Prêté par un ami, je ne suis pas sûr de vouloir le lui rendre depuis le temps. C’est une belle histoire (avec un dessin adéquat) qui se lit très vite (malgré 150 pages), on en ressort avec un sourire béat et l’œil légèrement humide par tous ces souvenirs d’enfance. Deux mois dans un camp de vacances comme JO pour enfants défavorisés, ça marque.
Il était une fois…
Paul a quitté l’école à la suite d’un conflit avec l’administration qui lui a joué un joli coup de p*** (une histoire de bourse dont il ne saura profiter). Du coup, il fait son métro-boulot-dodo dans une imprimerie où il a un certain mal à s’acclimater. Aussi lorsqu’une de ses connaissances le contacte pour remplacer, au pied levé, un animateur manquant, Paul n’hésite pas une seconde. Et c’est parti pour l’aventure : sport, pédagogie, émotions, amour, notre héros va se faire déniaiser dans les grandes largeurs.
Critique de Paul a un travail d’été
Oh que je les aime ces petits auteurs canadiens qui savent se raconter sans fausse pudeur et avec simplicité. Michel R., qui semble avoir les mêmes gros sourcils que son protagoniste principal de Paul, nous offre quelques semaines de sa vie et une conséquence que cela aura dans sa vie d’adulte (la fin est à ce titre superbe).
Paulo, donc, glandouille tranquillement (un slacker dans le vocable nord-américain) dans une imprimerie, et cela lui déplaît infiniment. Surtout qu’il est illustrateur dans l’âme et a connu, dans ce domaine, une déception de première. Du coup, dès la trentième page, le voici parti près d’un lac pour se préparer à être organisateur de camp d’été, résultat d’un projet social mené par un de ses amis.
Le Tigre n’a pas fréquenté les scouts, et tout lecteur ayant au moins fait un viron entre potes (ou participé à une colonie de vacances parce que ses parents voulaient s’éplucher tranquillement) aura le cerveau résonnant de ses souvenirs en plus de ceux du héros. Car l’auteur maîtrise tout, de la difficulté à s’adapter (la tente dégueulasse, l’escalade à apprendre) aux veillées de nuit, en passant par le flirt qui laisse encore des papillons dans le bide (ici, la belle Annie que Paul met un certain temps à choper).
Deux derniers points positifs : d’une part, les dialogues sont du pur québécois, les expressions et termes utilisés sont d’un savoureux pour le lecteur parisien tigresque. Tellement bon que très vite j’ai subvocalisé les échanges des protagonistes avec l’accent. D’autre part, la fin est belle, voire trop. Notre héros, qui a vieilli, retourne par hasard sur le lieu de ces souvenirs. Et y découvre quelque chose qui sera l’occasion d’une très mignonne double transmission à sa fille.
Le dessin n’est pas vraiment sobre : noir et blanc, cases en générales petites, trait épais avec pourtant de belles expressions faciales, le tout fait brouillon (sans que ce soit négatif comme remarque). Un style qui rappelle le bon Guy Delisle en fait. En effet, l’éditeur indépendant La Pastèque ne s’est pas trompé en publiant en 2002 cet ouvrage qui a légitimement reçu plusieurs prix. A lire et relire (Le Tigre vous l’autorise en ce qui concerne les BD).
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ces « vacances » (il garde des mioches quand même) sont l’occasion pour Paul de relativiser les problèmes. La goutte qui fait déborder son vase (avant qu’il ne parte) est son canari qui décède. Une fois au camp, il rencontrera des enfants qui ont d’autres soucis (pauvreté, parents en prison, etc.), renvoyant Paul à son statut d’enfant presque gâté. Et l’auteur n’est pas des plus pédagogue au début, il stresse (presque pour rien) et avec sa collègue ce n’est pas l’entente cordiale. Puis, peu à peu, ses réflexes d’adolescent égoïste fait place à une remarquable intelligence émotionnelle. Bref, les sourires sont garantis.
La relativisation sera d’autant plus grande qu’une des petites qui participe (ils viennent par cycle de deux semaines) au camp est aveugle. Marie (qui plus tard devient avocate, dixit l’auteur), a néanmoins toute sa place dans aventure puisqu’elle va montrer à Paul que même un pareil handicap n’empêche pas d’avoir un regard (pauvre choix de mots) résolument optimiste sur le monde. Cette gosse + fin émouvante = Tigre qui a failli chialer à la fin de l’ouvrage. Tabernacle.
…à rapprocher de :
– Rabagliati a une jolie collection avec le fort sympathique Paul : Paul à la campagne, Paul en appartement, Paul dans le métro, Paul à la pêche, Paul à Québec, Paul au parc, Paul dans le Nord. Pour l’instant.
– Sur les dessins, je faisais référence à Guy Delisle (de même auteur canadien), notamment Shenzhen (sur le trait gros), également dépourvu de couleurs.
– C’est idiot, mais la petite aveugle m’a fait penser à une des protagonistes dans Oscar et la Dame rose, du vilain Schmitt.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.
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