VO : Jezus van Nazareth : een realistisch portret. Le célèbre réalisateur hollandais, qui a entrepris des études de mathématiques et de physique, est aussi porté sur la théologie. Un esprit complet. Et son essai ambitionne de déterminer à quoi pouvait ressembler l’existence du Messie. Texte précis bourré de références et de citations, relativement correct vis-à-vis de la foi, il faut s’accrocher mais ça vaut le coup.
De quoi parle Jésus de Nazareth, et comment ?
Oui. C’est bien Paul Verhoeven qui a rédigé un ouvrage sur Jésus. Punaise, le mec cache bien son jeu. Pendant qu’il réalisait Robocop, Total Recall ou encore Basic Instinct, Paul V. fréquentait (jusqu’à participer activement) le Jesus Seminar, association de personnes passablement intelligentes et gambergeant sur ce qu’était la vie « réelle » du Christ – si vous voulez vous la péter chez la baronne, dites que ce sont les quêtes du Jésus historique.
Plusieurs assertions du maître peuvent choquer les catholiques pur jus, toutefois rien de blasphématoire. En vrac : Jésus serait le bâtard issu d’un viol de Marie par un soldat romain (nommé Panthera) ; aucun miracle ni aspect surnaturel du personnage (exit la Sainte Trinité ou la multiplication des pains), seulement un homme qui exerce avec les moyens du bord et qui a évoqué des thèmes qui sont particulièrement entrés en résonance (euphémisme) avec son époque. Et dont les aventures, souvent, semblent reprises de textes bibliques antérieurs tellement les rapprochements sont évidents – la trahison de Jésus vs. 2 Samuel, pour ne citer que cette coïncidence.
Si Tigre est une belle bite en théologie européenne (je ne maîtrise que l’histoire de ce bon Bouddha), en revanche il reste sensible au travail d’un homme qui fait en sorte de prendre son lecteur par la main en vue de rendre sa démonstration limpide. Ainsi, pour chaque évènement marquant présent dans les Évangiles, Paul V. rappelle les textes canoniques, signale les travaux d’illustres théologien, invoque des faits historiques avérés, et propose en toute modestie sa vision des évènements.
Ce qui m’a particulièrement ravi est le métier de cinéaste qui prend souvent le dessus, il est souvent question de mise en scène de la vie de l’enfant prodige de Galilée sous la forme d’un story-board d’un film en devenir . Si ce dernier venait à être réalisé, ça enverrait du pâté – je serais curieux de voir comment est gérée la partie homoérotico-mystique de Jésus avec un jeune homme. Toutefois, vers le milieu de l’essai le rythme tend à baisser, notamment lorsque Verhoeven déblatère sur la chronologie de telle ou telle péripétie. Certes c’est primordial pour relever quelques contradictions ici et là, mais plus d’une fois j’ai été salement largué. Disons que le félin n’aurait pas craché sur une frise chronologique à vertu récapitulative.
Enfin, et puisque de toute façon les éditeurs ne m’écoutent jamais, j’éviterai de pousser la gueulante habituelle contre la propension à foutre les notes de bas de page à la fin de l’ouvrage. La lecture n’est pas aisée, plus d’une fois le félin a jugé peu utile de tourner frénétiquement les pages pour tomber sur la bonne référence – et la numérotation qui redémarre à zéro à chaque chapitre n’aide vraiment pas. Sérieusement, je n’ai que ça à foutre à gérer deux marques pages.
Ce que Le Tigre a retenu
La première chose qui peut piquer l’œil est la couverture, intéressante, qui représente le glorieux Christ selon l’iconographie du vilain Che Guevara. Car les deux hommes ont plus de choses en commun. Ce sont des révolutionnaires au sens noble du terme, guerroyant contre un ordre établi qui aura raison d’eux. Guevara se baladait, avec ses compagnons, dans des étendues souvent hostiles et souhaitait avant tout améliorer le sort de ses semblables. Jésus avait ses apôtres, du moins il a été établi bien plus tard une liste de fidèles. Le leader sud-américain fut enfin trahi avant de connaître une mort douloureuse. Peu de femmes dans l’aventure, ou alors celles-ci ont un rôle plus qu’accessoire. C’est fandard tant de coïncidences, non ?
La constante de l’essayiste est de confronter les sources avec une méticulosité qui m’ont plus d’une fois fait tirer le chapeau, quitte à nous abreuver de références à un niveau rarement atteint – la fameuse source Q., mérite sans doute d’être approfondie par le lecteur. Même si je m’y attendais un peu, j’étais profondément surpris du nombre de versions des pérégrinations de Jésus, que ce soient les quatre évangiles qui n’évoquent pas les mêmes choses ou la pétée de textes qui ont été jugés apocryphes – souvent parce que ceux-ci différaient de trop de la doctrine progressivement établie, alors que ceux-ci sont plus « logiques ». Quant aux nombreuses paraboles délivrées par le divin enfant, lire Verhoeven les analyser (et en démonter beaucoup) est une sucrerie hélas trop rare.
Jésus dans le réel, c’est également un homme avec ses contradictions et ses craintes. Un être humain, en somme; Par exemple, l’essayiste européen parvient à nous éclairer sur le potentiel différend ayant existé entre le Sauveur et Jean-Baptiste (un cousin ?) à qui Jésus semble avoir piqué le principe du baptême par l’eau. De même, il est souvent question dans le Nouveau Testament du Christ qui « se retire » ou part dans le désert pour méditer. Selon le batave mais néanmoins courtois auteur, en fait Seigneur Junior se planquait après avoir foutu le daroi qui dans un temple en renversant les étals des marchands (et des changeurs), qui dans une ville en galvanisant la populace. Et les Romains, qui ont fait montre d’une certaine patience, étaient désireux de mettre un terme à ce dangereux carnaval. La suite, on la connaît.
…à rapprocher de :
– En termes de fiction, la vie de Jésus peut être découverte avec L’agneau, de Christopher Moore. Très très mignon, je le conseille.
Je vais finir sur une blague à la con. Alors le vrai daron du Seigneur serait un dénommé Panthera. Le Messie serait donc un félin en puissance, vous imaginez à quel point j’aime cette idée. Jésus proviendrait du chat donc. Pas étonnant en considérant qu’il est descendu parmi nous. [hu hu].
Le bouquin sort début avril. Patience donc.
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