Entre le Brésil et la France sévit un impitoyable tueur, et rien ne semble pouvoir l’arrêter – c’en est même louche. Souvent excessif, violent à souhait, ce titre fait la part belle à la vengeance la plus aveugle où les innocents sont les premiers à trinquer. Écriture fluide et efficace, Michel Gérard livre un roman noir et sans espoir d’absolution.
Il était une fois…
Paul Clément, un Français susceptible (ce n’est pas un pléonasme, parce qu’il l’est beaucoup), vivote à Rio de Janeiro, loin de son pays natal où il a été tant déçu. De chef d’une milice locale appuyée par les policiers à gérant de bar, Paul ne laisse pas insensible la mafia locale qui décide d’employer ses services – et en profite pour parfaire ses techniques. Hélas, ses relations avec la pègre brésilienne et son histoire d’amour se détériorent rapidement. Clément ne s’en inquiète pas, d’ailleurs il doit retourner en France régler une affaire toute personnelle…
Critique de Bloody Killer
Première fois que je découvre le sieur Gérard, et ce fut loin d’être une perte de temps – j’ai eu pourtant peur au début dans la mesure où le titre anglais, d’une certaine banalité, faisait racoleur sur les bords, ce qui est dommage. Thriller sur fond de tragédies personnelles (certes provoquées par le héros), l’originalité réside en un protagoniste principal franchement vilain, un salaud de première dont le dénouement n’étonne guère.
Tout commence par le Brésil où Paul Clément, la vingtaine, parvient à entrer de plein pied dans l’univers interlope de Rio : à la tête d’un groupe privé de « protection », Paul développera ses talents grâce au concours de la mafia et d’un riche homme d’affaires – dont il saute la fille, Maria. Cette partie occupe à peine un quart de l’œuvre, et se termine par quelques exactions plutôt savoureuses et une histoire d’amour brisée. Ce dernier évènement ravive de plus belle quelques douloureux souvenirs chez notre héros qui est fermement décidé à faire payer le mépris dont a fait montre son « premier amour » français, Carole. Chassez le naturel, celui-ci revient en première classe.
Ainsi, la seconde partie (dans l’Hexagone) ne sera que meurtres des proches de la fameuse Carole Bricoud née Palin : non content de zigouiller les gosses de la bourgeoise (et quelques autres, parce que leurs gueules ne lui reviennent point), le tueur fera en sorte que son époux soit suspecté…du moins jusqu’à ce qu’il disparaisse. Parallèlement, le commissaire Pierron, amant de Carole (c’est du joli), tentera d’y voir clair. Les scènes d’action, d’infiltration, de camouflage et d’enquêtes policières se suivent à un rythme effréné (sans compter le Brésil qui s’invite à nouveau), suffisamment pour oublier que ces 200 pages sont plutôt denses – police d’écriture assez petite.
Voici donc l’archétype d’un thriller rondement mené avec d’indéniables qualités (personnage principal insaisissable, style nerveux et accessible) à peine tâchées d’invraisemblances. Certains individus, à l’instar du criminel bouddhiste Momo en charge de faire les faux papiers, sont too much, et il est parfois difficile de se représenter des situations qui tournent toujours en faveur du psychopathe. Toutefois, les scènes de sexe bestiales à souhait, mais finement suggérées ont suffi à ravir, de temps à autre, Le Tigre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La vengeance et le ressentiment sont à l’honneur, et les raisons de la colère ne sont que d’ordre romantique. Paul Clément a dans son esprit un amour de jeunesse idéalisé, amour à sens unique qui ne peut que l’enfoncer dans ses illusions – sans compter la trahison de certains. Si ces échecs lui montent à la tête, il est surprenant de remarquer que Clément n’est pas le genre de gus à foncer tête baissée en mode « vendetta » – c’est-à-dire avec sa bite et sa machette à la main. Les sentiments, les pulsions meurtrières, en fait l’auteur alterne entre Eros et Thanatos (pénétrations sexuelles et du couteau), tout en mélangeant les deux à l’instar de l’utilisation du nœud de laguis, nœud coulant qui peut s’apparenter à une strangulation érotique… Jusqu’à réunir le sexe et la mort dans la scène finale – que j’ai trouvé un peu convenue.
Au surplus, Michel Gérard a essayé de créer un antihéros sociopathe. Calculateur et méthodique, sans remords lorsqu’il torture et/ou occis sa victime (avec une nette propension à la mise en scène), toute personne croisant son chemin le regrette amèrement. Ses relations avec autrui ne sont qu’à sens unique, il n’y a qu’à voir comment, régulièrement, il saute à la hussarde la belle Maria. Avec une ingéniosité qui force le respect, le mec pourrait être un talentueux tueur à gages s’il n’était pas si dingue.Toutefois, le lecteur peinera à bien entrer dans la tête d’un tel individu dont le cerveau fonctionne à l’envers à cause d’une histoire de cœur contrariée. Trop froid, trop impersonnel, délicat de s’imaginer P. Clément vivant hors littérature.
…à rapprocher de :
– Sur l’ambiance brésilienne en mode « violence & injustice », allez donc jetez un œil à Brésil, de John Updike.
– Pour le plaisir, Eros et Thanatos se retrouvent dans L’amour, la mort, de Dan Simmons. Cinq récits plutôt sympathiques.
– Pour des exemples de psychopathe à la crédibilité effrayante, les romans de Keith Ablow apportent de quoi se régaler – Psychopathe ou L’Architecte.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Keith Ablow – Psychopathe | Quand Le Tigre Lit
Euuuh, si je puis me permettre le personnage principal s’appelle Paul Clément et non pas Pascal Clément !
Bien vu, merci ! J’ai du avoir en tête trop souvent l’homme politique, je ne sais pas pourquoi. Corrigé.