Sur-titre : Les tuniques bleues. Black Face, c’est le mercenaire d’un jour qui va un peu plus foutre le bordel dans la Guerre de Sécession. Histoire bien ficelée avec un mélange d’humour et de tragique assez étonnant, ça passe. Malgré l’absence de révélations particulières sur les héros, c’est presque le passage obligé de la série.
Il était une fois…
Les Nordistes trouvant que le conflit ne tourne pas assez vite à leur avantage, le bon général Alexander a une idée lumineuse : et si on provoquait des émeutes des populations noires dans les États sudistes ? Une mission d’une telle noblesse, forcément Chesterfield et Blutch sont chargés de cette mission. Sauf que le fossoyeur noir qu’ils doivent accompagner se fait rapidement la malle et ne se cantonne pas à bouleverser les lignes ennemies.
Critique de Black Face
Ne vous étonnez pas si le félin critique quelques vieilles BD au pif’, je fais en fonction de ce qui traîne dans ma tanière. Et ne comptez pas sur moi pour attaquer tous les albums d’une série, j’ai une vie en dehors de cette suite de 0 et de 1.
Cet album, en plus de traiter un sujet particulier, représente nos deux héros dans ce qu’ils ont de plus caractéristiques. Chesterfield, déjà, est idéaliste au possible (presque niais), cela détonne avec les Noirs de l’arrière-pays qui ne se laissent pas embrigader par les boniments des deux soldats. Blutch, toujours autant déserteur dans l’âme, parvient même à entraîner son pote dans la trahison.
Le scénar’ fait montre d’un nombre agréable de péripéties : rencontre avec Black Face, méfiance entre les protagonistes, émeutes incontrôlables avec les civils qu’en prennent plein la gueule, manoirs dévastés, explosion finale, soldats à poil, match nul, circulez y’a rien à voir. Quant au dessin, bah c’est Les tuniques bleues du début des années 80, donc les traits sont matures et nos héros ne ressemblent plus à Jo et Zette.
En fin de compte, ce que j’ai particulièrement apprécié dans ce titre est, paradoxalement, le rôle qu’enfin joue Stilman. Le gus, comme son nom l’indique, reste habituellement planté dans la tente d’état-major en sirotant on ne sait quoi avec une paille. Et là, dans les dernières planches, l’insoupçonné sauveur intervient et dit tout haut ce que le lecteur pense déjà depuis belle lurette.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le bouquin fait la part belle à ce qu’on appelle les agents provocateurs, voire les « false flags » des conflits pas vraiment nets (y’en a-t-il d’ailleurs ?). En souhaitant exciter les lignes arrières des Sudistes, le commandement des États Fédérés met le doigt dans un engrenage qui menace de le bouffer tout cru. Le point d’orgue est atteint lorsque, pour réparer les dégâts et mettre un terme à la révolte black powa, le « bon côté de la guerre » décide d’aller trucider ce beau monde sous les couleurs des Confédérés. Et y’a toujours quelqu’un prêt à le faire (le bon Ripley, raciste un poil caricatural). Du joli en somme.
La douce morale de cette histoire est qu’il n’y a pas un belligérant pour rattraper l’autre. Le soyeux verni de la justification du conflit du point de vue du Nord, à savoir la liberté des Noirs, s’efface rapidement face à la réalité. Comme le dit Black Face, au Nord les Noirs sont libres, pourvu qu’ils cirent les godasses des hommes blancs (en attendant la fin de la guerre, ils officient en tant que fossoyeurs). A quoi bon aider un camp si son sort ne changera pas d’un iota ? Lutte contre la sécession ne signifie pas fin de la ségrégation.
…à rapprocher de :
– Dans cette série, vous trouverez également (dans l’ordre) sur le blog Des Bleus et des dentelles (transgressif, l’air de rien) et Les Cousins d’en face (sans plus, mais drôle au demeurant).
– Tiens, puisque Tigre parlait de Ségrégation, laissez tomber cette BD un peu fadasse et allez jetez un oeil à Dans la peau d’un Noir, de Griffin.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.
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