Adaptation d’une nouvelle de Lovecraft que Le Tigre n’a pas lue, c’est avec délectation que je me suis plongé dans cette petite bande dessinée. Et j’ai bien l’impression que le texte de Lovecraft a été bien respecté. Roman (graphique) d’aventures et de science-fiction, c’est à se demander si cette BD peut même nous empêcher de lire l’original.
Il était une fois…
Un groupe de savants parcoure l’Antarctique à la recherche d’on ne sait pas trop quoi. En filigrane de l’histoire, c’est en fait les souvenirs d’une personne qui sont relatés. Pour constituer une mise en garde contre une expédition médiatisée en Antarctique qui devrait avoir lieu. A force de recherches et de pertes c’est au final une cité pré-humaine que les scientifiques retrouvent. Avec des réponses à certaines questions que l’humanité ne serait même pas prête à poser.
Critique d’At the mountains of madness
Du Lovecraft, c’est forcément bizarre. En faire un roman graphique, c’est un certain risque. Un pari même, qui me ici semble réussi. Le Tigre n’a pas regretté cet investissement tout londonien (ça coûte une blinde en France à trouver).
Le début est long, tendu, voire un poil chiant, mais l’histoire s’accélère raisonnablement et les vingt dernières pages sont sublimes. Même s’il faut s’accrocher pour tout saisir, surtout quand c’est écrit en Anglais. Le Tigre s’est surpris à revenir parfois en arrière de quelques pages, juste histoire d’intégrer les grandioses découvertes faites par ce qui reste de l’expédition.
Quant au dessin, c’est sobre, à la limite d’un Tintin : lignes claires, paysages corrects, personnages qui ressemblent à du Blake & Mortimer. Du coup c’est réellement surprenant. Il y a un décalage entre ces dessins et l’avalanche de révélations de la fin, à l’image du Vol 717 pour Sydney.
Pour conclure, valeur sûre, qui donne envie de se (re)faire une cure de Lovecraft, auteur qui est parvenu à se créer un monde cohérent, avec des considérations philosophiques qu’on retrouve dans beaucoup de ses œuvre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les origines de l’espèce humaine est un thème récurrent dans la SF, et est ici bien amené. La réponse ici n’est pas éloignée de celle de Prometheus (le truc qui démontre que c’est très dur de faire un bon film de SF de nos jours), mais en plus intelligente.
L’esprit de curiosité, la présence dans un espace très restreint d’autant de savants sont réalistes et posent le problème de la gestion de l’expédition. Comment faire quand les avis divergent, qui écouter ou suivre, quelles interprétations donner à ce qui se passe ? Rien à voir avec l’intelligence (sic) qui se dégage d’une émission de télé réalité en tout cas.
Enfin, on finit avec les limites de la connaissance humaine. Ignorant ce qu’il ne sait même pas ignorer, le cerveau humain en présence de quelques indices reste totalement incompétent. Un des scientifiques perd même la boule quand il aperçoit une créature vers la fin du roman. Ce thème revient également en SF où certaines espèces extra-terrestres distillent leurs connaissances au compte-goutte afin d’éviter une panique générale ou une mauvaise utilisation de ce savoir. Je vous laisse trouver des exemples sur ce site.
…à rapprocher de :
– Dans les reprises illustrées de Lovecraft, Neonomicon se défend plutôt bien. Dessin plus moderne, histoire plus glauque.
– Un monde souterrain assez effrayant, qui va au-delà de toute conception humaine, Le Tigre se rappelle Hector Humbra. Encore plus déjanté d’ailleurs.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.
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