Sous-titre : la saga des ombres, tome 3. VO : Shadow of the Puppets. Troisième opus décrivant des tensions entre grandes nations sans guerre mondiale déclarée, il y en a pour tous les goûts : histoire d’amour malgré une lourde épée de Damoclès génétique, intervention de la religion, trahisons, voyages aux quatre coins de la planète, jamais l’avenir de la Terre n’a été aussi précaire. Style qui parfois s’égare mais l’histoire reste prenante.
Il était une fois…
Le lecteur avait clos le dernier tome avec le vilain Achille qui réfugie ses petites fesses en Chine, laquelle a envahi l’Asie du Sud Est et l’Inde. Sauf que, ce con de jeune Hégémon, Peter Wiggin (le frère du héros maintenant lointain) a préféré sauver Achille pour le surveiller au siège de l’Hégémonie au Brésil – le loup est dans le poulailler. Pendant ce temps, Bean et Petra (on sent qu’ils vont se choper ces deux-là) poursuivent la résistance contre les dictatures tout en caressant l’idée d’avoir une descendance – accessoirement non atteinte de la tare génétique du papa.
Critique de L’Ombre de l’Hégémon
Après un premier opus presque parfait (SF militaire mâtinée d’une épopée toute antique), et un second plus que bonnard (de la stratégie militaire, miam !), les acteurs semblent se reposer et fourbissent leurs armes (et leurs réseaux) tout en s’occupant de problèmes plus personnels. En particulier Bean, héros considéré par beaucoup comme n’appartenant pas à l’espèce humaine : il est loin le temps du nain, le gars commence à dépasser d’une bonne tête ses congénères – et la clé génétique d’Antov fait que sa croissance ne s’arrêtera pas.
Avant que le corps de Bean ne lâche, sa copine Petra aimerait bien avoir un (ou plus) enfant de lui. Il s’agit d’un des fils directeurs de ce tome puisque les tourtereaux feront appel à d’anciens condamnés pour crimes contre l’Humanité (manipulations génétiques) en vue de sélectionner des embryons « sains ». La seconde problématique concerne Peter Wiggin, à la tête d’une Hégémonie dont l’utilité et l’influence ne ressemblent à plus grand chose. La Chine occupe une grosse partie de l’Asie, l’Occident se cure négligemment les oreilles, et Peter a introduit Achille au sein de l’Hégémonie…funeste décision : le psychopathe essaie de renverser (puis tuer) Peter et sa famille qui se réfugie dans une station orbitale dirigée par Graff, le ministre de la colonisation.
Voilà pour le décor. Je dois vous avouer que le deuxième tiers de l’œuvre m’a fortement inquiété dans la mesure où Scott Card a repris ses travers, à savoir des dialogues et considérations politico-religieuses à n’en plus finir entre Bean et Petra, ou Peter Wiggin et ses parents (plus futés qu’il n’y paraît). Pendant ce temps, l’intrigue n’avance guère si ce n’est quelques fulgurances stratégiques ou espionnage numérique qui me manquaient temps. Puis, bonheur suprême, Bean rejoint la ligue des États Musulmans (dont un ancien de l’École de Guerre est le calife) qui se prépare à enculer à sec la Chine. Retour donc aux fines décisions tactiques et grandioses manœuvres militaires auxquelles s’ajoute la lutte pour la survie de Wiggin contre Achille – qui a gardé certaines ressources.
Bref, après un début plus contemplatif avec nettement moins d’action, Les Marionnettes de l’ombre (tous les intervenants en fait) renoue avec la réflexion, que celle-ci soit philosophique, empathique ou tout simplement de survie. A signaler que l’aspect purement SF s’est définitivement fait la malle, et ce n’est guère étonnant puisque l’écrivain américain se concentre sur ce qu’il sait faire de mieux…pas sûr que ça plaise au Tigre dans les opus à venir.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Sans spoiler, le lecteur des aventures du jeune Ender Wiggin (qui est en passe de devenir une légende) sait que Peter sera un Hégémon respecté, chef de l’Humanité. Sauf que pour l’instant, ça ne se présente pas bien du tout. Les dictatures ont le vent en poupe, et à part quelques menues résistances (Virlomi et sa grande muraille d’Inde par exemple, excellente idée), l’Hégémonie a tout de l’institution sur le point de disparaître. Car plus le temps passe, plus l’allégeance à l’espèce humaine dans le cadre de la guerre contre les Doryphores (dont on ne parle presque plus) fait place à une dévotion à son État-nation (souvent consternée, l’histoire d’Han Tzu étant édifiante). Pour des enfants commandants séparés de leurs pays très tôt, c’est la manière la plus logique de se recréer des racines. Comment alors renverser la vapeur ?
Le point potentiellement négatif reste la vilaine propension de l’auteur à étaler ses opinions religieuses et à les intégrer, avec de moins en moins de subtilité, dans l’intrigue. La décadence des U.S.A. et de l’Europe dénués de couilles, on a compris. L’Islam apaisé qui a abandonné toutes velléités de conquête, c’est mignon mais présenté de façon condescendante. L’Empire Chinois impie gravement corrompu et au fonctionnement byzantin inefficace, ce n’est pas bien. Non, le nec plus ultra selon l’écrivain reste la procréation et l’amour de ses enfants (malgré leurs défauts), quitte à faire parfaitement personnifiées par les parents de Wiggin : le papa John Paul en bon catholique associé à sa femme, Thérésa, d’obédience mormone. Ces deux-là offrant un équilibre familial tout ce qu’il y a de plus bucolique.
…à rapprocher de :
– Cette saga doit évidemment se lire dans l’ordre, c’est-à-dire La Stratégie de l’ombre, L’Ombre de l’Hégémon, le présent titre, puis L’Ombre du Géant (une tuerie celui-ci) – paraît que ce n’est pas fini.
– Je rappelle qu’il faut urgemment lire La Stratégie Ender en premier lieu. Et si cet univers post-attaque doryphore vous botte, je vous renvoie vers quelques nouvelles ayant lieu avant les deux sagas. C’est Ender : Préludes.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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