Sous-titre : Cosmique fric-frac. Thriller science fictionnesque (mais sans hard SF) plutôt déconnant et résolument novateur, l’auteur français est parvenu à imaginer un monde, Hermopolis, avec des lois qui semblent bien obscures. Quand une poignée de bras cassés doivent s’immiscer au centre de cet univers, les ingrédients sont là pour lire une petite pépite fort sympathique.
Il était une fois…
Vostok 17-1456 la tueuse, Kaboom l’artificière, les cambrioleurs Brescia et Octave, Marymay la bluffeuse, la belle baroudeuse Tabitha et le prescient Rétrominot. Sept êtres qui excellent dans leur spécialité, les meilleurs des meilleurs des meilleurs à qui une organisation va faire appel pour réaliser l’impossible. Dans un univers futuriste, mille ans après qu’une machine a été mise en place pour administrer l’Empire, la mission de nos amis va se révéler plus retorse que prévu.
Critique du Casse du continuum
Acheté sur un coup de tête parce que le grand Alain Damasio (béni soit son nom) en a dit du bien, lu en deux jours, et le résultat ne fut pas loin d’être époustouflant. Pour les paragraphes qui suivent, sachez que je vais, lentement mais sûrement, spoiler le roman. Celui-ci, taillé en trois parties, démarre sur les chapeaux de roue avec la présentation des protagonistes de la mission à venir. L’auteur livre une amusante série de portraits des Doublepatte et Patachon du futur, souvent en plein milieu d’une affaire qu’ils doivent régler.
Ensuite, il est question du dévoilement de ce qui les attend, et donc de l’intrigue. Pour faire simple, le Noum, sorte d’ordinateur surpuissant qui régit l’Empire et ses Dominions, a besoin d’une sérieuse mise à jour. Des Sentinelles (au nombre de cinq, chacune représentant une faction) sont habituellement chargées de réparer ce grand ordi. Sauf que lors la dernière MAJ, un vilain en a profité pour hacker en profondeur le système, mettant en danger l’Humanité. Pour réparer la machine, il faut aller « dans » son univers pour une période qui ne dépasse pas neuf heures (durée pendant laquelle est opéré un cycle de rêve). Est-ce la vraie raison ?
La dernière partie, à savoir le casse, occupe la moitié de l’œuvre. Et c’est là que l’auteur se fait plaisir, transformant son titre en un thriller sur fond d’ambiance de film noir dans une réalité virtuelle. Or, celle-ci se modifie au fur et à mesure que le Noum se défend, rendant plus improbable l’atteinte le cœur (ou BIOS) de l’ordinateur. Le meilleur reste toutefois le/les retournements final(aux), qui font du Casse du continuum un roman intensément confus. Les neurones du lecteur sont soumis à rude épreuve, et pour ma part j’avoue ne pas être sûr d’avoir tout bien compris. Je soupçonne qu’il existe autant de niveaux de lectures que de lecteurs, et c’est tout simplement génial.
En conclusion, une excellente surprise grâce, et ce pour deux raisons. D’une part, l’histoire a le mérite de l’originalité, même si les pompages ici et là (cf. dernière partie) sont aisément repérables. D’autre part, le style de Henry est plutôt enlevé et sans prise de tête, en particulier sur l’aspect SF où le minimum syndical a été fait – au risque de quelques questions sans réponses et/ou incohérences. Néanmoins, pour 300 pages, ce serait dommage de se priver.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La culture du jeu de rôle est très prégnante chez cet auteur qui en joue avec talent. Il ne s’agit pas d’utiliser chaque protagoniste à tour de rôle selon la difficulté qui se présente, mais créer une harmonieuse synergie au sein d’un groupe composé d’individus différents et ayant un certain passif – Brisca, encore amoureux de Tabitha. Chacun apporte sa petite contribution en temps voulu (ce qui est fréquemment signalé), cependant celle-ci ne donne pas l’impression de sortir d’un chapeau magique, s’inscrivant dans une narration relativement solide.
Ça n’empêche pas que certaines péripéties sont définitivement pas assez crédibles. Mais comme nous sommes dans un rêve d’une machine malade (et dans l’imagination d’un écrivain malade, dans le bon sens du terme), pourquoi se plaindre ?
Le continuum renvoie, selon moi, à un paradigme qui définit l’univers même de l’œuvre. Le Noum qui serait l’océan dans lequel baigne l’Humanité, le besoin de séparer la machine (froide et qui a du mal avec l’empathie) de l’Homme, les planètes gérées (et générées) au millimètre près, tous ces délires ésotérico-physiques sont un tantinet complexe j’en conviens. Mais on ne peut s’empêcher d’y déceler la puissance de l’esprit, et la façon dont il peut se tirer de paradoxes en apparence. Plus déroutant est le dénouement, qui fait appel à tout et n’importe quoi, avec en prime le devenir de chaque personnage en fonction des vœux émis en cas de réussite. Mais surtout, la question du rôle du Rétrominot (un minot qui arriverait à influer l’espace-temps) est mystérieuse au possible.
Ce bouquin a beau faire trois cents pauvres pages, j’ai toujours l’impression d’avoir oublié de dire un tas de choses.
…à rapprocher de :
– En bande dessinée, et en plus classique il y a Le Casse de Parker, admirablement dessiné par Stark & Cooke.
– Concernant l’idée de l’ordinateur-monde qui rêve son univers, je ne saurais trop vous conseiller Brazyl, de Ian MacDonald. Du très très lourd.
De même, il y a quelques clins d’œil appuyés aux films classiques du genre (thriller/braquage) tendance Hollywood, sachant que ce roman a été publié directement en poche courant 2014 :
– On ne peut s’empêcher de penser à Inception, de Nolan, lorsqu’il s’agit de modifier la pensée de quelqu’un en venant foutre le bordel dans ses rêves. Ou Matrix, sur les mondes virtuels.
– La série des Ocean avec cette belle gosse de Georges Clooney, notamment la structure choix équipe (avec anecdotes amusantes) / briefing (fort rapide dans le roman) / casse.
– Certains Mission: Impossible (notamment celui avec le méchant, là, le gars qui s’est overdosé à l’héro), que ce soit les scènes d’action sur un pont ou les retournements de dernière minute.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Je prends!
Tu me diras ce que tu y as compris.
Rentrant en France bientot, je vais tacher de le trouver. Il fait les tetes de gondoles en ce moment?
Et ou as-tu lu/vu que Damasio (gloire a lui) le conseillait?
Il est sorti début 2014, et c’est un des rares titres à sortir directement en poche.
Pour Damasio, c’était sur le bandeau détachable, en rouge bien claquant.
Ces bandeaux avec un commentaire de quelqu’un de connu, c’est une mode depuis quelque temps, et ça doit bien marcher : c’est uniquement pour ça que je l’ai pris dans une librairie où j’étais venu acheter un canard. Je devrais faire un Sûtra là-dessus.
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