VO : Смерть Ивана Ильича, Smert’ Ivana Ilyicha. Dans l’édition que je lis il y a en plus Trois morts (VO : Три смерти) suivi de Maître et serviteur (VO : Хозяин и работник). Trois nouvelles de l’auteur russe centrées autour de la mort, trois textes écrits à des périodes différentes mais où la morbidité est constante, c’est terrifiant tellement Tolstoï semble indémodable.
Il était une fois…
Ivan Ilitch est promis à un bel avenir. Magistrat (un tantinet arriviste) et fils de fonctionnaire, femme bien sous tout rapport, enfants bien élevés, et tutti quanti. Il aligne les promotions et les beaux apparats qui le classent parmi les grands bourgeois. Subitement, le quarantenaire tombe malade. Médecins après médecins, un constat finit par s’imposer : il va mourir.
Critique de La Mort d’Ivan Ilitch
Si Le Tigre s’est concentré, dans la partie précédente, sur la nouvelle phare de l’œuvre, c’est que (selon le félin hein) celle-ci se démarque des autres pas sa taille et sa qualité – d’ailleurs, l’éditeur l’a mise en avant. En outre, je ne me souviens quasiment plus de Trois morts, comme si quelque chose n’avait pas franchi mon cerveau éreinté.
Quant à Maître et serviteur, je me suis légèrement ennuyé à la parcourir, et ce en dépit des dernières pages où on entre dans le vif du sujet. Les rapports entre Andréitch Brékhounov et son commis Nikita sont certes finement décrits, néanmoins c’est lorsque l’improbable couple est forcé de passer la nuit dehors que je me suis régalé. L’insupportable froid, le canasson qui clamse, les pensées du maître ou du serviteur aux abois, il faut convenir que ça dépote pas mal.
Revenons à La Mort d’Ivan. Dès que le héros ressent ses premières douleurs, le style de Tolstoï frise la perfection : les phrases sont précises, ciselées et créent une empathie totale avec l’homme qui voit défiler les médecins et dont la souffrance est pernicieuse. Obnubilé par sa maladie, la petite existence d’Ivan s’évapore progressivement pour laisser la place à une vie réglée en fonction de ses maux – de la question de la médecine parallèle jusqu’à des questions bien plus métaphysiques.
Dans l’ensemble, du très bon qui n’a que peu vieilli, comme si l’auteur avait touché à l’essence même d’un sujet universel – concernant l’écrivain, j’ai conscience que c’est un peu light comme commentaire. Sinon, pour les élèves obligés de commenter ces textes, il y a l’intellectualisante préface de Françoise Flamant. Trop longue et documentée, Le Tigre n’est pas allé au-delà de la sixième page toutefois.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La mort, au centre de ces nouvelles, a été magistralement traitée. Tolstoï a un talent (que je qualifierais de flippant) pour faire entrer Thanatos dans des récits qui semblent se borner à présenter des gens (et intrigues) plutôt banals. Ivan qui ne pense qu’à sa carrière, le maître Andréitch désireux de rapidement conclure une bonne affaire (son serviteur est une bonne affaire en soi), tous vont voir arriver un peu trop vite la grande faucheuse. Les protagonistes et les univers sont assez différents, pourtant c’est avec la même implacabilité que le néant s’offrira à eux.
Concernant Ivan Ilitch, la maladie va le transformer, lentement mais sûrement. Il s’apercevra que, derrière les menues satisfactions (parties de whist par exemple) et la situation dont il s’enorgueillit, il n’y a qu’hypocrisie et vanité. Toutefois, il met un certain temps à se rendre compte de la piètre estime que ses proches lui portent, et la colère (associée à la souffrance certes) reste sa première réaction. Lorsque le magistrat consent à changer, il semble que la prise de conscience de sa vanité ne survienne que trop tard – la fin est d’une rare tristesse.
…à rapprocher de :
De Tolstoï, je pense que vous savez quoi lire. Et, pour un tel auteur, Le Tigre n’ose guère faire de rapprochements.
– Je dois avoir un autre écrivain russe du XIXème dans ma bibliothèque, il s’agit de Gogol et ses Nouvelles de Pétersbourg.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Nicolas Gogol – Nouvelles de Pétersbourg | Quand Le Tigre Lit
Livre qui traite en effet magistralement de la mort. J’avais lu ça ado, j’y repense encore souvent.
Un des rares romans que je pourrais relire tous les ans. Sympa votre blog au passage. La page « aboot » semble ne pointer vers rien, c’est normal ?