VO : Sid Vicious, Rock’n’roll Star. Sous-titre : chronique d’une rock star suicidée. Court essai sur une carrière aussi fulgurante que bruyante de l’Anglais qui a incarné un certain esprit du punk, c’est fort instructif. On rit au début, puis l’effroi nous saisit face à un tel gâchis – voire par rapport à l’importance exagérée attribuée à un chieur fini incapable d’atteindre le légendaire cap des 27 ans.
De quoi parle Sid Vicious, et comment ?
Le Tigre, à sa grande honte, avoue ne strictement rien savoir de l’essayiste. Malcom Butt est un parfait inconnu dans mes nombreuses références littéraires, je sais juste qu’en 1977 la biographie du bon Sid a été publiée. Sid Vicious (une histoire de rat serait à l’origine du prénom), c’est l’Anglais turbulent admis au sein des Sex Pistols, groupe qui hélas a fait long feu, un peu à l’image de celui qui était en passe de devenir son leader – s’il fallait justifier la taille du bouquin.
Pour faire court, le lecteur se verra confirmer la personnalité suicidaire de Sid qui avait décidé de ne pas vivre longtemps – volonté renforcée après le décès de sa bien-aimée, Nancy, détestée par tous. En l’espace de 21 mois, un adolescent de 19 ans se transformera en une pauvre loque souffreteuse et geignarde, ressemblant à un vioque de 40 berges, et réclamant ses doses de méthadone et d’héroïne à la fois. Associé trop tôt au succès, Sid a vu ses chevilles explosées, ce qui n’a pas aidé à améliorer son comportement capricieux et bagarreur – jusqu’à aller en prison, Rickers Islands pour la plus connue.
Cet essai suit, fort classiquement, une narration chronologique, de la naissance de John Simon Ritchie (mère droguée qui s’installe brièvement à Ibiza) à sa logique overdose, en passant par d’impressionnantes frasques à se taper sur les cuisses. Néanmoins, les premiers chapitres ne sont pas plaisants à lire, Tigre a même failli ne pas continuer : mister Butt (sérieusement, c’est son nom ?) aère peu son essai (malgré quelques photos ici et là). Malcolm McLaren (leur manager), John Lydon, Steve Jones, Glen Matlock, Paul Cook (les membres), et tant d’autres, parfois je ne se souvenais plus trop qui était qui.
Au début, j’ai déploré, outre les nombreux noms balancés ici et là, des péripéties qui se suivent sans grande logique ni prise de recul, sans compter que Sid Vicious n’est pas le réel héros de l’essai – plutôt les Sex Pistols. Heureusement, dès le second tiers, le style (et la tournure dramatique prise par l’existence du protagoniste principal) se décante, provoquant une lisibilité certaine qui fait que le lecteur arrivera, trop vite, au dernier chapitre. Un épilogue, enfin, sur la triste fin de la môman du musicien maudit : Anne Beverley, seule, découverte morte avec une seringue dans le bras.
Je crois bien, malgré moi, que ce sont surtout les édifiantes – et souvent dégueulasses – anecdotes qui relèvent l’intérêt du bouquin, à l’instar de la création du bogo (Sid, petit, qui sautille devant la scène pour mieux voir ses potes) ou les concerts catastrophiques du groupe. Car les « musiciens » font avant tout leur show, et entre matériel branlant et accords de guitares approximatifs, le public n’allait pas les voir pour les écouter. 150 pages qui méritent d’être lues rien que pour ça – et les photos d’époque.
Ce que Le Tigre a retenu
Grâce à Sid et les Sex Pistols, le félin a pas mal appris sur l’état de la musique au Royaume-Uni pendant les années 70. Les Sex P., c’est un peu le mouvement punk dans ce qu’il a de plus pur, donc pire : volonté de tout détruire, accoutrement reconnaissable 24h sur 24, comme si le côté sombre de tous les personnages de StarMania s’étaient matérialisés en une bande de cinq (puis quatre) jeunes adultes un peu paumés – avis tout personnel, j’en conviens.
Car les Sex P., ce sont avant tout une bande de gosses braillards qui s’en foutent de la musique (ils ne savent pas chanter), l’essentiel étant de provoquer le chaos. Et Sid, qui trônait autour d’eux en faisant un bordel pas possible, était dans l’esprit. Il faut savoir qu’il est entré (ou a remplacé Matlock, selon les versions) assez tardivement (début 1977), après avoir été leur groupie pendant un certain temps. Et il s’est illustré pendant cette période, par exemple en balançant une bouteille de verre (à destination d’un autre groupe) qui s’était écrasée plus loin, provoquant la perte d’un œil d’une femme présente.
A partir de là, Sid entraînera (et sera encouragé) le punk band dans les plus beaux excès. Bourrés à longueur de journée, crachant (ou vomissant) sur le public, insultant ou pétant en pleine interview, le respect avait pris des vacances prolongées dans l’Angleterre punk. Il n’y a qu’à lire le compte-rendu de la signature du contrat chez A&M (ils avaient été virés d’EMI) : une journée d’anthologie faite de dépravation et de provocations. Quelques jours après, le contrat est dénoncé par la maison de disques. Ce qui permettra au groupe anglais de toucher 125 000 livres de dommages…
Ce qui m’a enfin marqué, ce sont les mauvaises influences que les deux femmes de la vie du héros ont eu sur lui. Sa mère, droguée et passablement dépressive (perte d’un second mari dans la douleur), a été trop gentille avec lui. Elle ne lui a rien refusé, notamment la dernière dose d’héro qui lui sera fatale. Quant à Nancy Spungen, c’est sûrement la pire chose qui lui soit arrivé. Sid a certes troué l’amour, mais à quel putain de prix. Groupie de New-York qui voulait absolument lever un Sex Pistols, Nancy se rabattra sur Sid. Relation amour/haine, du genre à être la seule présente lors de l’épisode hépatique du chanteur, mais à tailler des pipes à des blacks au coin de la rue et à la vue de son amoureux pour récolter de quoi se shooter.
Deux femmes, deux héroïnes, autant de drogues qui l’ont perdu.
…à rapprocher de :
– Si le fauve n’a pas été très disert au sujet des Sex Pistols, c’est que l’éditeur a publié Sex Pistols : Rotten par Lydon, de John Lydon en personne – plus subjectif, mais sûrement plus instructif.
– Sid & Nancy, d’Alex Cox, sorti en 1986 est un film assez bien foutu sur ce couple qui a tout de Roméo & Juliette moderne – avec Gary Oldman dans le rôle titre.
– Si le félin n’a pas plus parlé du mouvement punk en général, Destroy! L’Histoire définitive du Punk, par Alvin Gibbs – d’ailleurs, devinez qui est sur l’image de couverture ?
Enfin, si votre librairie, vous pouvez le trouver en ligne ici. Ou, mieux, via le site de l’éditeur.
« Génération Chaos » de Christophe Bourseiller est très bien documenté sur l’explosion du punk et de la new wave entre 1975 et 1981. Se lit comme un roman.
Un ami plus au courant du Punk que Le Tigre avait été un peu déçu (du coup, je devrais aimer), mais question anecdotes il paraît que ça dépote.
Oauh! incroyable!le tigre se met au punk!! Une nouveauté sur une relique, alors!.il est vrai que ce ne sont pas les livres qui manquent…mais c’est un « sujet » qui fait TOUJOURS vendre, pour les fans hard core, surtout pour Camion Blanc, que je connais (« les bouquins de rock, ça se vend pas… »). J’ai déjà (pratiquement) tout lu et presque tout vécu sur le sujet.. par contre, le meilleur livre sur le punk, où justement tout est dit sur la fin de Sid Vicious, entre autre,reste incontestablement « England’s Dreaming », de John Savage.. traduit depuis que je l’ai lu dans les années 90..alors là.. oui, méga référence! Mais quand même, coup de chapeau au Tigre! (oui.. désolée.. je ressors de l’ombre bien tard.)
Ça faisait longtemps Calhy, heureux de vous voir en forme ! Je note pour Savage, je n’ai pas l’impression qu’il soit sorti chez cet éditeur que vous connaissez. Attention : je ne me mets pas au punk, je lis tout ce qui me passe sous la main – et comme je ne suis guère versé dans ce genre musical, autant se culturer ^^
Il est vrai que je ne connais pas ce « Malcolm « Cul ».. j’ai un peu décroché..un gag??