Attention petit bijou littéraire ! Nicolas Jaillet a du talent, et le lecteur sortira sonné après à peine 300 pages de violence inouïe dans un environnement quasiment onirique. L’excès sous toutes ses formes, avec la vie d’un être qui d’enfant martyrisé acquiert le statut d’un beau salopard, et tout cela sous une écriture svelte plutôt surprenante.
Il était une fois
Pablo Zorfi est le maître de Sansalina, dans le Mexique des années 20. Sa vie n’a beau être que violence et règlements de comptes, toutefois les idéaux qui animaient le jeune Zorfi avaient une certaine noblesse au début. Vendu par son père, maltraité dans une ferme, puis vivant chichement dans un bordel, Pablo a de quoi avoir la rage au ventre. Aussi lorsqu’il estime que la seul chose qui peut le redresser est la jolie Dolores, amie d’enfance qui a fondé, loin de Sansalina, une bibliothèque. Or, ladite bibliothèque vient d’être sauvagement brûlée, et Dolores n’a guère le choix que de retourner dans la fournaise…
Critique de Sansalina
Une vraie perle douce-amère qui m’a laissé sur mon séant tellement je ne m’attendais pas à une telle histoire de la part d’un écrivain français. Et c’était relativement mal parti, en effet les premiers chapitres m’ont paru délicats à lire dans la mesure où rendre compte du Mexique des années 20 n’est pas la meilleure approche pour happer le lecteur.
Et en fait si, Le Tigre n’a pu refermer ce roman qu’une fois terminé. Le scénario est double, et Jaillet a effectué un correct parallèle entre la jeunesse de Pablo et le temps présent. Pendant que Dolores est contrainte de retourner à Sansalina, lieu de son enfance qui ne lui a pas laissé un souvenir particulièrement heureux, on revit l’évolution de Pab’ Zorfi. De pauvre hère confronté à la violence du monde, s’esquisse progressivement le portrait d’un fou furieux qui va tenir d’une main de fer (dans un gant du même matériau) la ville.
Sur le style, c’est du brut de chez brut : écriture sèche et non dénuée de poésie, quelques passages sont très violents et pourront en choquer plus d’un. Car le Pablo a une marre de sang entre les mains, notamment celui de son propre père. Dans l’ensemble, l’univers imaginé par l’écrivain prend très vite forme dans l’esprit ; être ainsi immergé dans ce monde où se mélangent l’amour (sexe même), la revanche (vengeance surtout), le sang et l’amitié a été un pur plaisir.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La vengeance. Le jeune Zorfi est une mauvaise graine, dès l’école on sent qu’il va faire de belles étincelles. Et c’est rapidement qu’il est vendu par son père à un ignoble esclavagiste au coup de fouet passablement leste. Il le tuera. Puis retournera dans sa ville natale s’occuper de son père. Une réelle petite boule de haine accueillie par Raquel (ou Rachel), prostituée qui l’aide à devenir le boss de l’hôtel où elle officie. Plus que de l’ambition, on pressent que le héros (anti héros en fait) a une revanche à prendre avec la vie. Après des années de dénuement, place à l’entassement de richesses et aux parades dignes d’un paon.
La montée en puissance de Zorfi a été rendue possible grâce à quelques amis (les frères Mendes) avec qui ils ont vu des vertes et des pas mûres. Sauf que plus le gang prend des galons, plus leur amitié semble partir en quenouille. Les protagonistes principaux ont un grain il est vrai, et à l’instar d’un Tony Montana ils deviennent de plus en plus paranoïaques. L’amitié peut-elle alors survivre à la folie d’une personne ? Je ne spoilerai pas sur ce coup-là, mais le tableau que nous présente Nicolas J. est pessimiste, avec une tension virant à l’insupportable entre le Pablo et ses « amis » qui complotent joyeusement.
…à rapprocher de :
– De la part de Jaillet, Le Tigre a reçu La maison. C’est toutefois trop court mais le tout reste d’excellente facture.
– Un monde impitoyable, en Amérique du Sud partiellement, avec un enfant traumatisé qui se venge à un degré too much, c’est la bande dessinée Baron samedi de Dog Baker.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
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