Sous-titre : Essai sur le masochisme occidental. Les enseignements de cet essai perdurent encore bien que lu il y a déjà quelque temps. L’Occident (la France notamment) qui s’auto-flagelle jusqu’à oublier l’essence même de ce qui a fait son succès, texte clair et captivant malgré quelques raccourcis sur la fin.
De quoi parle La tyrannie de la pénitence, et comment ?
Les critiques sur cet essai sont nombreuses, il n’est jamais facile de passer derrière Le Figaro qui par exemple en a fait un billet long comme mes griffes (si ça peut donner un indice sur l’orientation politique de Bruckner).
Pour faire court, La tyrannie de la pénitence, c’est la propension de l’Occident (l’Europe, l’Hexagone surtout, doux pays avec ses 63 millions de déprimés) à se poser comme le « coupable universel » des crimes les plus abjects. Auto-flagellation signe d’une immense vanité à vouloir supporter le poids de la face sombre de l’Histoire, comme si nous n’étions que les seuls à pouvoir assumer l’esclavagisme, les génocides, les guerres, etc.
Or ces travers dont l’Occident est parvenu à se défaire existent chez d’autres « civilisations ». L’Afrique a fourni les esclaves, la Corée du Nord affame son peuple, le génocide au Rwanda, l’Occident n’accorde en aucun cas le même statut de « société digne de la repentance » à ces pays. Ces peuples, privés d’inventaires sur leurs propres fautes, sont alors déresponsabilisés (« infantilisés » écrit l’auteur).
Il ressort de l’essai une excellente analyse de la schizophrénie de l’Europe et de la France, contrées qui se pensent un destin universel tout en se complaisant à énumérer les crimes (le colonialisme revient souvent chez Pascal) et sa déchéance (Nicolas Baverez et sa France qui tombe) comme autant de titres de gloire pour avoir l’esprit tranquille. De là, l’essai part dans plusieurs directions (la société des loisirs, la politique d’Outre-mer) pour illustrer ce « mal français ».
Le style est simple, à portée de tous et la rhétorique emporte facilement l’adhésion du lecteur. Néanmoins on pourra reprocher à Pascal quelques facilités dans ses considérations géopolitiques (la guerre en Irak spécialement). C’est d’autant plus dommage que cet essai peut se permettre d’être général (pour ne pas dire un classique du genre), et alors éviter de s’inscrire dans une actualité restreinte et dont les remarques au sujet de celle-ci peuvent se révéler hasardeuses sur le long terme.
Ce que Le Tigre a retenu
Souvent le cerveau du Tigre ne retient uniquement qu’incipits et exipits. Pas ici, je sortirai deux exemples seulement, il y a tant à dire et la première partie du post s’en charge convenablement (du moins j’ai la faiblesse de le croire).
Ainsi, Pascal nous relate l’année 2005 en France, pays qui participe volontiers aux commémorations de la bataille de Trafalgar (jusqu’à y envoyer son unique porte-avions) mais incapable de célébrer celle d’Austerlitz. Étonnant si on se souvient qu’à l’époque, c’était le flamboyant Galouzeau de Villepin qui était aux commandes. Grand admirateur devant l’Éternel de Napoléon, on aurait pu espérer de grands bicentenaires de l’aventure du Premier Empire français. Il n’en fut rien.
Je me souviens surtout de la fin de l’essai, qui ouvre l’horizon du continent européen. Selon l’essayiste, l’Europe est en passe de sortir de l’Histoire si elle ne se redresse pas sur pas mal d’aspects, namely : assumer son passé qui est complexe mais grandiose ; être fier d’elle et de ses réalisations (la paix depuis un demi-siècle, les libertés, le dépassement progressif de l’État-nation) ; ne pas éviter les conflits à tout prix et assister les EUA dans le maintien de la paix dans le monde ; avoir une armée crédible afin de se faire respecter comme acteur de premier rang, etc. Le Tigre y a cru lire un puissant plaidoyer pour une fédéralisation du continent.
…à rapprocher de :
– De Buckner, Le Tigre a lu La tentation de l’innocence. Même structure de titre, même plaisir.
– Dans la catégorie « auteurs européens qui se rebiffent », il y a le grand Hans Magnus Enzesberger et son Perdant radical.
– En plus mesuré, De chez nous de Christian Authier reprend, à une sauce plus gaulliste, quelques idées de Bruckner.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver en ligne ici.
Ping : Christian Authier – De chez nous | Quand Le Tigre Lit
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