Sous-titre : au jour le jour. VO : idem. Mignonne et profonde claque narrative (le dessin ne gâchant rien), Moon et Ba ont produit quelque chose d’intimiste et presque philosophique. Une dizaine d’histoires d’un même personnage au cours de son existence, autant de réflexions sur la mort, mais surtout la vie. A lire de 11 à 76 ans (vous saurez pourquoi dans la BD.
Il était une fois..
Bras de Oliva Domingos est le fils d’un écrivain à succès. Travaillant dans un journal et employé à uniquement rédiger les rubriques nécrologiques de ses contemporains, le jeune homme caresse l’espoir de publier son premier roman. Et sur dix histoires nous verrons ce héros mourir (ou un de ses proches) à différents stades de sa vie. A chaque fois se pose l’épineuse question de la vie, et à partir de quel moment on commence à l’apprécier pleinement.
Critique de Daytripper
Avant de passer à la critique, je vous prie de bien vouloir m’excuser pour ne pas être parvenu à reproduire les accents des auteurs ou du héros. Y’en a sur des lettres que mon clavier AZERTY ne parvient pas à maîtriser, et je suis trop flemmard pour faire un effort supplémentaire.
Fabio Moon et Gabriel Ba sont deux jumeaux qui ont un style assez semblables (impossible pour le très dilettante Tigre de faire la différence) et ont concocté plusieurs scénarios absolument renversants. Nous suivons principalement Bras, et ce à différents stades de sa vie. La vingtaine, en plein voyage ; à dix ans, pendant un séjour à la campagne ; à 76 ans, sur le point de voir son petit fils ; la quarantaine, lorsque son père décède, etc.
Les chapitres sont finement construits, si l’âge du héros ne suit pas un ordre chronologique cela ne pose aucun problème. Au contraire, c’est l’occasion de visiter de nouvelles version du personnage et avoir quelques références à d’autre parties de ce roman graphique. Le lecteur remarquera une nette accélération de l’intrigue (en est-ce vraiment une ?) sur les deux dernières parties, en fait tout prend un sens résolument humaniste et onirique. Quant au dessin, si cela semble peu travaillé et simple sur l’aspect des protagonistes, les couleurs vivaces et le rendu général de l’environnement apporte une immersion plus que satisfaisante.
Pour conclure, ce fut un titre dont je reportais la lecture depuis de longues semaines. En le feuilletant celui-ci ne me vendait peu de rêve, cependant en s’y mettant ça prend vite au corps. Comme un café serré, sans sucre, du genre que prennent les jumeaux auteurs / illustrateurs.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La mort. Bras exerce le métier de nécrologue, ce qui est parfois délicat à concilier avec son envie de devenir un écrivain. Quoique… Par exemple, Jack Lang était réputé pour avoir un brouillon de ses bons mots prêt à être balancé à l’AFP lorsqu’une personnalité décédait. Dans Daytripper, une bonne dose de rubriques nécro sera délivrée, et ce en fonction des circonstances de la mort de cet homme et de la vie qu’il a mené. Immanquablement, à la fin du chapitre, une telle rubrique sera publiée et montrera au lecteur toute la difficulté de pondre quelque chose d’à la fois sobre, rendant hommage au défunt et sans pathos excessif. Presque du grand art.
Si chaque histoire se termine par le décès de Bras, Le Tigre a ressenti ce bouquin comme une pétillante allégorie à la vie. Même lorsque le fantastique ou l’improbable s’invite, ça reste compréhensible et source d’enseignements. Et derrière cette ode à la maxime « carpe diem », l’immortalité pointe le bout de son museau. Selon moi, l’immortalité se décline de deux manières : d’une part, imprimer une marque grâce à la littérature en se faisant reconnaître comme écrivain (journaliste même). D’autre part (le plus important), avoir un enfant et agir comme son propre paternel, sinon en mieux : la survie du père s’efface face à celle de l’enfant, et on peut considérer son œuvre comme accomplie lorsque ce dernier procréera à son tour.
En sus, s’il ne fallait retenir une seule chose du message des auteurs, c’est qu’un homme ne devient vraiment heureux que lorsqu’il s’est fait à l’idée qu’un jour il mourra. C’est inévitable, et en attendant il pourra faire en sorte de laisser une trace, aussi modeste soi-elle, sur notre planète.
…à rapprocher de :
– Bá, je l’ai également rencontré dans Umbrella Academy. Pas terrible. Tout comme L’Aliéniste. C’est vraiment dommage, je sais que cet auteur a du talent.
– Sur le sens de la vie et de la mort, à part le philosophe Jankelevitch, Tigre peut modestement vous proposer la lecture de Oscar et la Dame rose, de Schmitt. Hors sujet ? Sans doute…
– Sinon, j’ai plus que souvent pensé au titre d’un « film générationnel » assez sympathique : Le premier jour du reste de ta vie. C’est l’idée générale.
Enfin, si votre librairie de quartier est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Moon & Bá – L’Aliéniste | Quand Le Tigre Lit
Par rapport à la fin de ton commentaire, il y a une citation de Confucius qui colle parfaitement : « On a deux vies, et la deuxième commence le jour où l’on se rend compte qu’on n’en a qu’une »
Très joli, la connaissait point. A méditer en effet.
Ping : Way & Bá – The Umbrella Academy | Quand Le Tigre Lit