Suivi de Déluge. VO : Tuomingde hongluobo et Qiushui. Deux nouvelles (dont une très courte) du nobellisé Mo Yan, auteur chinois au style limpide et poétique. Si le dépaysement est plaisant, fugace impression de tourner en rond qui a éveillé chez Le Tigre un certain ennui. Mais pas au point de proscrire cet auteur.
Il était une fois…
Le radis de cristal. Noiraud est un enfant vivant chez son acariâtre belle-mère. Muet et fort réceptif aux stimuli extérieurs qui l’entourent, le jeune garçon va être embrigadé dans le chantier du barrage voisin. Quasiment seul au milieu d’adultes aux comportements souvent rustres, Noiraud va être le spectateur attentif du quotidien de ses congénères.
Déluge. Le narrateur relate l’histoire de son grand-père, pionnier avec sa femme dans la région de Gaomi. Installation, vie frugale et extrêmement modeste, maternité de la femme, mais surtout rencontres improbables seront au rendez-vous.
Critique de Déluge et du radis de cristal
Puisque Mo Yan a reçu une éminente distinction (un certain prix en Norvège), il fallait absolument comprendre pourquoi. Le Tigre est méfiant, c’est la raison pour laquelle j’ai préféré commencer avec un titre assez court, et attaquer les gros morcifs plus tard.
Avec les deux nouvelles (dont une très courte, sur près de 170 pages) contenues dans ce roman, il y a de quoi se faire une première opinion pertinente du bonhomme. Je passe rapidement sur la seconde nouvelle (Déluge), moins bonne et que j’ai lue en diagonale. Quelques beaux passages (notamment la description d’un cadavre dans la flotte), toutefois dès la seconde moitié de ce texte ça devenait passablement confus, ce qui est fort dommage.
Si le titre de l’œuvre est celui de la nouvelle mise en avant, d’ailleurs la seule dont le quatrième de couverture daigne parler, c’est que cette dernière représente, j’imagine, ce que l’écrivain a de si particulier. Et il faut avouer que je me suis plutôt régalé sur les premiers chapitres : le ressenti du héros est propice à l’empathie ; la description des faits et gestes des protagonistes (particulièrement le jeune forgeron et le chef du chantier) est relativement bien traitée ; le tout avec une écriture claire comme de l’eau de roche.
Hélas les facéties des autres personnages deviennent un peu lassantes. Au bout de 100 pages (sur 140 environ) ça gave un peu, et même toute la poésie apportée par Mo Yan ne parvient pas à redresser le tir. C’est d’autant plus fâcheux que le lecteur ne sera pas dans les meilleures dispositions pour enchaîner sur la seconde nouvelle. Donc laissez du temps s’écouler entre les deux lectures.
Au final, un moment correct de poésie à certes ne pas rater, mais je suppute qu’il y a d’autres titres de l’écrivain, bien meilleurs, qui attendent d’être débusqués par Le Tigre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Je vais faire simple (veuillez le pardonner) en prenant deux thèmes centraux que sont la nature, puis l’Homme.
La nature, c’est le petit Noiraud qui la vit à chaque instant. Cependant, ne vous fiez pas au quatrième de couv’ : pas « d’intensité poétique poignante », juste un très bon rendu littéraire qui plante bien le décor. Non non, c’est autre chose qui m’a plus ici. Plutôt la savante alternance entre passages d’une beauté salvatrice et péripéties (dialogues également) bien plus terre à terre.
Car l’être humain, au travers la collectivité, est un matériau brut indissociable du Radis de cristal. Ce fameux radis d’ailleurs dont je n’ai pas bien saisi la création (rapport avec le forgeron et le légume que se partagent quelques individus). L’air de rien, Mo Yan nous présente la Chine communiste (années 60 ?) des grands projets. Barrages, hauts fourneaux, industries,…que d’énormes objectifs qui ont tous consciencieusement foiré. Et vu ce que décrit l’auteur concernant le modeste barrage à agrandir, avec les tâches répétitives, dangereuses et passablement inutiles (casser des cailloux, on n’a pas fait mieux depuis les pénitenciers), le lecteur n’est pas trop étonné des résultats du « Grand bond en avant ». Presque de la satire politique…
…à rapprocher de :
– De Mo Yan, Le Tigre songe à en lire d’autres, qui seront résumés en temps et en heure.
– Du côté de la Chine, je vous invite largement à lire l’exceptionnel Brothers, de Yu Hua.
– Sur les descriptions poétiques de la nature, et la violence de l’espèce humaine cette fois en version française, il y a le très particulier Et je me suis caché, de Lachassagne.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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