Sous-titre : Lefranc, tome 6. En visite dans le nord de l’Europe, le protagoniste principal et son compagnon se font pécho par une bande de mécréants sur le point de porter un coup fatal à une superpuissance. Mais sur ordre de qui ? – on ne le saura jamais. Illustrations correctes, dialogues passables, tout ceci est pas mal du tout, excellent même ! Dire que j’ai osé douter.
Il était une fois…
Lefranc et son gigolo JeanJean (du moins l’ai-je compris ainsi) visitent tranquillou la Norvège. De passage forcé dans une auberge de jeunesse, les deux compères sont capturés par leur ennemi de toujours. Celui-ci souhaite, tel un vilain de James Bond, que le journaliste soit témoin (grâce à son impartialité – sic) d’une opération savamment préparée et destinée à mettre les États-Unis à genoux.
Critique de Opération Thor
Pour les oublieux, deux choses à savoir. 1/ Lefranc, c’est un journaliste blondinet pris dans des histoires pas possibles et qui pourrait être le successeur de Tintin, en remplaçant le chien Milou par JeanJean – qui occupe le même rôle en passant. 2/ Lefranc, c’est aussi le bon Alix au 20ème siècle. Même gueule, mêmes postures, même copain plus ou moins asexué avec lequel des pensées inverties peuvent survenir.
Revenons à l’histoire qui a ceci de formidable que le touriste total pourra s’y retrouver sans problème. Déjà, nul besoin de savoir d’où viennent nos deux petits amis, ils sont en Norvège point barre. Ensuite, le fameux Axel Borg. Même si le lecteur ne sait rien du passif entre ce méchant et Lefranc, on peut se douter qu’ils ont déjà fait les quatre cents coups ensemble – l’équivalent de Jacques Martin de ce bon vieux Rastapopoulos. Enfin, la date de publication (fin des années 70) ne représente qu’un infime handicap au plaisir produit par le scénario. Car ce dernier est simple : Borg cherche à foutre la merde sur le territoire américain, et utilise pour cela un navire doublé d’un sous-marin.
Lefranc, par son ingéniosité, parvient à filer à l’anglaise pour prévenir les flics U.S. qui prendront alors le relai. Puis le méchant fuit, l’esprit rempli d’autres vengeance. Sur le dessin, Gilles Chaillet a façonné un album plaisant à l’œil, rien à dire sur ce point. Mis à part les personnages peu expressifs, les décors (notamment toute la partie maritime) sont savoureux à souhait, ce qui tend à rendre le texte supportable. Pourtant, il y avait de quoi avoir franchement les jetons avec les premiers mots de la BD du genre « Perçant le déchirement des nuages, un éclatant soleil bascule au loin dans l’océan qui moutonne des vagues étincelantes à l’infini » – véridique, et ce n’est même pas du second degré.
En conclusion, Le Tigre a particulièrement apprécié cet ouvrage, surtout qu’il s’agit du dernier où le jeune Jean-Jean est bel et bien présent. Si, pendant la période antique où Alix pouvait allègrement enfourner le docile Enak, il semblait bien qu’à la seconde moitié du XXème siècle ça passe moyennement auprès des lecteurs. Du coup, il appert que John-John, qui fait un peu trop le « mignon » du héros, a tout simplement disparu des écrans radar à la suite. Dommage.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La majeure partie de la BD se passe sur les mers, avec un méchant qui a tout d’un Blofeld (007 style) : Alex B. a une belle gueule et est relativement intelligent grâce à son plan plutôt ingénieux, agit en sous-main et ce l’aide d’un sous-marin accroché pendant un temps à la quille d’un gros chalutier. Oui, vous avez bien lu : le vilain parvient à passer du bateau au submersible (et vice-versa) comme une fleur, les mains dans les poches. Cette prouesse technique devient encore plus insolente vers les pages 16 à 18, pendant une grosse tempête. A peine si le sous-marin, toujours accroché, remue un peu (JeanJean est assommé à force de dégueuler) alors que dans la réalité, une telle masse sous l’eau devrait soit se décrocher dans un fatras de tôles, soit maintenir le navire sur le même plan, ce qui vu les monstrueuses vagues le coulerait en moins de deux.
Et l’opération Thor dans tout ça ? Préparez votre filtre à spoiler, parce que là je vais tout vous dévoiler. Cette mission de destruction initiée par Borg(ia) consiste simplement à inonder l’Oncle Sam de parfaits faux billets en dollars. Et oui, c’est en quelque sorte le renouveau de l’opération Bernhard imaginée par les Nazis. En apportant, via des torpilles, des milliards de dollars, il y a de quoi saloper l’économie de toute une nation. D’ailleurs, le final montre ce qui se passe à l’échelle d’une ville, ce n’est pas vraiment beau à voir – les citoyens sont des cons finis et ne pensent qu’à acheter le dernier smartph…euh TV en couleur, ça se termine à coup de matraques.
…à rapprocher de :
– Puisque je parlais d’Alix, voici quelques BDs du noble blond que vous pourrez trouver sur QLTL : Le Spectre de Carthage, et..ah bah non c’est tout.
– Puisque je parlais de Tintin, la fausse monnaie pour faire chier une nation, c’est exactement L’ile Noire. Avec rastap’ d’ailleurs.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.
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