaptés pour cet exercice, de grâce n’utilisez pas du chocolat, c’est digne d’un film érotique germano-polonais des années 80. Vous avez compris, Madame (ou Monsieur) sera obligé d’inspecter scrupuleusement chaque partie de votre corps (et vous le faire savoir) pour lire l’intégralité de votre œuvre.
En suivant mon raisonnement, vous aurez tout intérêt à y écrire une devinette, avec la solution qui apparaît dans son intégralité à un certain moment d’excitation. Pour les femmes, si vous avez la flemme ou ne savez écrire la fin, faites vous tatouer une grille de Sudoku sur le ventre (ou le dos), puis consentez quelques minutes à votre partenaire de jeu pour la remplir. Concentration aidant, vous ferez ce que vous voulez de son corps.
Conclusion coquine
C’est la dernière fois que Le Tigre demande à sa compagne de lui choisir un thème de Sutra. Si ce que je raconte est plus qu’improbable, c’est bien que lire et baiser procréer (enfin s’entraîner) en même temps, ça ne se fait décidément pas.
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