Histoire déroutante et confuse, style envoutant quoiqu’un peu excessif, il est difficile de ne pas être insensible au style de l’auteur français – en bien ou en mal. Lorsque la beauté la plus complète côtoie la fange de la société, il en ressort un roman qui ne ressemble à aucun autre. Déception en ce qui me concerne hélas.
Il était une fois…
Deux hommes sont sur la route en France. Deux individus à la recherche de quelqu’un. Le premier se nomme Zodiak, et est un grand connaisseur des étoiles en plus de lire l’avenir. Le second, Roman Wojtyla (surnommé le polac), suit Zodiak comme un clébard, prêt à mordre. Deux mecs qui détonnent. En fait, ils tentent de trouver la fabuleuse Sonia, épouse de Zodiak et sœur du polac. Leur voyage les amènera au plus profond de la noirceur de l’homme, d’où s’élever vers les astres reste toutefois possible.
Critique de La part des chiens
Je ne sais pas vraiment comment qualifier cette œuvre. Disons que j’ai eu plus d’une fois l’impression que Marcus Malte en avait rien à foutre de l’intrigue principale, à savoir la descente dans les bas fonds de l’Humanité pour récupérer une femme somptueuse dont les atours envoient du rêve.
Non, ce qui compte à mon sens dans La part des chiens, ce sont les phrases fracassantes et envolées lyriques de l’auteur qui se fait avant tout plaisir. Certes le lecteur touchera plus d’une fois au sublime (la lecture de la ligne des mains d’une pute, le tatouage du personnage principal), mais il n’en reste pas moins que ça va trop loin : des passages entiers sont autant de répétitions d’une même situation, ça finit par lasser.
A l’instar de ce que fait l’auteur, Le Tigre va rapidement vous expliquer de quoi il est question dans le roman : Zodiak et Roman sont à la poursuite de Sonia qui a disparu – elle est coutumière d’absences nocturnes, mais pas aussi longtemps. Ils parcourront le pays, interrogeront la populace, jusqu’à parvenir auprès de Monsieur Victor, organisateur de parties fines. Parallèlement, quelques flashbacks seront livrés sur la jeunesse de nos deux héros : issus du monde du cirque et de la magie entourant les saltimbanques, les deux compères ont plus d’une corde à leurs arcs et évoquent des coutumes et une existence que Le Tigre ne connaît guère. Exotique.
Sauf que l’auteur en fait trop, il m’est arrivé de perdre le fil de l’histoire au milieu du marécage de descriptions souvent stériles. En conclusion, voici un des moins bons romans du sieur Malte. Et, eu égard le niveau de l’auteur, ça reste de belle facture. Toutefois, ne commencez pas à aborder cet auteur par le présent titre, le risque que ça vous gave sévèrement existe.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le titre peut interpeller, heureusement que l’auteur livre quelques clés de compréhension. D’abord, il y a la part des anges, à savoir la beauté intrinsèque de certains, appuyée par un vocabulaire chatoyant et précieux. Ensuite, la fameuse part des chiens (les canidés ayant un rôle d’ailleurs), qui est l’exact opposé de celle des anges : des comportements horribles qui font douter de l’Homme, à l’instar de cette ville corrompue jusqu’à la moelle où se déroulent d’immondes orgies – mettant notamment en scène des gosses apeurés. Enfin, et au milieu de tout ça, le lecteur pourra trouver la part de rien, le vide sidéral laissé par le verbalisme de l’auteur, conforté par un dénouement qui se termine presque en eau de boudin.
En fait, Le Tigre aime Malte parce qu’il délivre ses mots comme j’aime le faire : le langage soutenu côtoie l’insoutenable livré à base de termes choquants, sinon orduriers. Et, contrairement à ma prose merdique, le changement de niveau de langage passe bien chez cet écrivain.
Le dernier thème, assez classique, est la manière dont Marcus M. s’est approprié le road trip à l’américaine. Ici, point de voitures, seulement de longues marches soulignant la laborieuse avancée de la quête. A l’image des chapitres assez longs, on prend sont temps pour aller au but, et le chemin est parsemé d’étonnantes rencontres : le félin pense particulièrement au nain qui habite dans un cinéma désaffecté. On ne sait pas totalement dans quelle case ranger monsieur Pécou (antagoniste ou non ?), faut dire qu’il brouille sacrément les cartes – sans spoiler, y’a même de la levrette incestueuse dans l’air.
…à rapprocher de :
– De Marcus Malte, Le Tigre avait commencé par Le lac des singes (belle claque). S’en sont suivies Carnage, constellation (un putain de chef d’œuvre) puis Les harmoniques (ça passe). Je ne compte pas m’arrêter là.
– Sinon, le road trip à la recherche d’un proche aimé dans un univers immonde est exactement le sujet de Satan dans le désert, de Boston Teran. Glaçant.
– Enfin, les délires « magiques » de l’auteur et l’univers mystérieux me rappellent la série Pigalle, la nuit. Me suis bien aéré l’esprit à la regarder.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Je ne connais absolument pas cet auteur et ce roman, mais à en lire le résumé ça me fait un peu penser à du Antoine Chainas en moins gore et plus soutenu (le père Chainas ne fait pas dans la dentelle, sur son Versus j’ai eu du mal à la fin).
Chainas ? Ooooohhh, un nouvel auteur à découvrir. Merci.
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