300 pages, 10 nouvelles, une préface (assez marrante mais légèrement trompeuse) qui annonce « quelque chose d’indicible », ce recueil est passable (dans son sens noble) même si le style qui se veut envoutant n’est pas ma came. Genre fantastique made in France, c’est-à-dire auréolé d’une certaine déprime mâtinée de poésie douce-amère
Il était une fois…
Un magasin de tatouages d’un genre particulier, des quidams dans le métro face à un mystérieux individu, une chanteuse qui subjugue les foules, un fantôme qui fait pleuvoir, une ville morte qui se nourrit des sentiments d’autrui, etc. Oui, c’est pas la joie.
Critique de Serpentine
Aucune idée de la manière dont ce recueil a débarqué dans ma bibliothèque. Je l’ai brièvement considéré comme un clandestin, jusqu’à ce que je me décide à le lire une bonne fois pour toute. Ce ne fut pas une perte de temps. Pas un ravissement non plus. Allez, coupons la poire en quatre : c’est doublement mitigé.
Il est des textes qui sont franchement bons, je me suis régalé avec des histoires profondes qui prennent rapidement vie et dont le lecteur aura du mal à se séparer. Mais, de l’autre côté, certaines nouvelles (allez, disons un tiers) ne m’ont paru pas être à la hauteur de ce qu’on est en droit d’attendre, à l’instar du Passeur ou Le Faiseur de Pluie – sûrement mon appréhension à lire quelqu’un qui se regarde autant (j’exagère) écrire que moi. L’avantage des recueils, au moins, est de pouvoir rapidement passer à autre chose.
Le style est surprenant avec un mélange plutôt bien dosé de thèmes incontournables (amour, mort, enfance) saupoudré d’un soupçon de fantastique qui s’invite progressivement jusqu’à occuper le devant de la scène. En outre, la maîtrise de l’écriture par Miss Fazi est souvent exceptionnelle, vous saurez trouver au moins un texte qui parviendra à remuer, non sans violence, quelques souvenirs qui vous sont propres – qui de stations de métro parisienne, qui d’une maison de famille ou encore l’extase pure en écoutant de la musique. Avouons-le clairement : ça prend aux tripes et peut vous déboiter le cerveau.
Hélas, mille fois hélas, l’écrivaine française a laissé plus d’une fois le félin en plan : les fins de ses nouvelles n’en sont pas réellement, et on referme le chapitre avec une amertume due à l’incomplétude, sinon le sentiment qu’il manque quelques pages pour tirer l’histoire au clair. Et ça cette façon dont l’auteur verse dans « l’insaisissable » a le don d’agacer Le Tigre, même si je comprends que certains adorent apporter leurs propres interprétations. Mais je ne suis pas de cette race : j’ai besoin de savoir ce qu’en fin de compte il en est. Dommage.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Comme je le disais, l’étrange s’invite tranquillou dans la narration, si bien qu’on se retrouve dans un univers inquiétant dont le glissement vers le bizarre est amené, paradoxalement, de manière naturelle. Entre la nana qui débarque sur une aire d’autoroute avant de comprendre que quelque chose cloche, ou un restaurant antique (Mémoire des herbes aromatiques, un de mes textes préférés), en passant par un jeune paysan qui se fait « intellectuellement » détrousser, la distorsion de réalité est avant tout violente. De la poésie certes, mais peu de bonheur à cause de la mort qui surgit – à quelques exceptions près.
D’ailleurs, parlons-en de la mort. Je comprends que c’est un moteur puissant capable de déplacer des montagnes de surprise (oui, il est parfois question de dernières phrases qui laissent sur le cul), néanmoins chez Mélanie Fazi c’est un gimmick que j’ai trop souvent retrouvé. La grande faucheuse, forcément en embuscade, en deviendrait presque ennuyeuse car se présentant sous les mêmes formes : spectre plus ou moins menaçant et autres fantômes. Parallèlement, la question du souvenir (j’évoquerais plutôt la malédiction d’individus coincés dans des destins dont ils ne semblent pouvoir se délivrer) revient plus souvent qu’à son tour, si bien que peu de nouvelles sortent du lot.
…à rapprocher de :
– Pour ma part, j’ai préféré le recueil fantastico-inquiétant de Serge Lehman dans Le Haut-Lieu
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce recueil en ligne ici.
Ping : Serge Lehman – Le Haut-Lieu | Quand Le Tigre Lit