Ha ha ha, une BD des années 70 de politique-fiction. Retrouvée au fond d’un placard, Le Songe d’Atthalie est une petite histoire fort sympathique et toute épicée. La gauche de l’époque en prend pour son grade. Lecture rapide et aisée, humour omniprésent, Le Mutin maîtrise bien son sujet.
Il était une fois…
Atthalie rêve. 1978, élections législatives françaises. La gauche, notamment grâce aux communistes, effectue une percée foudroyante dans les urnes. François Mitterrand, premier ministre fraîchement nommé, met en place le programme commun. Le show peut commencer.
Critique du songe d’Atthalie
Le Tigre a lu cette BD des dizaines de fois dans sa jeunesse, parce que c’était le seul truc accessible dans la bibliothèque du grand-père (que je salue bien bas au passage). Le vieil homme, comme tout individu de sa génération (statistiquement), n’est point de gauche, et cet ouvrage non plus.
Comme un James Bond, voir avec ses yeux d’adulte cette très courte histoire (moins de 50 pages quand même) permet d’en découvrir un peu plus. Le scénario est original, surtout pour cette époque : l’auteur imagine Mitterrand et sa clique (du moins il la considère comme telle) au pouvoir, avec tous les travers imaginables chez un gouvernement de gauche bien tassée. François M., Marchais, Krivine,…ils sont tous là ! Chose curieuse, il n’y a que des hommes, et de gauche uniquement. VGE y est invisible.
Ces travers, on peut dire que y’a de la grosse caricature : incompétence hallucinante, gâchis constant, déficits abyssaux, impôts idiotissimes, utilisation d’agents provocateurs, mauvaise foi généralisée, politique culturelle abjecte, bref une belle bande de branques. Mais on se marre plutôt bien. Surtout au début, lorsque le capitaliste se carapate en Suisse poursuivi par les archanges vengeurs du socialisme renaissant. La fin renvoie à cette fuite, et finalement au réveil de notre héros, spectateur rêveur impuissant des dérives du pays.
Sur le dessin, du classique. Peut-être une colorisation de l’ouvrage exagérée, le manque de sobriété semble renvoyer à celui des politiciens, des gens au tracé carré mais à la teinte improbable. A moins que lesdites couleurs ne vieillissent mal. Un bon moment de lecture, vite terminé en dix minutes montre en main.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Pourquoi Le songe d’Atthalie ? D’où sort ce nom ? Accrochez-vous, je vais vous culturez à mort. Retirez un « t », et voici Athalie, de Racine. Tragédie d’inspiration biblique, dans l’acte II Athalie fait un songe, ici partiellement reproduit :
Je jouissais en paix du fruit de ma sagesse ;
Mais un trouble importun vient, depuis quelques jours,
De mes prospérités interrompre le cours.
Un songe (me devrais-je inquiéter d’un songe ?)
Entretient dans mon cœur un chagrin qui le ronge.
Je l’évite partout, partout il me poursuit.
C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit.
Bien pensé quand même. Atthalie est un petit bourgeois à l’existence tranquille, gauche-caviar sur les bords et qui se rêve compagnon d’infortune du socialisme français. Le songe qui ronge notre protagoniste, jusqu’à le poursuivre, c’est l’introduction de la BD. L’horreur d’une profonde nuit, ce sont les conséquences dramatiques de la mise en œuvre du « programme commun ». Les points communs avec l’engouement de 1981 et les quelques errements d’ordre économique qui s’ensuivirent (amenant le fameux tournant de 1983 avec Mauroy) sont plutôt troublants, Le Mutin avait un certain sens de l’anticipation politique.
Lecteur calé en politique-spectacle, ne t’inquiète donc pas : Le Tigre aussi a songé à Attali, Jacques de son prénom, éminence grise de l’entourage de François M. il fut un temps. Titre-valise à plusieurs significations, sans doute les clins d’œil culturels sont légion dans les planches de l’ouvrage.
La politique dans ce que celle-ci représente de pire. Ça part vraiment dans tous les sens, et l’auteur nous présente un pays replié sur lui-même et à la bureaucratie triomphante. Le vocabulaire néo soviétique des administrateurs (à tous les échelons) est à se taper sur les cuisses, difficile de ne pas s’imaginer que Louis LM ne soit pas de droite (oh la jolie double négation). En sus, quelques petits jeux de mots sont les bienvenus, par exemple répondre « je ne suis pas le garde des sceaux » mais avec l’orthographe qui sied à la situation : d’esso, des sots, des sceaux (à champagne), des sauts,…
…à rapprocher de :
– Dans la catégorie « satire politique », marrons-nous en lisant Chroniques du Quai d’Orsay, de Blain & Lanzac, tome 1 comme tome 2.
– En roman, il y a Patrick Rambaud et ses chronique du règne de Nicolas 1er. Une seule en fait me concernant.
– De grâce, n’allez pas lire Tous les chemins mènent au rhum (de Stéphane Collaro), qui est d’une consternante débilité.
Ils sont fous, ces cocos.
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