Sous-titre : la saga des ombres, tome 4. VO : Shadow of the Giant. Retour aux grandes manœuvres militaires avec la création, par le menu, d’un gouvernement mondial pacifié tandis que le protagoniste lutte contre la montre – aider à l’unité de l’Homme sur Terre tandis que son corps menace de lâcher. Intelligent et psyché des personnages (et des grands ensembles politiques) bien développés, tome surprenant de réussite.
Il était une fois…
Achille est mort, Bean et son épouse Petra semblent sauvés – et, accessoirement, la Terre. Vraiment ? Pas tout à fait : déjà, le vilain Achille a disséminé les embryons des jeunes Delphiki aux quatre coins du globe, et il n’est pas dit que certains ne portent pas la « tare » génétique de Bean (grandir non stop jusqu’à ce que mort s’en suive à 20 ans). Une solution résiderait à envoyer le père dans l’espace, le temps de trouver un remède. En outre, les Grandes Nations ne se sentent plus pisser : l’Inde, la Chine et le Grand Califat Musulman (sans compter la Russie en embuscade) se préparent à une guerre monumentale où la F.I. (qui est tournée vers les étoiles) ne peut intervenir. L’Hégémonie, dirigée par le frère du sauveur de l’Humanité, pourra-t-elle unifier les peuples de la Terre (et pas les États) sans employer la force ? Ses proches sont-ils prêts à le suivre ?
Critique de L’Ombre du géant
Premier tome génial, deuxième tout aussi bon, troisième légèrement décevant, et ce quatrième opus renoue avec tout ce qui fait, à mon sens, le succès de la saga des Ombres [voilà pour justifier l’exceptionnelle longueur de ce billet]. Le sentiment d’urgence est renouvelé par la situation du héros dont la santé est plus que préoccupante, laquelle renvoie à l’état de la politique mondiale, avec des grandes idées stratégico-politiques qu’une poignée de personnes développent pour le plus grand plaisir du lecteur.
Comme le félin le rappelait ci-dessus, il y a deux grandes lignes directrices qui se croisent plus d’une fois. Bean et sa chérie partent à la recherche des enfants nés de mères porteuses tout en aidant (sans grand enthousiasme au début) Wiggins à instaurer une Hégémonie respectée qui ne casse pas dans tous les sens. Et pensent sérieusement à accepter l’offre de Graff, à savoir entrer dans un voyage intersidéral à une vitesse proche de la lumière (l’effet relativiste fera que le temps passera plus vite sur la planète bleue) aux fins de trouver un remède au désordre génétique de Bean. Le tout agrémenté de considérations sur la parentalité et le don de soi qui sont plus d’une fois dispensables – Orson Scott Card ne se refait pas sur ce point.
Sinon, et nettement plus intéressant, il y a quatre anciens coéquipiers d’Ender qui se tirent la bourre dans un foursome meurtrier. Vilormi se prend pour une déesse indienne et mène le peuple indien à sa perte ; Alaï gère tant bien que mal un Califat traversé de différentes nuances ; Han Tzu remet le pays en ordre suite à la cuisante défaite contre les Indiens ; y’a même Vlad qui, de sa Très Sainte Russie, attend le bon moment pour attaquer. Alliances (mariage même !), trahisons, menaces, la vie de deux tiers de la population mondiale ne tient qu’à peu de choses – les USA ? L’Europe ? Absents. Jusqu’à ce qu’intervienne un cinquième compère, la bite à la main, en la personne de Peter Wiggin, Hégémon d’une organisation moribonde qu’il a la charge de reconstruire. Et il y parvient le con !
Le style est du Scott Card pur jus, limpide et direct à l’exception d’épanchements mélo-dramatiques dès qu’il s’agit de l’avenir de Bean et de ce que partir dans l’espace aura comme répercussions sur la petite famille du héros. Sur le ton employé, Le Tigre a également regretté trois choses : 1/ l’ingénue Vilormi est dépeinte comme une folle en mode « Jeanne d’Arc », une succube qui cherche absolument à se caser avec les protagonistes mâles, et finit par lamentablement échouer – elle vaut mieux que ça pourtant. 2/ Le Grand Califat, malgré l’intelligence et la mesure d’Alaï, est dépeint comme ingouvernable. Aux dires de l’auteur, l’Islam est une religion fondamentalement violente, le désir de conquêtes semblant être le seul dénominateur commun des croyants – à peine nuancé donc. 3/ Peter Wiggin, dont le triomphe modeste est autant évidente que souhaitée, est toujours présenté comme antipathique et distant – une machine froide à laquelle il est difficile de croire.
En guise de conclusion, le fauve a pris un panard sans nom dans ce roman plus court que le précédent. Et en vient à se demander à quoi peut bien ressembler le cinquième roman de l’aventure. En effet, le happy ending est quasiment complet, l’avenir de l’Humanité est assuré, et les frères Wiggin ont pondu à ce qui ressemble bien à une réconciliation – sans compter une sorte de « que sont-ils devenu ? » délivrés à la fin. Dès lors, rien ne s’oppose à se contenter des dernières pages en tant que clôture de la saga.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le titre appelle quelques commentaires que le félin espère intelligents. Le géant, c’est d’abord Bean qui dépasse tous ses proches de deux têtes au moins. Son ombre peut être interprétée comme l’épée de Damoclès qu’est la clé d’Antov (détraquement génétique qui le rend hyper intelligent au prix d’une durée de vie limitée), laquelle touche également certains de ses gosses. Néanmoins, le géant est surtout le leadeur en devenir de la Terre, Peter Wiggin. Lequel, patiemment et à force d’intelligence et d’entretien de ses réseaux, fera que chaque nation, une par une, rejoindra l’Organisation Libre des Peuples de la Terre. Sans agresser quiconque. En laissant les populations décider, par référendum, de l’adhésion. Chapeau l’artiste. Tout ça grâce à Bean, l’ombre sans laquelle rien n’aura été possible.
Cette unification terrienne est aidée par un sens élevé du sacrifice. Le sacrifice de la jeunesse, ça fait bien bander le père Scott Card. Et le protagoniste en prend plein la gueule – le fauve a même failli chialer comme une vieille dondon. En outre, ses anciens camarades de l’école de guerre ne sont pas en reste. Ceux-ci sont profondément compétitifs et ne rêvent que de victoire (leurs pays respectifs les utilisant pour diriger le plus de territoires possibles) alors que la vraie problématique consiste à envoyer des colons sur d’autres planètes pour disséminer l’espèce humaine. Pourquoi ne pas alors les inviter à participer à cette aventure civilisatrice plutôt que guerroyer sur la Terre ? Pour cela, il leur faut accepter d’abandonner leur ambition et s’effacer face à quelque chose de plus grand qu’eux. Et comprendre qu’en restant dans les parages, leur intelligence militaire ne sera utilisée qu’à asservir les autres peuples (leur éducation n’était que destinée à écraser des E.T., rappelons-le). L’écrivain américain mormon a même dégoté l’équivalent hindouiste de cette abnégation : la satyagraha.
…à rapprocher de :
– Cette saga doit évidemment se lire dans l’ordre, c’est-à-dire La Stratégie de l’ombre, L’Ombre de l’Hégémon, Les Marionnettes de l’ombre, puis le présent titre – paraît que ce n’est pas fini.
– Je rappelle qu’il faut urgemment lire La Stratégie Ender en premier lieu. Et si cet univers post-attaque doryphore vous botte, je vous renvoie vers quelques nouvelles ayant lieu avant les deux sagas. C’est Ender : Préludes.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Je t’avoue cher Tigre que j’était un peu sceptique à la découverte de cette suite, sentant un peu l’exploitation du filon. Mais comme tu sembles conquis, je m’en vais passer commande sur ma liseuse de bourgeois.
Moi aussi je pensais que ça allait être une purge, en fait ça se lit avec plaisir.
Concernant ta liseuse, je ne te félicite pas ^^
Moi non plus, j’ai un peu honte, le soir quand je suis seul, je me fouette avec des orties pour expiér cet impie concession à la modernité et la
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