VO : The Picture of Dorian Gray. Un jeune homme riche et beau, à la suite d’un malheureux concours de circonstances, voit son tableau prendre les tares du temps à sa place. Entre description immersive de la société londonienne (tant les aristos que les bas fonds) des années 1880 et réflexions appuyées (apparence, amour, libertinage) grâce à d’interminables dialogues, un roman à (re)découvrir.
Il était une fois…
Dans le Londres de la fin du XIXème siècle, Dorian Gray s’est fait un nouveau pote en la personne de Lord Henry. Les deux compères vadrouillent et discourent ensemble, Henry étant un délicieux compagnon. Leur rencontre a été rendue possible grâce à Basil Hallward, peinte de qualité qui a couché sur toile le beau visage de Dorian. Ce dernier fait part de son désir que le portrait vieillisse à sa place. Devinez quoi : il est exaucé.
Critique de Le Portrait de Dorian Gray
Certes, on connait tous plus ou moins de quoi cause cette histoire. Certes, on sait à quel point ça se termine mal. A savoir le pauvre Dorian, enfin ce qu’il en reste, écroulé au sol face à son tableau impeccable. Et ce ne fut qu’en examinant ses bagues qu’ils le reconnurent (ceci est l’excipit). Brrrr.
Mais, à relire ce classique, Le Tigre a cru déceler trois temps dans l’œuvre. D’abord, un belle moitié du bouquin campe les protagonistes, notamment le tableau qui ne change pas encore d’un iota. A peine si un rictus se dessine sur le visage lorsque Dorian, de façon fort peu galante, envoie chier Sybil Vane (vaine ?), actrice de pure beauté dans un théâtre miteux. Ensuite, le jeune homme sombre dans la facilité et entreprend de profiter de son inattendue immortalité de façade. Ainsi apparaît de longues pages, allègrement pompées (heureusement que l’éditeur le signale) d’après différents ouvrages – coutumes des Amérindiens et autres références sur des peuplades, délires sur les parfums et vêtements, etc.
Enfin, 18 ans après, notre jeune (en apparence) ami fait une rencontre avec le peintre (qui dégénère) et est à deux doigts de se faire buter par le frère de Sybil. Cette dernière partie, tout comme le début, est agrémentée de nombreux dialogues fort riches (sur l’âme ou l’esthétisme) mais qui rebuteront plus d’un lecteur plus pressé de voir de quoi a l’air le tableau de Gray. Ce dernier, horrifié par la tournure prise par les évènements, tente une bonne action. Néanmoins, cela n’a pour résultat que l’apparition d’une trace d’hypocrisie sur le visage peint, ce qui remplit le cœur (pourtant aride) du héros d’un désespoir sans fond.
Pour conclure, j’avais zappé à quel point ce roman est dense (près de 250 pages quand même) et bourré de références à la vie londonienne et à d’autres classiques des lettres anglaises (en particulier Shakespeare). Oscar Wilde, s’il ne semble avoir rien inventé de révolutionnaire, est parvenu à créer une ambiance et à se réapproprier ce qui se faisait de mieux question littérature. Un génie.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Évidemment il y a la question de l’art, immanent, face à la vie changeante. En intervertissant les rôles, Wilde nous questionne sur la dichotomie entre l’apparence (les bons mots, la belle gueule) et le fond d’un individu pourri jusqu’à la moelle. Outre Dorian, le cas de Sybil est également intéressant : la demoiselle a conquis le cœur de Mister Gray grâce à ses performances sur les planches (c’est fou comme les British sont fanas de théâtre), un ange de pureté fantasmé par le héros. Aussi, lorsque Do’ lui avoue son amour, Miss Vane redevient « normale », c’est-à-dire une jeune femme troublée incapable de bien jouer sur scène. Et cela horripile son futur fiancé dont la représentation de Sybil se fracasse sur le mur de la réalité. Il la largue donc. Classe.
Le Tigre pourrait discourir sur de nombreux autres aspects uniques au roman, toutefois il en est un qui m’a interpellé : la préface (assez chiante au demeurant) insiste sur la puissance « homosexuelle » du livre. Sauf que pour Le Tigre ce n’était guère si évident. Les rapports entre Dorian et Lord Henry m’ont paru être des relations entre bons potes, rien de licencieux avec des sous-entendus certes assez fins – inviter quelqu’un chez soi = l’enculer en fait. Même Basil, le peintre, tourne un peu plus autour du pot et il faudra attendre la troisième partie pour le voir esquisser le début d’une révélation amoureuse. Et dire que cette œuvre a été jugée plus que licencieuse, amorale au possible. Voilà un bon moyen de savoir où était placé le curseur moral de l’époque.
…à rapprocher de :
D’autres sites se chargeraient mieux que moi pour vous donner, à mon humble niveau je ne connais que Dorian Gray, une imitation, du grand Will Self. Voire La Peau de chagrin, du bon Balzac, parce qu’un lecteur a bien voulu me le signaler.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Salut, c’est mon premier commentaire sur ton blog que je lis depuis une petite année déjà. Tes avis et conseils m’ont servi plus d’une fois (enfin pas ceux de lecture il ne faut pas abuser non plus mais mon chat adore ton inventivité).
Et pour en revenir à ce cher Oscar, si je ne me trompe pas son roman a été censuré et certains passages étaient plus explicites. Enfin en ce qui concerne la rubrique « A rapprocher de » j’aurais bien dit la Peau de Chagrin de Balzac, qu’en penses-tu ?
En effet certaines éditions indiquent ce qui a été ôté à une certaine époque. Du coup on peut voir ce qui faisait criser les gens à l’époque. Pour Balzac, je n’ai pas lu ce roman en particulier mais vais me soumettre à ton bon jugement. Ajout effectué !
Bravo pour ton premier commentaire, c’est rare que quelqu’un me lise pour mes conneries et pas la littérature ^^