Oh my god, quelle torture. Le Tigre a lu quasiment tous les Dantec, et pensait ne pas prendre de risques avec Satellite Sisters. Narration byzantine, univers et histoire pas crédibles du tout, style imbitable même pour le connoisseur, voilà un roman qu’en principe je n’aurai pas du terminer. Ni polar, ni SF, ni ésotérique, ni délirant, non. Mais tous les défauts de chacun de ces genres, oui.
Il était une fois…
Allez, copier-coller d’une partie du quatrième de couverture, ça me gonfle de faire des efforts pour ce pavé :
« Fuyez l’atoll, sillonnez les déserts, les mers australes et la grande forêt amazonienne. Quittez la Terre pour la guerre des cartels, casinos et hôtels du Las Vegas orbital. Effacez vos ennemis. Abandonnez toute chance de retour. Toorop, Alice Kristensen, Marie, Sara et Ieva Zorn, la neuromatrice, Darquandier, Andreas Schaltzmann, mais aussi Richard Branson, Elon Musk, Fedor Emelianenko, le groupe Muse en show pyrotechnique à 600 kilomètres d’altitude.. »
Critique de Satellite Sisters
Depuis le temps que Le Tigre lit du Dantec sans avoir vraiment bronché, il fallait que ça cesse. L’auteur a dépassé les bornes avec Satellite Sister, et je vais plus parler du style que de l’histoire. Alors si le prochain paragraphe évoque le scénario du roman, la suite ne sera qu’énergiques coups de burins sur le piédestal que Le Tigre avait pourtant dressé à l’intention de l’auteur franco-canadien.
Quelques années après Babylon Babies, Toorop, Darquandier, les jumelles Zorn et toute la clique vivent reclus dans une île au milieu du Pacifique. Mais l’ONU.2 leur en veut, et nos héros guidés par la narration schizophrène de la neuromatrice vont quitter la terre pour un espace orbital de luxe, puis la lune, et enfin mars.
Premièrement, l’histoire. Séduisante au premier abord, mais que d’incohérences et de longueurs excessives ! Quant aux personnages, peu crédibles (ils semblent réagir tous pareillement) bien que l’auteur nous introduise des individus réels (Branson, Paul Allen,…). Pour faire encore plus complexe, Dantec a eu la douteuse idée de nommer ses chapitres dans toutes les langues possibles : alty, triggir of fimmti, dua puluh tiga,…mais quel est l’intérêt ?
Deuxièmement le quatrième de couverture. Celui-ci explique que « Satellite Sisters peut être lu comme un roman autonome, indépendant des romans précédents ». Ha ha ! Le couillon qui s’attaque à SS indépendamment me fait penser à un client qui se goinfre le dessert avant le steak tartare. Ce titre est la suite logique de Babylon Babies : les personnages sont les même, les références au premier opus sont légion, je ne comprends pas (à part faire vendre) comment l’éditeur peut oser écrire ça.
Troisièmement, le style. Du pur Dantec, mais en pire. Avec les précédents titres, c’était plutôt beau et cela avait un sens. Alors soit Le Tigre vieillit et repère quand pépé Maurice tente de l’entuber, soit SS est moins clair. Non mais goûtez un peu de cette prose :
Une ligne de dunes, bunkers de silice, fortification sinusoïde, longe l’orée inextricable en autant de répliques solides des rouleaux d’écume iodée qui viennent se dresser juste avant l’impact sur ce morceau de littoral, illuminé de cristal pulvérulent sous l’incandescence solaire de l’équateur.
What da f** ? Des phrases pareilles, y’en a au moins deux par page. Certaines mieux réussies que d’autres. Et là je vous en ai trouvé une où on sait de quoi il retourne. D’autres ne sont que paraphrases, comme si l’écrivaillon souhaitait rééditer le dictionnaire des synonymes. A terme Le Tigre sait les reconnaître de loin et les éviter.
Bref, titre à fuir, je suis fort heureux tout de même d’avoir pu le terminer. Un tel roman, ce n’est ni à faire, ni à refaire. J’espère que Maurice se reprendra.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La colonisation spatiale. Malgré tous les défauts de ce titre, la genèse des premiers habitats spatiaux laisse (au début du moins) songeur. Hôtels dans les cieux, bases américaines et russes sur la lune qui sont autant d’avant-postes pour envoyer un peu de pèlerins sur Mars. Tout ça est ponctué du motto du titre, fort bien trouvé et qui envoie du rêve : Go up. Get high. Space out.
Les incohérences dans la littérature SF. Le Tigre est hargneux, face à un auteur qui se la raconte (du moins je le subodore) je prends un certain plaisir à égrener les quelques défauts de la narration de Dantec, par exemple le décor planté qui n’a rien de 2029 : des stations orbitales qui ne proposent que des loisirs, les États qui n’ont plus leurs mots à dire, un train magnétique sur la lune, le groupe Muse qui chante des titres des années 2000 lors d’un concert spatial,….et je ne parle pas des approximations scientifiques que j’ai sûrement zappées. Fin du fin, page 304, une erreur de typo (ou d’orthographe) : « […] pouvant résister à des température […] ».
…à rapprocher de :
– Commencez par Babylon Babies, puis arrêtez-vous là.
– A la rigueur, offrez-vous Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute. Ne pas se fier au titre dont la longueur est inversement proportionnelle à celle du roman.
– Dantec a produit une autre saga qui a plus d’envergure : Liber Mundi : Villa Vortex, Metacotex, et un dernier dont j’ai oublié le nom.
Enfin, si votre librairie est fermée et que vous tenez absolument à saigner des yeux, vous pouvez toujours trouver ce roman en ligne ici.
Pour Liber Mundi il n’y en a que deux je pense
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Je suis assez d’accord avec vous, ces défauts sont béants, et le font déraper dans le come-back éditorial prévu, sans même qu’il ait eu besoin de son procès face à David Kersan… Néanmoins, l’histoire (dans sa généralité, et si j’écarte les portions incompréhensibles comme le fameux rétro-futurisme…) est meilleure, à mon goût, que celle de Babylon Babies, certainement parce que le sujet me parle davantage.
Vous avez raison, le côté « aventure spatiale » est bien imaginé, avec d’excellentes idées comme les luttes politiques dans les cieux ou encore le train magnétique lunaire utilisé comme arme… Toutefois, j’aurais préféré un décor et des descriptions plus crédibles, comme le ferait Alastair Reynolds ou Ben Bova. Et merci enfin de rappeler le contexte contentieux autour de la publication de l’œuvre.