VO : Time’s Arrow. Martin Amis a écrit un roman unique, progressivement choquant car difficilement compréhensible au premier abord. Mélangeant narration « anté chronologique » et exactions médicales dans les camps de concentration, le style est hélas parfois fort difficile à saisir. Mais s’accrocher en vaut largement l’effort.
Il était une fois…
Tod est médecin à New-York. Le lecteur le suivra, mais à l’envers. Il ne mange pas, mais recrache. Se fait virer par sa copine, puis lui fait l’amour, enfin échange avec elle leurs numéros. Petit à petit, c’est le passé de Tod qui fait surface : son arrivée aux Etats-Unis, son changement de nom, jusqu’à son « travail » dans les lieux les plus horribles de la seconde guerre mondiale.
Critique de La flèche du temps
Très original. Trop sans doute. L’histoire se passe vraiment à l’envers, dialogues compris. Le Tigre a été fort gêné aux entournures sur la note à donner à ce bouquin : c’est un coup de maître, la fin est sublime. Seulement le début est tout proprement imbitable et passablement chiant. Même pour moins de 250 pages, on prend le temps de s’ennuyer. C’est plus pour l’auteur, qui fait partie des « protégés » du Tigre, que ce roman, que la note fut attribuée.
Une fois qu’on s’habitue à la narration inverse (ça peut prendre du temps), le texte se décante. En sus, dès la moitié du roman le lecteur entrevoit vers où l’auteur nous mène, avec son héros qui est loin d’en être un. Je n’ai pas vu la chose arriver, et me félicite d’avoir terminé l’ouvrage (alors que j’avais des doutes quant à l’opportunité de le finir) tellement l’excipit est beau.
De la drôlerie consistant à lire une histoire racontée ainsi on tombe abruptement dans l’horreur, à savoir l’histoire de la Shoah sous un angle nouveau. Tout cela servi par une plume agréable (c’est pas n’importe qui Amis), malgré quelques chapitres qui traînent en longueur. Il convient de signaler que la narration n’est pas à proprement parler celle de Tod, mais plus celle d’une personne externe au personnage et le suivant intimement. Pas été très clair pour moi.
Bref, s’il existe une œuvre qui ne faut surtout pas commencer par la fin, c’est bien celle-ci. A lire autant pour l’exercice de style que le dénouement.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’exercice de style. Le Tigre n’a pas (encore) lu de roman rapportant un scénario à l’envers. Amis a fait très fort : il faut lire les dialogues par la fin, reprendre quelques paragraphes ici et là, bref je me suis accroché à la narration comme à une moule à un rocher (facile celle-là). Ajoutez tous les symboles qui s’inversent : les patients arrivent soignés, repartent en sang ; mais surtout les juifs qui de la mort la plus horribles sortent du roman en relative bonne santé. Parallélisme qui, à mon sens, amène le lecteur à réfléchir sur la déontologie médicale décrite comme extrêmement malmenée.
Le poids du pêché. On sent dès le début que le père Tod est pas tout à fait net. Déjà, son nom, si proche de Tot (« mort » en Allemand). Ensuite, de temps à autre l’environnement le trahit : sa voisine, pour prendre un exemple, qui l’apostrophe violemment au sujet de choses que Tod aurait faite et dont elle est au courant. Son comportement évasif, sa solitude, le puzzle se met tranquillement en place et change le ton du roman. Intelligent.
…à rapprocher de :
– Narration inverse, Memento (le film) reprend pour moitié cette idée.
– On parle des camps nazis, aussi il peut être intéressant de voir du côté du Japon, avec l’excellent Regrets d’hiver de Romain Slocombe.
– Philip K. Dick a pris le problème à l’envers, en quelque sorte, et a imaginé un monde où tout passe à rebrousse-temps (titre du livre d’ailleurs).
– De Martin Amis, il y a l’excellent Train de nuit et le moins bon Chien Jaune.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
Dans mes « à lire », je n’ai pas Le Chien Jaune. Mais j’ai trouvé cette Flèche du Temps (à ne pas lire avant de s’endormir, si j’ai bien compris !) et Le Dossier Rachel (chez Le Serpent à Plumes), « brillant et drôle » selon la 4ème de couv.
Ce n’est pas à lire tard le soir car vos neurones fatigués risquent de lâcher en rase campagne (je le lisais plutôt le matin pour être au point). « Le dossier Rachel » est son premier roman, que je n’ai pas lu (faut que je rectifie cela), et « Le Chien Jaune » (je l’ai également résumé) ne m’a pas du tout emballé.
Pour conclure, allez voir du côté de « La maison des rencontres ». Pas mal du tout.
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