VO : Under the Volcano. Voici le roman d’une vie. Un homme imbibé 24 sur 24. L’amour qui ne reviendra plus. La déchéance aussi progressive qu’inéluctable. Quelque chose de poétique et superbement écrit, cependant trop bizarre pour que le félin parvienne à le lire jusqu’au bout. Voici donc la chronique d’un échec inattendu.
Il était une fois
Le quatrième de couv’, habilement, reproduit au pif un passage. Comme un aveu de l’éditeur qui n’a guère compris ce dont il est question dans le roman :
« Aussi quand tu partis, Yvonne, j’allai à Oaxaca. Pas de plus triste mot. Te dirai-je, Yvonne, le terrible voyage à travers le désert, dans le chemin de fer à voie étroite, sur le chevalet de torture d’une banquette de troisième classe, l’enfant dont nous avons sauvé la vie, sa mère et moi, en lui frottant le ventre de la tequila de ma bouteille, ou comment, m’en allant dans ma chambre en l’hôtel où nous fûmes heureux, le bruit d’égorgement en bas dans la cuisine me chassa dans l’éblouissement de la rue, et plus tard, cette nuit-là, le vautour accroupi dans la cuvette du lavabo ? Horreur à la mesure de nerfs de géant ! »
Critique de Au-dessous du volcan
Qu’est-ce que Le Tigre s’en veut ! C’est après s’être administré une douzaine de coups de fouet (plus quelques chapitres de Musso, bien pire que du sel sur la plaie) que le fauve a entrepris la rédaction de ce billet. La préface de Maurice Nadeau m’avait profondément réjoui : l’auguste homme avouait que l’Humanité pouvait se diviser en deux, entre ceux qui ont lu ce roman et les autres. Et dire que j’étais sur le point de basculer dans cette deuxième partie, comme si je pénétrais l’élite littéraire (sic), oh joie ! Mais…j’ai lâché piteusement l’affaire à la moitié.
J’y suis pourtant allé avec les meilleures intentions. Il n’y a certes que peu de personnages (le fameux consul Geoffrey Firmin, son ex-épouse Yvonne, et quelques autres qui se greffent), mais impossible pour ma part de bien me les représenter. La prose de Malcolm Lowry, ampoulée à souhait, ne laisse que peu de répit à un lecteur qui subira les incessants assauts littéraires d’un roman qui, au premier abord, n’a ni queue ni tête. Je soupçonne même qu’en lisant les chapitres dans un ordre aléatoire le résultat aurait été le même, c’est dire.
Voyons maintenant…de quoi parle cet objet littéraire ? Très franchement, je sais n’avoir qu’effleuré la surface d’un titre à la symbolique puissante et dotée de nombreux thèmes évoqués avec un luxe de détails souvent insoutenables – la décomposition en douze chapitres n’aidant pas. Il est question d’un consul « coincé » dans un Mexique au climat difficile et tentant, tant bien que mal, à récupérer son épouse. Je me suis arrêté au moment où le héros se remet, dans sa salle de bain, d’une monumentale cuite dont il rassemble ses souvenirs épars. Si j’ai le sentiment d’avoir laissé ses chances à l’œuvre (j’aurais pu abandonner bien avant), il n’en reste pas moins que poursuivre n’aurait sûrement pas changé mon opinion.
En revanche, il faut bien convenir que ce truc littéraire a quelque chose de purement magique : tout en bitant absolument que dalle, je ne voulais pas prématurément remiser l’ouvrage dans ma bibliothèque. J’aurais très bien pu sauter les paragraphes, le résultat aurait été similaire : un émerveillement face au style inimitable de l’écrivain anglais, des mots qui coulent de source mais dont la signification profonde m’échappe. Comme le signale la préface, il y a une harmonie presque musicale dans la prose de l’auteur anglais, toutefois je ne suis pas parvenu à saisir la partition générale.
Bref, ce n’est pas tous les jours que j’ai l’impression de m’être fait mater par un roman. Je pensais que rien, pourvu que ça ne dépasse pas 1 000 pages, ne pouvait me résister. Et Lowry vient de me prodiguer une retentissante fessée. Pire : la confirmation, si besoin est, que je ne suis qu’un odieux dilettante infoutu d’apprécier la vraie littérature – car je sais que Au-dessous du volcan en fait partie. Aussi je m’en remettrai aux bons mots de la préface : ce livre mérite d’être lu et relu. Je m’y remettrai donc un jour.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
A mon fort humble avis, le dessous d’un volcan mécontent fait référence aux affres de l’alcoolisme tels que Geoffrey l’éprouve. Le consul, être au-dessus de toute norme d’un point de vue de l’imbibition, s’autodétruit avec une méticulosité assez effrayante qui ne peut amener qu’à de mauvaises choses. Whiskies, bières éventées qu’il arrose de strychnine (une saloperie qui cumule ce que la drogue peut faire de pire), notre ami glisse sur une pente qui, justement, l’amènera dans un enfer digne de l’intérieur d’un volcan que même l’amour envers sa femme ne parviendra à éteindre.
Il faut enfin savoir que ce chef d’œuvre incompris du Tigre possède une charge autobiographique impressionnante. Malcolm Lowry, décédé jeune à cause de son penchant pour les alcaloïdes, a parcouru les vastes Amériques pour rédiger ce roman. Ce dernier a été perdu de nombreuses fois, et tel un alcoolo qui se ramène au bar après une biture retentissante, il a tout réécrit. Comment mieux souligner la volonté d’un homme de livrer absolument ce qu’il lui tient à cœur, et qui paraît avoir découvert quelque chose de fondamental dans l’existence ? Selon Lowry, deux univers semblent se faire face : la connaissance pure, celle qui touche au ciel, et la poésie harmonieuse possible grâce à un état de constante fébrilité qui fait faire au cerveau de somptueuses digressions – certes peu compréhensibles ici.
…à rapprocher de :
– Dans la catégorie des romans anglais excessivement longs où le protagoniste en chie un max dans un pays exotique, même son de cloche avec No smoking, de Will Self.
– Confiteor, de Jaume Cabré, également non terminé – et à relire dès que je m’en sentirai capable.
Enfin, si votre librairie est fermée et que vous voulez faire mieux que Le Tigre, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Et pour ceusses qui ne lisent pas en anglais, la traduction publiée chez Grasset (coll. Cahiers Rouges) est bien meilleure. En tout cas, j’ai réussi à la finir.
Bonjour Tigre
Il semble que ce roman , outre le fait qu’il est effectivement très intellectuel , ait été très mal traduit. Si tu lis facilement l’anglais , préfère la version originale.
Merde. Je n’y avais même pas pensé. T’es un(e) vrai(e) chef(fesse), merci !