Sous-titre : petit traité de dégustation. Le vin serait une affaire de pros, et les dégustations l’équivalent d’un jury avant de décerner un Nobel de littérature. Sous l’angle de l’humour, Michel Tomer a tenté de gentiment se moquer de cet univers (qu’il connaît bien) en mettant en scène trois inséparables amis. L’exercice, difficile, me paraît bien réussi, notamment grâce à la qualité du trait.
Il était une fois…
Mimi est grand, Fifi est petit, quant à Glouglou, il est…glouton (entendez, gros). Trois dégustateurs de vinasses (souvent naturelles, parfois d’excellente qualité), trois potes à qui il arrive de se mettre de belles miurges, trois individus dont le lecteur découvrira de courtes tranches de vie wine-related. Bacchus est à l’honneur.
Critique de Mimi, Fifi et Glouglou
Tigre aime les bons livres et les bons vins. Un objet qui regroupe donc deux activités qui me sont chères ne pouvait rester non traité sur QLTL. J’ignore, entre l’illustrateur ou l’amateur de vins, qui a pris le dessus chez Michel Tomer, toutefois les deux facettes du personnage se sont ici parfaitement exprimées.
La dégustation, en premier lieu. Comme si on y était : le vocabulaire reste très riche (histoire de tanins, terroir de schistes, chenin, grenache et adjectifs qualificatifs) et confine parfois au name droping quand il s’agit de châteaux. Clos des Lambrays, Cinsault, Mourvèdre, Clos de la Balle (ça existe ?), Valinière de Baral, ce n’est plus une BD, c’est le guide des meilleurs vins !
L’humour transpire de chaque planche (à chaque fois objet d’une histoire indépendante). Il y a néanmoins un gag récurrent, savoir la petite bouffe entre amis chez Benoît (nom du resto) qui, immanquablement, se poursuit à 16h30 par une énième commande de chiroubles avant d’attaquer la poire de Cazottes. Tout ça le cigare au lèvres. Sinon, on retrouve le plus souvent Mimi & Co face à une table, prêts à déboucher une bouteille ou en attaquer une déjà carafée.
Le reproche qui peut être formulé à l’encontre de cette œuvre dionysaque est une certaine propension à ne traiter QUE du breuvage. Cela a nullement gêné Le Tigre, en revanche lorsque je l’ai fait lire à une amie, bah elle n’a pas trouvé une seule page drôle. Pareillement pour maman-lynx. J’ai beau avoir montré la seule planche où ce sont les femmes de nos héros qui interviennent, apparemment les traits d’humour ne franchisent pas la barrière féminine.
Les illustrations, en second lieu, sont plus qu’adéquates. Celles-ci sont basiques, mais toujours précises et immersives. Le choix de couleurs très primaires sied parfaitement avec le trait simple (mais où le lecteur devinera toutes les mimiques des protagonistes) qui fait la part belle aux textes. Pour conclure, bel objet à offrir (ou s’offrir) à un ami rompu à l’art viticole.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Dégustateur, c’est un métier avec ses contraintes (quelques petites piques sur l’alcoolisme mondain) et ses menus plaisirs, comme ouvrir d’excellentes bouteilles (voire des magnums) et se faire mousser auprès des copains. C’est une activité avec un joli tas de spécificités, plus particulièrement concernant l’image qu’on se doit de donner. L’apparence, même lorsqu’on déclame sa critique, y est prégnante, même (et surtout entre amis) : on regarde avec bienveillance ses collègues certes, mais la compétition larvée est bien présente.
L’onirisme est enfin au rendez-vous. Je ne parlerai pas des deux-trois rêves de Fimi ou Mimi (assez drôles il est vrai) par rapport au vin. Mais plutôt de la poésie des termes choisis lors d’une dégustation. Entre la précision des termes et le verbiage, la frontière semble mince. Notamment la page 54, où un intervenant extérieur qualifie un vin comme en se la racontant sévère, invoquant tour à tour le cosmos ou la physique quantique. Ses ultimes mots sont d’un poète persan du 12ème siècle :
L’ultime effusion du vin…Mes yeux brillent à voir tes pieds pleins de poussière Dont chaque grain est mon soleil et ma chanson. Omar Khâyyam, 12ème siècle.
…à rapprocher de :
Les BD sur la vinasse sont peu nombreuses, je peux vous diriger, en vrac, sur : Les gouttes de Dieu (manga pas mal selon ma tigresse) ; un Canardo (Le buveur en col blanc) ; [aucune autre idée pour l’instant].
– A propos du poète/penseur/amateur de vins Omar Khâyyam, il faut signaler l’excellente bio romancée de ce personnage d’exception par Amin Maalouf, Samarcande.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce bel objet graphique via Amazon ici.
Merci pour la suggestion de kdo pour le bô-père, c’est parfait!
En revanche, ce cher Omar Khayyam n’était pas arabe mais persan.. ce qui dans nos contrées ignares n’a pas d’importance mais fait autant la différence qu’entre un scandinave et un latino
Put** la gaffe, d’autant plus impardonnable que j’ai mis le lien vers l’essai de Maalouf ! Merci EowYns, je ne peux expliquer mon erreur, surtout que les Iraniens (et Arabes) n’aiment guère ce genre de raccourcis.
QLTL n’est pas une contrée ignare, seulement tenue par un ignare. Ses visiteurs veillent au grain.
Néanmoins, amha il y a un monde entre un Arabe et un Perse, plus qu’entre un latino et scandinave. Cela se discute certes, ça dépend de quoi on parle (culture, langue, religion, etc.).
Terrain glissant, et comme je n’ai pas ma luge je vais rester au bar littéraire.
En BD sur le pinard il y a aussi les ignorants de Davodeau. Il s’agit du récit d’une année que l’auteur a passée avec un viticulteur du Val de Loire à lui faire découvrir le monde de la BD en échange de la découverte de la viticulture et vinification.
Je crois l’avoir vu passer sur la Rue. Merci Ben, je bois un ballon à ta santé pour le coup ! Non, deux !