Sous-titre : la saga des ombres, tome 1. VO : Ender’s Shadow. Dans un futur proche, des instructeurs particulièrement retors forment des enfants à la guerre. Mais laquelle ? Première étape d’une épopée à forts relents bibliques (un peu too much parfois), un presque classique de la science-fiction qui allie profondes réflexions et stratégie militaire.
Il était une fois…
Elevé à la dure dans les rues malfamées de Rotterdam, Bean a pu s’en tirer grâce à un cerveau hors du commun. A deux ans, ça parle et même plutôt bien ! Son talent ne passe pas inaperçu et, grâce à la sœur Carlotta, le voilà rapidement catapulté à l’École de Guerre. La même école qui prépare Ender Wiggin, espoir de l’Humanité, à gagner la prochaine guerre contre les Doryphores qui ont auparavant tenté d’envahir la Terre. Toutefois, le passé de Bean est plus dangereux que les E.T.
Critique de La Stratégie de l’ombre
Le Tigre a rapidement attaqué cette saga consécutivement à la lecture du premier tome de la saga Ender (dont les suites sont décevantes), et vous enjoint de faire de même : le présent roman propose en effet la même histoire vue d’un autre protagoniste qui emprunte beaucoup au héros de l’histoire originelle – notamment l’intelligence, la faculté de faire péter les conventions ou l’inquiétant ennemi intime, en l’espèce Achille pour Bean. Aussi, ne poursuivez pas la lecture de ce billet si vous souhaitez éviter de savoir le fin mot de l’histoire de La Stratégie Ender.
Comme à son habitude, l’auteur sort la tireuse à larmes en présentant un très jeune héros chétif évoluant dans une cité crade et dangereuse. Disposant de son sens inné de la réflexion pour survivre, Bean (aussi petit qu’un haricot) affrontera de nombreux dangers, sans les éliminer pour autant, jusqu’à entrer dans le saint des saints : la base spatiale où est formée l’élite militaire de demain. Là bas, entre l’intrusion dans le système informatique des profs ou les simulations de bataille, il fera vite des étincelles, jusqu’à être comparé à Ender. Ça tombe bien, car le protagoniste est censé être le plan B au cas où la fameuse stratégie Ender se ramasse la gueule – sans qu’Ender ne soit mis au courant.
Orson Scott Card joue dans ce roman sur plusieurs tableaux. Chaque début de chapitre se présente comme un dialogue très franc entre représentants de l’école (le colonel Graff, Dimak) qui se rendent compte que leur nouveau protégé a quelques gènes modifiés, ce qui explique sa confondante maturité. Ajoutez à cela une faculté d’analyse et de réflexion hallucinante du côté du petit héros, que ce soient sur la survie en milieu hostile, créer des alliances avec des gosses, la gestion des interactions humaines (ça confine à l’éthologie) ou l’art de mener une guerre spatiale,…bref ça titille la branche « Asperger » (ce terme n’est pas utilisé au hasard) de tout lecteur. Sans compter l’intensité qui va crescendo, avec la guerre approchant tandis qu’Achille, la Némésis de Bean, est admis à la même école.
Ce style plus dense et poussé que le premier tome relatif à les pérégrinations de Wiggin sert la même histoire, à savoir l’ascension d’un bon soldat qui, urgence oblige, se voit promu commandant (les parties du roman sont ainsi bâties). A l’exception des derniers chapitres, plus axés sur ce qu’il adviendra de l’équilibre des puissances terriennes. Il s’agit autant d’une œuvre dramatique qu’un bouquin d’anticipation mâtiné de SF militaire, ce qui explique comment on peut terminer 550 pages en moins d’une semaine.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Bean pense d’ors et déjà à des problématiques qui seront largement mises en exergue dans les opus à suivre, et ça commence par le devenir de la F.I. (Fédération Internationale) qui a regroupé les armées de la Terre sous un commandement unique afin de lutter contre la première vague d’invasion extra-terrestre – avec succès. Sauf que la seconde vague tarde à venir, et la question de la légitimité de l’institution est clairement posée. Et Beau voit avant tout le monde ce qui risque de clocher : la mayonnaise de l’unification contre une menace éloignée n’a pas assez pris et certains États (Russie et Chine) se voient déjà comme gouvernant le monde – petite claque de l’auteur au passage pour le manque de réaction de l’Ouest qualifié de « morbidité ». Ainsi à qui seront fidèles ces jeunes commandants en formation ? A la F.I. ou à leurs états nations respectives ? Dès que la guerre est finie, une autre s’emballe rapidement. Hélas, la compétition instaurée dans l’Ecole de Guerre n’a pas aidé à créé une franche camaraderie.
Si le félin ne s’est pas épanché sur les caractéristiques génétiques de Bean, c’est parce que celles-ci constituent le gros de l’intrigue en plus d’avoir une connotation délicieusement biblique. Le héros est en effet l’unique spécimen vivant d’une expérience génétique destinée à accroître l’intelligence de l’Homme. Avec une clé génétique débloquée (la fameuse « clé d’Anton »), notre héros ne fera qu’améliorer ses capacités…même physiques. Oui, il va grandir sans arrêt jusqu’à ce que son cœur lâche. Vers ses 25 années. L’idée de l’intelligence tributaire d’une mortalité prématurée n’est pas nouvelle, et la référence avec la Genèse est évidente, lorsqu’un dieu avait laissé aux Hommes le choix de goûter l’arbre de la connaissance ou celui de la vie. Et la connaissance, chez Bean, est une logique froide et intuitive ajoutée à une mémoire eidétique de tout premier plan.
…à rapprocher de :
– Cette saga sait surtout se lire dans le bon ordre, voilà ce qui suit : L’Ombre de l’Hégémon, Les marionnettes de l’Ombre, puis L’Ombre du Géant (une tuerie celui-ci) – paraît que ce n’est pas fini.
– Je rappelle qu’il faut urgemment lire La Stratégie Ender en premier lieu. Et si cet univers post-attaque doryphore vous botte, je vous renvoie vers quelques nouvelles ayant lieu avant les deux sagas. C’est Ender : Préludes.
– Du même auteur, j’ai vite zappé Robota (pfffffuii) alors que Les Maîtres Chanteurs est une superbe pépite – encore des gosses innocents aux extraordinaires capacités dans les remous de la violence des adultes, tsss.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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Hello Le Tigre et les lecteurs !
Orson Scott Card a aussi écrit « Les Chroniques d’Alvin le Faiseur ».
Assez plaisant à lire, des personnages attachants et charismatiques, 6 Tomes parus de souvenir.
Ce n’est pas de la SF, mais de la fantasy historique. Le background c’est les premiers colons et les indiens d’Amérique, les vies de chacun et les échanges entre eux, le tout parsemé de quelques formes de magies/charmes.
N’aimant guère la fantasy (oui, vous pouvez me taper), j’hésite à démarrer cette saga. Merci pour la piqûre de rappel !
Un des bons cotés de la SF c`est que les écrivains sont en général assez immunisés contre les idéologies politiques et religieuses alors que Card est un neocon doublé d`un missionnaire mormon et ca englue passablement son univers dans une mélasse toxique qui fait son « charme ». Faut etre un peu maso pour se complaire longtemps dans cette mélasse mais chacun son truc, comme dirait ma concierge qu`est membre de la secte des adorateurs du balai-brosse a poil dur.
Au contraire, la SF regorge de pépites politiques (écologie, capitalisme, etc.) qui en disent long sur l’orientation de l’écrivain. Et comme je suis peu habité au « mormonisme » scott cardien, c’est à chaque fois un plaisir. Mes amitiés à votre concierge sinon !
Je suis assez d’accord avec le Tigre. Le principe meme de la SF est d’extrapoler les espoirs et/ou les craintes de l’auteur. Ces espoirs et ces peurs sont forcement ancrees dans l’actualite. A partir de la, la SF est forcement extremement sociale, politique et spirituelle.
Sans compter que j’aurai loisir d’évoquer certains travers de l’auteur au cours des épisodes à venir.
Si vous dites que ce tome est meilleurs que la suite des chroniques d’Ender alors je vais le tenter. Je ne savais meme pas que ca existait a vrai dire, mais un retour dans la station spatiale ne se refuse pas!
Bonté, cela fait-il déjà douze ans que je l’ai lu celui-là ?
J’en garde quand même de meilleurs souvenirs que ses suites, à ce début de série parallèle… C’est le souci avec Card, il finit par tirer à la ligne. Et du coup on accepte moins ses délires moralistes.
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