Troisième roman de Houellebecq, il faut convenir qu’il aime lâcher de gros pavés dans la mare. Et cette œuvre mi-érotique mi-politique en est un parfait exemple. Tourisme sexuel à outrance, point de vue « occidento-centré » d’un auteur qui n’hésite pas à taper sur l’Islam, style presque pornographique, ça ne laisse pas indifférent.
Il était une fois…
Michel, fonctionnaire au ministère de la culture, est un trentenaire bien sonné qui n’est pas vraiment heureux. Après le décès de son daron (qu’il ne portait pas du tout en haute estime), Mich’ décide d’aller visiter le monde. C’est parti pour l’Asie du Sud-Est avec un grand tour opérateur et en compagnie de Français moyens. Il y rencontre la belle Valérie, avec qui une grande aventure va pouvoir commencer.
Critique de Plateforme
Le Tigre a lu (presque) tous les romans de Houellebecq, et mon appréciation de cet auteur est plutôt mitigée. Il peut tantôt verser dans le trash limite gratuit mais avec quelques pistes de réflexions intéressantes, tantôt dans de longues considérations néo-déprimées capables de gaver n’importe quel lecteur normalement constitué.
Le début de l’œuvre démarre assez doucement, avec le voyage du protagoniste en Thaïlande. Les comportements des Européens sont écœurants, sur fond de destinations paradisiaques avec des noms à faire rêver – attention, ça balance en plus de glorieuses références géographiques, comme Surat Thani ou Patong Beach. Puis l’histoire prend une tournure bien plus sympathique dès lors que débarque la blonde Valérie. Et entre le héros et cette dernière, l’amour naissant permet de belles expériences sexuelles qui, je le reconnais, m’ont plus d’une fois foutu une fort correcte trique.
Le rythme continue à s’accélère jusqu’à ce que le héros s’engage dans une nouvelle carrière avec sa petite amie et un de ses collègues. Michel H. en profite alors pour balancer quelques idées de son cru, que ce soit la décadence de notre civilisation (toujours en recherche de plaisirs immédiats) ou le conservatisme outrancier de certains individus, les musulmans en particulier. Le lecteur peut décider de ne pas être d’accord avec les propos tenus par l’auteur, il faut convenir toutefois que c’est relativement fluide à lire, et ce malgré la narration néo déprimée du héros.
En conclusion, Plateforme est un peu plus qu’un banal roman avec quelques scènes plutôt hot, c’est également une expérience de pensée sur ce que peut être un libéralisme total, un monde globalisé au service des plus aisés.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le sexe, et surtout la prostitution, sont au cœur du livre, si ça peut expliquer la polémique autour de Plateforme. Si le héros est témoin (et consommateur) de l’offre économique consistant à vendre son petit cul, il devient dans le dernier tiers un acteur à part entière. Consultant auprès du groupe Aurore, Michel (le protagoniste) propose un type de tourisme pour Occidentaux centré sur la baise. La prostitution assumée, les avantages comparatifs de Ricardo poussés à leur comble, voilà qui est révolutionnaire. Sans spoiler, disons que ça ne plaît pas à tout le monde – la fin est plutôt sanglante.
Brièvement, il faut savoir que la prostitution apparaît telle une zone grise, avec des frontières étanches. Entre l’acte froidement tarifé et l’innocente baisouille accessoirement rémunérée, il y a des situations intermédiaires sur lesquelles joue le tour opérateur de l’intrigue – en présentant cette activité version gagnant-gagnant. Le Tigre pense notamment à la femme de chambre cubaine qui rejoint notre petit couple en plein ébats.
Néanmoins, l’écrivain français ne reste pas cantonné à de glauques péripéties puisque l’amour semble progressivement s’inviter. L’histoire d’amour avec Valérie, c’est un peu l’oasis de bons sentiments qui reste sur cette terre. Si Michel n’était pas préparé (il n’y croyait pas en fait) à faire face à une telle complicité (sensuelle de surcroît), les sentiments s’imposent naturellement, jusqu’à la constitution d’un couple accompli et serein. Comme souvent chez cet auteur, une telle félicité ne saurait durer…
…à rapprocher de :
– Houellebecq, c’est aussi (dans l’ordre) : Extension du domaine de la lutte, Les Particules élémentaires, Lanzarote, La possibilité d’une île et La Carte et le Territoire.
– Sur le recours à la prostitution revendiqué, lisez donc le roman graphique 23 prostituées, de Chester Brown.
– Quant à l’aspect purement « politique », le point de vue d’Houellebecq rappelle celui de Pascal Bruckner (La tyrannie de la pénitence) ou Le perdant radical de Hans-Magnus Enzensberger.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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Plateforme…
Ha, un livre qui m’a presque surpris.
Quid? Ben un roman de Houellebecq qui finit bien, c’est anormal.
Et l’illusion est possible dans celui-ci. On pense arriver vers la fin, le groupe international réussis, le héros envisage la possibilité du bonheur: une femme, des gosses et les plages des îles. Et le lecteur est frustré. Quid de la fin déprimante? Quid de la plaquette de prozac fournie avec chaque bouquin?
Et là, le lecteur remarque que le livre n’est pas fini. Il tourne la page… Et bonheur! [spoil] Par le deus ex machina de quelques terroristes justement bien inspirés de deus, l’histoire se finit mal! Ouf 🙂 !
Je me suis permis l’insertion d’une balise [spoil] sur votre commentaire ^^
Bien vu. 🙂
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