Premier opus de l’inénarrable auteur québécois, et déjà le lecteur attentif saura repérer les thèmes qui sont chers à Rabagliati. Le temps qui passe inexorablement, la nature omniprésente, la famille et une bonne dose d’empathie, rien à dire. Un poil court pour un début, mais Le Tigre pardonne facilement. Surtout à Michel.
Il était une fois…
Dans Paul à la campagne, notre héros (qui est père d’une petite fille) rend visite au grand-père qui se prélasse au grand air. Entre environnement qui a changé (nombreux condos) et souvenirs de gosses dans cet endroit, c’est toute une famille que l’auteur présente à ses lecteurs.
Dans Paul apprenti typographe, le petiot prend cher question cours d’accordéon – n’est pas VGE qui veut hein. Après une leçon particulièrement difficile, son père (qui est venu le chercher) passe rapidement au boulot avec lui. Le soir, l’atelier de typographie semble être un monde merveilleux où produire des textes n’est pas si simple.
Critique de Paul à la campagne
Voici donc les toutes premières (du moins je l’ai compris ainsi) planches pondues par le bon Michel R., et je me suis quasiment dit « heureusement que tu n’as pas commencé par celui-ci, sinon tu n’aurais sûrement pas continué avec cet auteur ». Ce qui aurait été une profonde erreur. Car ce qui suit accuse une montée en puissance scénaristique – et quantitative.
La majeure partie du scénar’ trempe dans les insouciantes années 60, et franchement c’est plus que rafraîchissant. Le félin va se concentrer sur la première partie (qui occupe 30 pages sur les 45 du tome), qui présente un concentré du talent prêt à éclore de l’artiste canadien. Le séjour chez les parents de Paul est magnifiquement rendu, et à partir de très peu le personnage principal parvient à faire monter la mayonnaise à sentiments. Autobiographie touchante et juste, on en redemande.
J’ai trouvé le dessin un poil brouillon (normal me direz-vous) où les visages des protagonistes sont encore exagérés, du moins leurs émotions criardes. A part quelques efforts ici et là sur le décor (peu de grands plans), on peut remarquer que l’illustrateur s’est avant tout concentré sur le texte – au sujet duquel rien ne semble pouvoir être reproché. Le noir et blanc fait toutefois quelques merveilles, notamment les planches sur l’atelier de typo qui hésitent entre précision et grandiloquence – âge du héros oblige.
Bien que le rapport prix / nombre de pages soit trop élevé à mon goût, bien que pour une première œuvre c’est relativement peu engageant, Le Tigre est dans l’impossibilité de donner une note trop négative à un auteur qui m’a tant apporté de bonnes lectures.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Très naturellement, l’auteur a traité d’un sujet qui, jeune, interpelle. Il s’agit….suspense… de la mort bien sûr. Double confrontation. D’une part, expérience de la mortalité à cause du comportement du héros qui, dans sa tendre jeunesse, s’amusait avec une carabine à plomb. Un oiseau dans la ligne de mire, l’accident bête, la repentance et l’effroi face à un acte qu’il regrettera longtemps. D’autre part, le décès du père d’un de ces amis, évènement qui a mis toute une communauté en émoi. Ce thème reviendra dans un autre opus avec le décès de la mère de Paulo – chialant à souhait.
Le second thème sélectionné par mes bons soins est surtout un hommage au père de Paul au travers son métier. Car, comme le répète ad nauseam M. Belleau (le cas qui accueille le père et son fils à l’atelier), le père du héros est « un artissss ». Il n’a pas tort le bougre, car les descriptions sur une dizaine de pages paraissent relever de l’art, un univers de connaisseurs où les matrices en cuivre servent de « patrons » pour composter un titre solide (à partir de plomb fondu). Et là, connement, Le Tigre pense : putain, ça devait coûter cher à l’époque. Comment ça se fait que le prix des publications (je pense aux journaux), qui n’a pas baissé, ne s’est pas accompagné d’un saut qualitatif ? – je me pose souvent des questions idiotes.
…à rapprocher de :
– Rabagliati a une jolie collection avec le fort sympathique Paul : Paul a un travail d’été, Paul en appartement, Paul dans le métro, Paul à la pêche, Paul à Québec, Paul au parc, Paul dans le Nord. Pour l’instant j’espère.
– Concernant un autre illustrateur canadien francophone de renom, le premier jet de Guy Delisle (très présent sur QLTL) est Réflexion. Faudrait que je me le procure un de ces quatre.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman graphique en ligne ici.
Ping : Chris & Julien Flamand – Vacances à Saint-Prix | Quand Le Tigre Lit
Ping : Ferri & Larcenet – Le retour à la terre, tome 1 | Quand Le Tigre Lit
Ping : Michel Rabagliati – Paul à Québec | Quand Le Tigre Lit
Ping : Michel Rabagliati – Paul en appartement | Quand Le Tigre Lit
Ping : Michel Rabagliati – Paul dans le Nord | Quand Le Tigre Lit
Ping : Geerts – Jojo : Un été du tonnerre | Quand Le Tigre Lit
J’adore la série des Paul de Rabagliati. C’est le genre de série avec laquelle on est triste quand a fini tous les bouquins. Je suis assez étonnée qu’on les trouve en France ces BD. Vous avez un pourvoyeur attitré ?
J’avais aussi découvert Chester Brown sur ce site, et globalement je trouve la BD québécoise (et le reste de sa culture) rafraichissante.
ps : je pense que vous vouliez parler de « condos » (appartement) et non de « condoms » (préservatif).
Merci pour les capotes, lapsus en pensant à « condominium » !
Détrompez-vous, on trouve cette série un peu partout en France. Je les commandes chez mon dealer de BD, mais dans toutes les grandes surfaces culturelles il y en a au moins un. Ce doit être un résultat de l’exception culturelle, parce que les auteurs canadiens non francophones sont absents des étals.
Ping : Michel Rabagliati – Paul dans le métro | Quand Le Tigre Lit
Ping : Michel Rabagliati – Paul à la pêche | Quand Le Tigre Lit
Ping : Michel Rabagliati – Paul a un travail d’été | Quand Le Tigre Lit