VO : idem. Lorsqu’une enquête en apparence banale se mue en la connaissance (biblique, oserais-je dire) d’un monstre violeur invoqué par une bande de doux dingues qui, pourtant, n’ont pas l’air si méchants, il y a forcément du Lovecraft caché. Narration en dent de scie et dessins plaisants, cette BD reste toutefois réservée aux adultes. A bon entendeur…
Il était une fois…
Aldo Sax, agent du FBI, a perdu la boule et végète dans un asile, ne parlant qu’une langue inconnue de tous. Car Sax enquêtait sur une curieuse drogue, l’Aklo, et traînait dans une boîte pas nette en plein New-York jusqu’à ce qu’il tombe sur l’objet de ses recherches. Quelque temps plus tard, le ténébreux Lamper et la belle Brears (flics fédéraux aussi) rendent visite à notre ami. Ils vont être entraînés dans un univers glauque et sombre, qui commence par un cercles de doux dingues qui font des choses qui dépassent l’entendement.
Critique de Neonomicon
Neonomicon. Necronomicon. Ouais, y’a les œuvres du père Lovecraft qui se baladent dans la place et qui font l’objet de comics plus ou moins respectueux de l’esprit de l’écrivain. Pour le peu que je connais de l’écrivain anglais, je dirais que Moore ne s’est point trop écarté de l’esprit de l’univers fantasmagorique et inquiétant de Lovecraft tout en apportant une touche de modernité (sur laquelle je ne formulerai aucune critique) à son travail.
Commençons par ce qui m’a fait penser à du Lovecraft pur jus. L’introduction, mystérieuse à souhait, annonce la couleur : quelque chose d’aussi fantastique que dangereux existe en ce bas monde (y’a qu’à lire l’imbitable langue parlée par certains). Or, des hommes « normaux » (qui de quelques adeptes, qui des forces de police en mission d’infiltration) se retrouvent impliqués dans quelque chose qui les surpasse, une horreur cosmique dont même les dernières pages ne rendent qu’à moitié compte. Heureusement, l’auteur de la BD a cru bon verser dans une narration linéaire et limpide (peu de protagonistes), ce qui rend l’oeuvre somme toute « classique » – le lecteur lambda ne sera pas trop troublé par ce qu’il lit.
En revanche, Moore s’éloigne de l’auteur américain en laissant à Burrows (l’illustrateur) le soin d’apporter un traitement visuel plutôt radical. Lorsque Lovecraft suggérait et se complaisait dans de savantes descriptions sentant la naphtaline de bibliothèque, Neonomicon se veut plus violent avec des viols à répétition (l’héroïne en prend pour son matricule), des monstres et des meurtres effectués de sang froid. En rajoutant des planches (qui vaillent largement le coup d’œil) fantasmagoriques qui ne sont pas sans rappeler de fabuleux trips sous LSD, Le Tigre a apprécié à sa juste valeur la volonté de donner un peu plus « vie » aux horribles mythes de H.P. Lov’.
Pour finir, s’il fallait formuler un ultime reproche à ce tome, ce doit bien être le mélange entre des chapitres passablement chiants (putain, ça traîne) et d’autres moments de sympathique terreur qui semblent toujours trop courts. Cependant, le fan lovecraftien et le néophyte à peine tombé de son nid trouveront de quoi être satisfaits.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
J’ai été surpris par le début qui fait honneur au pouvoir des mots. En cherchant une puissante drogue, l’Aklo, Aldo le flic ne pensait pas que ça consisterait [Attention SPOIL] en de la drogue « basique », la cerise sur le gâteau étant une suite de mots susurrés à l’oreille du consommateur. Lequel part dans un délire de grande ampleur, son cerveau étant profondément remodelé – jusqu’à parler une autre langue [Fin SPOIL]. Le Verbe créateur de monde, le Verbe en tant que force de destruction massive, pourquoi pas. Le revers de la médaille est que l’œuvre bascule, vers les dernières pages, dans un galimatias ésotérique qui reste décevant.
Ce que le félin a particulièrement aimé est la façon dont la terreur s’invite presque naturellement. Les deux policiers, en investissant un groupe qui se réclame du Dagon, ne pouvaient imaginer (pas plus que le lecteur) ce qu’il allait advenir d’eux. Même les troupes d’élite ont des sueurs froides en découvrant un être mi-homme mi-poisson (celui-ci n’étant pas si vilain au final). Point de Cthulhu qui débarque avec ses gros sabots, mais plutôt une subtile attaque (hors du temps) de la part d’une autre divinité, à savoir Nyarlathotep (suis pas très spécialiste concernant cette dernière poule).
…à rapprocher de :
– Pour ce qui est de la BD lovecraftienne, je vous renvoie vers At the moutains of madness, illustrées par Culbard. Illustrations oldschool mais scénario correctement prenant.
– Tigre connaît Alan Moore grâce à Son The Killing Joke, flippant à souhait.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.
Mais enfin Tigre, Lovecraft vient de Providence, c’est à dire de la Nouvelle-Angleterre, mais non point de la perfide Albion !
J’avais pourtant mis « américain » ensuite ! Merci de ton intervention, c’est corrigé.
Ping : Lovecraft & Culbard – At the mountains of madness | Quand Le Tigre Lit