Comme l’image le suggère, le héros fait plus souvent jouer les cordes vocales de ses clientes qu’il accorde leur instrument. Avec un dessin toujours aussi coloré et jouissif, Noé offre un tome qui termine la saga en beauté : tout en gardant ce qui a fait le succès des premières aventures, avec une évolution savoureuse du héros. Y’a rien à jeter.
Il était une fois…
Mariano accorde les pianos. Dans les bars, les demeures de bourges, les studios d’enregistrement, les magasins d’instruments de musique, partout. Hélas, y’a toujours une (au moins) bonasse qui traîne dans le coin et l’empêche de faire son boulot. Mariano est bien obligé de les satisfaire, toutefois il aimerait bien montrer ses talents de musicien. En outre, trouvera-t-il enfin l’amour ?
Critique du premier tome de L’accordeur
Le Tigre, après avoir dégusté un premier tome prometteur, craignait que l’auteur tombe dans le vice de la répétition, du running gag ad nauseam avec un protagoniste qui trempe inlassablement sa nouille avant de filer pour une raison quelconque – laissant le piano bien évidemment désaccordé. Il n’en est rien. Ignacio Noé a certes repris le format de l’histoire courte (environ six à huit planches), mais les scénarios sont tellement variés que le lecteur ne s’ennuiera pas une seconde.
L’humour, plus que l’érotisme, transpire de cet ouvrage avec des références plus poussées sur les liens entre la musique et le plaisir. La folie est également présente, que ce soit un instrument à traiter dans un hôpital psy ou ce qu’est capable de faire un couple improbable pour vivre caché (donc heureux). Mariano, de son côté, s’adapte à une vitesse impressionnante dans tout type de configuration – de la loge avec une avide danseuse à un concert classique, en passant par un conservatoire de chaudasses. Souvent, il partira de ces endroits en courant, à moitié à poil, suite à une situation qui prend une tournure plus que bizarre.
Concernant les illustrations, il faut encore applaudir Noé qui maîtrise son sujet à merveille. Je ne parle pas des couleurs ou des décors soigneusement travaillés participant à une chouette immersion. Non, le félin pense aux corps des héroïnes qui gueulent de plaisir (et autres bruitages en prime), des physiques généreux, tout en rondeurs avec des restes de lingerie qui s’affichent dans des tableaux d’ensemble presque porno-chic…presque, parce que la grosse queue de Mariano n’est point cachée (ni affublée d’une quelconque capote), pas plus que le minois de ces dames qui réclament toutes le final en éjac faciale.
Voilà donc un artiste qui a su arrêter une série avec laquelle une dizaine de tomes auraient pu être publiés. L’accordeur s’extirpe de sa condition et termine sur une note résolument optimiste : Mariano exerce ce métier comme son père, toutefois son don pour la musique dépasse ce cadre. Aussi, après une énième baisouille en devant se faire passer pour une rock star, il parvient à remettre une maquette de sa musique. Sa mission est accomplie, et comme il le dit : « aujourd’hui, j’ai accordé un piano. Et jeudi, j’ai rendez-vous avec un producteur. Je suis content. ». Et nous aussi.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le lecteur exigeant pourra trouver le héros très volage, incapable de ne pas retenir ses élans sexuels face à des propositions alléchantes il est vrai. Sauf que Mariano est, comme beaucoup, à la recherche de l’amour pur. Et niquer à la première rencontre n’est pas de nature à empêcher une future idylle. Ce qui cloche, c’est ce qu’il advient après. Soit il déconne allègrement (par exemple en s’asseyant sur le chien de la patronne), soit sa compagne en devenir n’est pas faite pour lui : nana collectionnant les pissotières, ou qui se remet avec une ex-amante, voire est déjà en couple. En fait, derrière son statut d’étalon, c’est un loser sentimental en puissance.
Enfin, il serait criminel de ne pas souligner les liens entre la musique et Eros. Liens charnels, d’une part, grâce aux douces vibrations qui en font mouiller plus d’une – Mariano grimé en chanteur à succès en est le principal bénéficiaire. Il y en a qui vont jusqu’à accrocher un godemichet à leur instrument pour ressentir plus profondément l’harmonie des notes, c’est dire. D’autre part, les mélodies servent également à exprimer des sentiments : lorsque le héros en est réduit à jouer des partitions que lui remettent deux femmes, il ne se doute guère qu’un savant dialogue se met en place et qu’il joue le rôle de porte parole. La musique n’adoucit guère les mœurs ici, mais a tendance à sublimer et exacerber les caractères des protagonistes.
…à rapprocher de :
– Le premier tome met le la, et reste également plaisant (en lien). Sinon, le meilleur de cet auteur me semble bien être Exposition.
– Dans l’esprit sexe jubilatoire assez marrant, je ne peux m’empêcher de penser à Chambre 121, de Boccère – même topo, sauf que le héros est également payé pour ça.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.
Il va falloir faire une version « safe for work » de QLTL. Avec les images de couvertures que tu publies, ca devient risquer de consulter ce blog tranquilou entre deux pauses cafe.
Je n’y avais pas pensé. Pourrais mettre le dos de la couverture mais ça n’incitera guère les lecteurs à poursuivre…
Mais est-ce que le piano est bien accordé, au moins ?
Ce sujet a été expédié en deux cases. Visuellement, le son qui en sort est de la même couleur que le « sploch » illustrant un satisfaisant bukkake. Je dirais donc que c’est bon. J’en profite pour te remercier de poser les bonnes questions, le métier théorique du héros est un aspect gravement négligé dans mes billets.
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