VO : Elogio de la madrastra. Vargas Llosa faisait autrefois partie des petits plaisirs littéraires du Tigre. C’est avec le sentiment d’un devoir à accomplir qu’il convient de partager ce grand auteur sud américain. Et quoi de mieux que de commencer par un ouvrage court, chose rare chez Llosa, qui concentre une bonne partie de son talent ? Érotisme, amours interdits, femme fatale, tout est là.
Il était une fois…
Don Rigoberto est un homme comblé. Un vrai chanceux même. Il est en seconde noce avec une beauté, Lucrecia et semble pouvoir couler à jamais des jours heureux. C’est sans compter la personne de son fils (issu du premier mariage entendons-nous), Alfonsito, qui en toute innocence calculée va lever la belle-mère.
Critique d’Éloge de la marâtre
Pourquoi résumer en premier lieu un tel roman de Vargas Llosa ? Parce que c’est si court et si bien écrit que cette histoire mérite d’être rapidement lue (et relue, n’ayons pas peur de le dire).
L’incipit (soyons un peu sérieux sérieux avec les termes littéraires) met rapidement dans l’ambiance : description parfaite, crue parfois, et sans s’en rendre compte le lecteur est déjà à la moitié du roman. Puis à la fin. On peut reprocher le fin mot de l’histoire est un peu hâtif, et propose une morale facile, voire simpliste : la femme est responsable, et les liens du sang dépassent ceux de l’amour.
Mais l’histoire est peu de chose à côté de l’écriture de super mario (ça y est Le Tigre l’a placée). Blague à part, ça coule dans les mirettes tellement la prose est belle, coquine et espiègle. A l’image de l’enfant, qui au demeurant tient bien de son père. Jamais vulgaires, tout en finesse, les évènements au cours desquels la marâtre succombe peu à peu aux charmes de l’enfant constituent un tour de force de style. L’angélisme, la beauté jeune et fraîche, les attouchements pas si innocents, et puis une différence d’âge assez faible, les paliers vers l’interdit sont très bien amenés.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le contentement total, forcément fragile. Rigoberto est immensément fier de lui, et s’entretient savamment pour entretenir la flamme de son nouvel amour. Dans un roman type, si tout va bien c’est que quelque chose va plus ou moins gravement déconner, sinon l’intérêt de le lire serait limité. Ici Vargas Llosa distille le danger, jusqu’à sa révélation tardive, et offre un dénouement qui en aucun cas n’aurait pu ramener les protagonistes au statut quo ante. L’amour passion et l’amour filial, un des deux doit sauter. Voire les deux, même s’il semble que le père se voile inconsciemment la face quant au comportement de son fils.
Ce type d’histoires a déjà été traité par la littérature (cf. infra) et par le cinéma. Avec le vocabulaire du 21ème siècle, il appert (mot compliqué contrebalançant le mot vulgaire qui suivra) que Lucrecia est l’archétype de la MILF. Avant même que le terme ne devienne populaire, Vargas Llosa en a écrit les grandes lignes, c’est assez fort : la femme magnifique, d’un âge correct et pleinement épanouie. Alfonsito ne s’y trompe pas et malgré son jeune âge profite de son statut de beau-fils.
On peut enfin rajouter ce qu’on nomme « la relation triangulaire » chère à Paul Ricoeur, en remplaçant le lien d’amitié par celui de paternité. Je vous laisse découvrir ce principe. Brièvement, Lucrecia succomberait à l’enfant par amour pour le père, comme une fille tombe amoureuse du copain de sa meilleure amie : « parce que c’était elle, parce que c’était moi » …et rien à voir avec lui, complète Le Tigre, qui lit parfois Montaigne, mais avec le même esprit que Didier Bourdon dans Les Trois Frères.
…à rapprocher de :
– Un autre éloge, un peu plus d’érotisme, tenons tous entre nos mains (ou une main au choix) Éloge des femmes mûres, de Stephen Vizinczey. Merci au petit moteur de recherche pour me rappeler l’orthographe…
– Zola, et son œuvre La Curée, évidemment. D’ailleurs une des rares de l’auteur que Le Tigre a pu finir. Plus pudique sur l’instant X.
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