Sept nouvelles de qualité globalement passable, sept hommes en perdition plus ou moins prononcée, l’heure n’est pas vraiment au youpi-tralala. Mélange de genres avec un lien ténu entre tout ce petit monde, la lecture est aisée mais amère. Pour ma part, j’ai plutôt bien aimé. Cela dépendra de votre état d’esprit en fait.
Il était une fois…
Tigre est un gros flemmard. Le quatrième de couverture :
« Sept récits liés par un fil narratif : comme un détail détaché d’une photo, c’est un fait anodin dans l’un qui déclenchera le suivant. Marc Dugain suit sept hommes vivant aujourd’hui, en Dordogne, au Maroc, aux États-Unis ou dans une île lointaine. Les uns sont cyniques, les autres doux et rêveurs, mais tous sont plongés dans les eaux troubles de la vie quotidienne. Ils surnagent, ils s’adaptent, ils essayent de s’en sortir. Tous perdants ? »
Critique de En bas, les nuages
Comme toute adolescente qui se respecte, j’ai eu ma période Marc Dugain – entre Pennac et Douglas Kennedy, pour être honnête. Bah à l’époque je trouvais que le mec gérait plutôt bien son affaire, même si le présent roman m’avait surpris non pas par le style (toujours aussi intimiste), mais par le doux pessimiste qui s’en dégageait.
Sans pour autant tirer comme un cochon le tire-larmes, Dugain a imaginé sept scénarios dont certains ont régalé le félin. Il y a comme du Houellebecq dans le style de l’œuvre, à savoir une solide dose de désespérance, un poil de science-fiction (un mec qui se planque sachant qu’une épidémie va décimer l’Humanité), même une pincée de sexe – de façon anecdotique, ne vous attendez pas à mouiller votre culotte hein.
Cependant, il n’est point question d’un nihilisme qui habite les protagonistes, plutôt un humanisme somme toute touchant (sinon rafraichissant) grâce à une écriture sobre qui ne semble pas juger nos anti-héros. Il appert surtout que l’auteur français touche quelque chose qui fait relativement mal dès que le lecteur est concerné, que ce soit la lâcheté rutilante ou des choses plus anodines telles que la calvitie – ma fourrure se porte bien, ne vous inquiétez point.
En conclusion, j’ai été surpris de lire un ouvrage que j’ai senti plus personnel que jamais. D’habitude, Marc D. prend un sujet plus ou moins historique et brode une belle histoire autour. Ici, l’imagination est au pouvoir, et il m’est apparu que l’écrivain n’a pu que se concentrer sur ce qui le tracasse. Et j’ignore dans quel état était Dugain à cette époque, mais ça fleure un peu la dépression. Quand je l’ai lu, ça m’avait touché. Or, je ne suis guère certain que je l’apprécierai à nouveau : pour tout vous avouer, une récente lecture en diagonale m’a ennuyé.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Franchement, les liens entre ces nouvelles sont aussi évidents qu’inexistants – je ne sais pas si ça vous parle. Parce qu’à part le repli et la lâcheté dans lesquels se vautrent les personnages, je ne vois pas – et ça ne suffit pas pour faire un thème. Quoiqu’il en soit, nos amis se dégagent du monde social et observent leur contemporain avec un cynisme qui tend parfois vers l’écœurement. Hélas, la réalité les rattrape rapidement, les réactions des anti-héros étant décevantes (et compréhensibles) au possible – c’est dans ces différentes configurations que Marc parvient à faire preuve d’un peu d’originalité.
Dans ce dernier paragraphe, Le Tigre, outre sa proverbiale philosophie de comptoir bulgare, va tenter de justifier le titre. Pourquoi ces putains de nuages sont en bas alors ? Les nuages, c’est d’abord la brume, le fait de ne pas voir plus loin que le bout de son nez et prendre le chemin qui semble le plus facile. Le fait que quelque chose habituellement élevé (voire noble) se rabaisse, c’est à mon sens l’allégorie de la soi-disant grandeur de l’Homme qui face aux difficultés se ramasse plus bas que terre. Non seulement ces mecs se replient, mais en sus ils dégainent, à nouveau, la machine à faux-fuyants et autres petitesses.
…à rapprocher de :
De Dugain, j’ai nettement préféré Heureux comme Dieu en France (sans plus cependant) ; La Malédiction d’Edgar (mouais), Une exécution ordinaire (pas mal si vous vous intéressez à la Russie), Avenue des géants (pfff…déprimant aussi).
– Puis je parlais de Houellebecq, autant évoquer La possibilité d’une île, assez proche sur le ton.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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