Roman largement inspiré de l’histoire d’Edmund Kemper (mieux vaut lire le titre sans savoir ce qu’il a fait), tueur en série aux imposantes proportions, Marc Dugain a tenté d’aborder l’Amérique en pleine guerre du Viêt Nam via l’implacable regard d’un homme d’exception. Pas mal, mais sans plus – le tout manquant sérieusement de peps. Dommage.
Il était une fois…
Al Kenner est loin d’être comme les autres : il fait péter son 2 mètre 20 de hauteur et un QI supérieur à celui d’Einstein en personne. Le grand dadais (sic) vit chez ses grands parents, sa mère n’ayant pas envie de l’avoir dans ses pattes. Par une calme journée, c’est un Kenner âgé de 15 ans et excédé par les rodomontades [écrit du premier coup, je le jure] de sa grand-mère qu’il tuera cette dernière. Puis le papy. Placé dans une institution spécialisée, il en sortira à peine soigné de ses pulsions, la nature reprendra vite ses droits.
Critique d’Avenue des Géants
D’habitude, Marc Dugain régale Le Tigre avec ses titres qui reprennent de grands moments de l’Histoire avec une touche intimiste qui parvient à me toucher. Mille fois hélas, la mayo n’a pas pris avec Avenue des Géants, qui pourtant part d’un fait divers terrifiant. Dès le début, j’ai senti que ça n’allait pas le faire : la couverture fait référence à l’assassinat de Kennedy qui aurait changé la vie du protagoniste, sauf que c’est fort mal expliqué dans le bouquin – avouons-le, je n’ai rien bité.
Ces premières pages passées, le meurtre des grands-parents passera comme une lettre à la poste. Les autres mensonges et exactions du protagoniste se laissent lire également, sans réellement pouvoir entrer dans la peau de psychopathe – on n’arrive pas à le comprendre, il doit être trop intelligent. On ne s’ennuie pas cependant, il faut dire que son existence est intéressante : rapports difficiles avec la mère (il s’en libérera de façon surprenante) ; passages chez les flics en tant que profiler (il ne sera pas loin d’épouser la fille d’un des leurs, ironique non ?) ; grandes chevauchées sur des motos (l’avenue des géants étant le lieu d’un violent accident), bref une vie bien remplie.
Si le déroulement des péripéties reste intéressant, l’évolution du personnage et son interprétation des évènements et des individus qui l’entourent m’ont laissé une impression d’incomplétude. C’est un peu plat, terne même, avec des scènes balancées au petit bonheur la change – le chapitrage n’aide pas : presque 70 chapitres pour moins de 450 pages, certains courts, d’autres interminables en comparaison. Sans doute l’esprit dérangé du héros veut que le style soit presque mécanique (étant donné Kenner est dépourvu d’empathie), néanmoins c’est bien morne.
En conclusion, c’est davantage un roman tiré de faits réels qu’une savante biographie romancée (souvent l’apanage de l’auteur). Et ce titre ne m’a pas paru à la hauteur des titres précédents du père Dugain, même s’il faut convenir que l’exercice n’était pas de tout repos. Tout n’est pas que question de taille – du héros, et le nombre de pages.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Puisque la couverture insiste…lourdement…dessus, l’Amérique des années 60 et 70 est au cœur du roman : celle-ci est analysée au via le prisme du héros, et il faut dire que son bilan est fort sévère : le gars dégueule volontiers sur ses contemporains, en particulièrement le mouvement hippie qu’il abhorre. Les nanas qui s’offrent volontiers ne reproduiraient qu’un schéma qui ne profite qu’aux hommes, en sus le pacifisme outrancier exposé à l’époque le révolte – lui qui trouve normal de se débarrasser de quelqu’un qui l’étouffe. Curieusement, ce ne sont pas celles-ci qu’il zigouillera.
L’autre thème est quelque chose qui, à titre personnel, m’a bien marqué. Il faut savoir que ce roman est découpé entre les flashbacks (80% du bouquin au moins) et le présent, à savoir les rencontres entre Kenner et une visiteuse qui lui apporte des livres. Car le prisonnier est devenu un grand lecteur et créé des romans audio en les lisant à voix haute. Il y a mieux : se plonger dans un ouvrage bloque ses sombres pensées (c’est mieux que l’alcool), on ne peut avoir mieux comme preuve des vertus apaisantes de la littérature.
…à rapprocher de :
De Dugain, j’ai nettement préféré Heureux comme Dieu en France (sans plus cependant) ; La Malédiction d’Edgar (mouais) ou Une exécution ordinaire (pas mal si vous vous intéressez à la Russie) ou En bas les nuages (là on est à la limite du bof).
– Un psychopathe en liberté, et dont le lecteur connaîtra les pensées intimes, c’est Psychopathe (titre facile), de Keith Ablow (livre fascinant).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Marc Dugain – En bas, les nuages | Quand Le Tigre Lit
Ping : Marc Dugain – Une exécution ordinaire | Quand Le Tigre Lit
Ping : Marc Dugain – La Malédiction d’Edgar | Quand Le Tigre Lit
Un petit air de Dexter ? Oh, et : qu’il la tuera, je pense… J’aime votre blog.
Même pas, Dexter était plus crédible (même si on retrouve chez les deux le trauma d’enfance). Merci pour la faute d’ortho, c’est corrigé.
Première fois que j’ai le sobre « j’aime votre blog », miam.