Petite balade dans une grande librairie parisienne, dans le rayon « essais » un livre tout rouge attire l’attention du Tigre. Témoignage d’un médecin qui a vécu les premières années du SIDA, voilà quelque chose de fort instructif. Texte tout personnel et intelligent, assez plaisant.
De quoi parle La consultation du soir, et comment ?
La consultation du soir, c’est une consultation donnée tous les mercredi, pendant une douzaine d’années, par l’équipe de Michel Kazatchkine. Consultations données aux premières personnes atteintes du SIDA, témoignages assez poignants d’êtres en proie à une maladie dont on ignore tout au début.
Ce Michel K., c’était un jeune chef de clinique dans un hôpital de Paris. Chercheur en plus d’être médecin, il a ensuite pris la direction d’une équipe dans le très prestigieux hôpital Georges-Pompidou. Tout ça de 1988 à 2000, douze années qu’il va écrire.
Écriture très simple et plus qu’abordable pour le non initié, rien à dire. On suivra l’évolution de la maladie, les enjeux qui se mettent en place et découvertes successives. Les termes utilisés par les patients et le médecin lors de ces consultations font de cet ouvrage un monument d’humanité assez émouvant, et contre-balançant efficacement les considérations d’ordre purement médical.
Toutefois, on pourrait reprocher à cet essai un début bien trop long sur l’enfance et le parcours professionnel de Kazatchkine, et ce bien avant 1983 (année où les premiers symptômes apparaissent). De plus, tout au long du texte nous sont donnés quelques petites « interludes » musicales ou picturales qui plantent uniquement le décor. Pas forcément nécessaire.
Enfin (au bout d’un bon tiers) l’auteur entre réellement dans le vif du sujet, à savoir la genèse du SIDA.
Pour conclure, ouvrage quasiment indispensable pour la « culture G » relative à cette maladie. Quasi indispensable puisqu’il s’agit d’un document unique, il n’y a pas vraiment d’équivalent dans la littérature française.
Ce que Le Tigre a retenu
Au risque de répéter ce que tous savent déjà, il reste délicat de dire ce qu’on a retenu sans avoir un ton professoral.
Les débuts de la maladie sont décrits sans prendre en compte les découvertes futures. Prise de distance limitée ; symptômes nouveaux que le docteur / chercheur découvre ; publications scientifiques qui se révèlent fausses voire dangereuses,… C’est une période fascinante (si je puis me permettre d’utiliser ce terme) mais surtout terrifiante qui s’annonce pour l’équipe du bon docteur.
En outre, l’auteur de cet essai nous présente la situation fort délicate des malades qu’il reçoit. Nombreux témoignages où se mêlent déceptions, espoirs, sentiment d’extrême vulnérabilité et réactions desdits malades. Courage, abandon, tout y passe. Plus que de simples témoignages, ce sont de vraies confidences.
En effet, il ressort de cet essai que peut-être pour la première fois une maladie met en cause un aspect humain presque sacré, du moins très sensible : la sexualité. Ne plus la vivre comme on le souhaite, être « brocardé » de la sorte lorsque SIDA rimait avec drogué et homosexuel, tout un tas de nouveaux questionnements où le médecin sait parfois se faire psychologue.
à rapprocher de :
– Pilules bleues, de Peeters, en roman graphique fort intimiste.
– Black Hole, de Burns, autre BD tout aussi émouvante.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver sur Amazon ici.
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