VO : Trinities. Ouvrage exigent et à qui il ne semble rien manquer, voilà de quoi s’instruire tout en s’amusant. Le monde underground américain comme on le découvre rarement, il y a de l’action et de la grosse description. Hélas Le Tigre n’a pu terminer ce long polar malgré ses fourmillantes qualités.
Il était une fois…De la fin des années 80 au début des nineties, le crime organisé aux États-Unis connaît quelques bouleversements. D’un côté, la mafia sicilienne implantée depuis de nombreuses années au pays de l’Oncle Sam, avec sa nouvelle génération de jeunes tout fougueux. De l’autre, les triades asiatiques maîtresses du trafic d’héroïne dans ce bas monde, et désireuses d’exercer plus d’influences de l’autre côté du Pacifique. Mais entre les deux organisations, l’heure n’est pas aux accolades. Si en plus les luttes entre familles d’un même camp font rage…
Critique de Trinités
Trinités, j’ai cru saisir une délicate référence aux Triades, qui sont un peu à la Chine ce que la mafia est à la Sicile. Nick n’est pas un écrivain comme les autres, toutefois sur ce titre qui dépasse les 600 pages je me suis lâchement arrêté vers la moitié. Pensant avoir fait le tour de la question à ce moment, le reste me semblait moins intéressant (je supputais en outre une fin décevante, peut-être je me trompe).
Très long comme titre, mais pour 300 pages je caresse l’espoir d’être capable de pondre une critique pas trop scandaleuse (qui aide ou fait rire, j’entends). Sur le scénario, l’intrigue générale est l’envie de la mafia italo-américaine d’élargir son champ d’action et se mettre franchement à vendre de l’héro. Pour cela, des accords avec des fournisseurs asiatiques semblent nécessaires, la confiance n’étant pas de mise. En outre, les crises internes de nos bouffeurs de pizza complexifient passablement le tableau général.
Sur le style, ne vous attendez à ni un rythme sec ni à de l’humour (voire cynisme) à tous les coins. Parce que Tosches est avant tout un érudit qui s’est documenté comme un boutonneux thésard. En sus, les dialogues, immersifs, renforcent les descriptions de l’environnement de nos anti héros. Si l’impression générale du roman est celle d’un quasi essai, le nombre de protagonistes et leurs discussions (stratégie générale, tactique, diplomatie à l’occasion) peuvent en rebuter plus d’un.
Pour conclure, un livre que je gagnerai sûrement à relire en son entier. Un jour peut-être. Demain n’est pas un jour pour l’instant.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les guerres entre les grands groupes criminels. Si la mafia s’acoquine ainsi avec les Asiatiques, c’est que la « French connection » a piteusement coulé. L’approvisionnement entre Palerme et New-York étant plus que délicat, faire appel aux Triades relève plus de principes économiques rationnels que de liens d’affinités. Or l’émotionnel prend souvent le dessus, l’ignorance (et une pointe de racisme) aidant. La guerre vue des deux côtés est saisissante (pour le peu que j’ai lu), bien que le lecteur ne pataugera pas tout de suite dans le jus d’humains
Les « anciens » et les « nouveaux ». Au début du pavé nous découvrons toute une foultitude d’individus d’âges différents. Si les plus vieux ont une attache particulière à la Sicile, les bambinos semblent pleinement intégrés dans le moule américain. Pour ces derniers, les questions d’honneur ou d’utilisation de la violence m’ont paru se poser différemment, jusqu’à provoquer des actes que les autorités qualifient volontiers de « terroristes ». Même si ces différences ne sont pas vraiment à l’origine des conflits internes, le paradigme considéré pour assoir son pouvoir est nettement plus violent qu’auparavant.
…à rapprocher de :
– Si Nick Tosches a tant marqué Le Tigre, c’est qu’il fait une courte apparition dans une « docu-BD » de très bonne facture contant l’histoire du pool antimafia de Palerme. Superbe, par Giffone, Longo et Parodi. Trois hommes courageux.
– Sur les mafias qui font des leurs, il y a quelques Lansdale comme Vanilla Ride ou L’hiver de Frankie Machine de Winslow. Surtout ce dernier.
– Le thème de l’alliance entre ces groupes criminels se retrouve rapidement dans Permis de tuer, énième James Bond avec le très bon (et trop rare) Timothy Dalton. Et un méchant qui fait peur, en plus du jeune (à l’époque) Benicio del Toro.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
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