VO : Das Parfum. Le nom de l’auteur, le titre, l’image de couverture, l’histoire, tout laisse croire qu’il s’agit d’un vieux roman qui est devenu au fil des ans un classique. Il n’en est rien. Œuvre (relativement) récente, avec certes en toile de fond la France d’il y a longtemps, mais un héros et une histoire que seul un esprit de la seconde moitié du XXème siècle aurait pu imaginer. A lire et relire tellement c’est condensé.
Il était une fois…
Paris, un quartier très mal loti, XVIIIème siècle. Grenouille naît dans le dénuement le plus total, rejeté par sa mère (exécutée dès sa naissance) et élevé par une nourrice et ensuite un tanneur. Grenouille a une particularité, en plus de l’absence d’odeur corporelle, qui est d’être un « nez » exceptionnel. De sa naissance à sa mort très particulière, le lecteur suit Grenouille à la recherche du parfum absolu, et de son propre parfum.
Critique du Parfum
Un chef d’œuvre. Rien d’autre à dire, si ce n’est qu’on en sort pas vraiment indemne. Ce livre est LE classique de Süskind qu’il faut avoir lu. Le Tigre se sent ici indigne d’écrire dessus tellement ce roman a été étudié, analysé alors qu’il y a déjà quelque temps que cette œuvre a été lue.
Tout ce qu’on peut dire, c’est que Süskind fait montre d’une maîtrise sans faute du sujet, avec un vocabulaire riche et très parlant dans le registre des odeurs (ça fait un peu « écoute voir comme ça sent bon »). Quant à l’histoire, de grande qualité, c’est un réel drame d’une personne pas vraiment humaine, dont les actes sont déterminés par la quête du savoir olfactif. Passages assez durs, violents, l’œuvre ne devrait pas se lire avant 15 ans afin d’apprécier la prose de l’auteur.
Chose étonnante, le style ne fait pas très XXème siècle. On se croirait face à un livre du XIXème siècle tellement l’écriture et l’environnement général sont fouillés, sans compter un vocabulaire un peu surrané par moments mais d’une redoutable précision. Mais non, Patrick Süskind est né après la seconde guerre mondiale. Last but not least, tout ça en moins de 300 pages – assez denses il est vrai.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les thèmes sont nombreux, les encyclopédies en ligne s’en chargeant fort bien. Le Tigre se souvient avant tout :
Une description de la France de cette époque très crédible, et très dure également. Criminalité, bassesses de la plèbe et des puissants, insalubrité de l’environnement, c’en est écœurant à la fin. C’est d’autant plus troublant que l’auteur associe le parfum, le luxe et le rêve propagé par ce produit à l’insensibilité la plus totale, celle qui mène naturellement au meurtre. Le titre est le premier exemple de ce paradoxe, en étant un parfait oxymoron (à moins que ce soit oxymore ?).
Les odeurs, thème entêtant voire nauséeux du roman. La palette des descriptions olfactives de Süskind est plus que large : le lecteur ne manque pas d’être ébloui par tant de termes relatifs à un sens qui est souvent négligé par la littérature. La vision, le toucher (la douleur par exemple), le son sont toujours bien traités dans les romans, ici Süskind fait la part belle au parent pauvre de la narration qu’est l’odeur. On est à la limite d’un exercice de style à la Queneau, mais sur 300 pages et un scénario de qualité.
…à rapprocher de :
– Le Pigeon n’est pas mal du tout, vraiment. Pas à la mesure du présent titre, mais c’est une régalade.
– Une adaptation cinématographique de 2006 réalisée Tom Tykwer est à signaler. Assez bien foutue je dois le reconnaître, et j’avoue n’avoir que tardivement percuté que l’acteur principal était Ben Whishaw.
– La scène finale, ainsi que la rage de la foule ne sont pas sans rappeler Mangez le si vous voulez, de Jean Teulé.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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