VO : Русский мир. Sous-titre : Russie-Occident – le malentendu. Auteur représentant un courant de pensée que l’on connaît plutôt mal, voici un regard particulier sur les relations entre la Russie et l’Occident à l’aune de l’histoire vue par une certaine catégorie de Russes. Assez court mais dense, et fort intéressant.
De quoi parle Que reste-t-il de notre victoire ?, et comment ?
Petit mot sur Natalia N. (désolé mais son nom de famille est fort complexe à écrire) : historienne, philosophe, une vraie spécialiste de la géopolitique en sus. Députée du parlement russe (la Douma), elle a également pendant quelques années (avant l’éclatement de l’URSS) travaillé au secrétariat de l’ONU à New York. Grande représentante du patriotisme russe qui s’assume, ses ouvrages semblent inévitables pour tout politologue russe qui se respecte.
Dans cet essai, l’auteur livre sa vision de l’histoire de l’URSS, qui serait considérée à tort comme une erreur politique. La Russie des années 90 (sous Eltsine), s’accrochant désespérément au train libéral, semble surtout avoir humilié les Russes qui se sont vus déposséder de leur fameuse victoire en plus d’une partie de leur destin.
Ce regard russe sur les rapports Russie-Occident est plutôt bien livré, même si Le Tigre peut reprocher à Natalia de surtout parler des États-Unis. L’Union Européenne ne semble pas un acteur à prendre en compte pour l’instant. Hostile à la mondialisation et à la perte de souverainetés, l’auteur préfère avoir à traiter avec les nations que les ensembles régionaux (même si ces derniers semblent être plus pertinents). Car les griefs des politiques « patriotiques » se tournent vers les conservateurs américains, qui derrière pas mal d’associations ou fondations reproduisent les actes de leurs prédécesseurs (cf. infra).
Quoiqu’il en soit, cet ouvrage assez complexe peut énormément aider à comprendre un peu mieux « l’âme russe », leurs motivations, et pourquoi la Russie n’est pas prête à se laisser marcher sur les pieds. A lire en gardant à l’esprit quelle « faction politique » représente l’auteur.
Ce que Le Tigre a retenu
Le titre, déjà. A noter que cet essai est sorti en Russie sous le titre « Le Monde Russe ». Bref, « Notre victoire », c’est la Grande Guerre patriotique menée par l’URSS contre le Reich nazi. Effort de guerre impressionnant, le pays est, devant l’Allemagne, celui qui a le plus souffert (notamment en pertes humaines). Or l’Occident a fait de la WWII une histoire de lutte du monde libre (entendez, les démocraties) contre le fascisme. La victoire soviétique, indéniable, aurait été alors « minimisée » en vue de la propagande occidentale pendant la guerre froide.
Plus généralement, ces démocraties auraient tout fait, et ce depuis le 19ème siècle, pour réduire l’influence russe. Pour cela, l’isolation a été le maître mot : aider la nouvelle Allemagne à contrer l’expansionnisme russe ; créer des États fantoches pour contenir cette progression ; bref foutre la pagaille dans ce que l’auteur considère comme la chasse gardée du Kremlin (Balkans, Asie centrale dont Afghanistan,…). Si on rajoute les soutiens à peine cachés de grands think tanks anglo-saxons aux multiples révolutions de velours qui essaiment autour du pays, on peut comprendre l’exaspération de l’auteur.
Plus qu’une exaspération, il ressort de cet essai une certaine colère en général. Chaque partie (les Russes aussi) semble butée et ne pas vraiment se comprendre. Malgré ces moins de 140 millions d’habitants au compteur, la Russie chère à Narotchnitskaïa (ça y est j’y suis parvenu) se devrait être un égal reconnu au même titre que les EUA. Pour cela, il nous faudrait reconsidérer l’histoire de la Russie et de l’URSS.
Selon Le Tigre, cette personne représente le « pouvoir de nuisance » russe dont l’amour propre a été largement entaché : décidée à être considérée comme une grande puissance, sans qu’on lui parle de droits de l’Homme ou autres, la Russie paraît être alors une épine dans les pieds de l’Europe qui ne la comprendrait guère. Épines dans les pieds, Le Tigre reste poli.
…à rapprocher de :
– Le lecteur qui a la flemme de lire cet essai polémique et souhaite taper dans du roman pourra se régaler de Limonov, d’Emmanuel Carrère. Voire Une exécution ordinaire, by Marc Dugain (plus court et aisé à lire).
– A la question de Nat, Le Tigre a envie de répondre (méchamment certes) : les goulags. Merci à Soljenitsyne.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver en lien ici.
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