VO : Counter-Clock World. Le Tigre entretien un rapport complexe avec K. Dick, dont les romans sont soit excellents (Substance M), soit impossibles (SIVA). Un court de l’auteur, ça ne peut se refuser, surtout lorsque l’idée de base est géniale. Le temps à l’envers, un must ! Traité parfois superficiellement mais sur le thème porteur de la religion, ça ne se rate pas.
Il était une fois…
Dans les années 60, le cours du temps s’est inversé. Rien que ça. C’est l’effet Hobart. Une des conséquences est que les morts se réveillent dans leurs tombes, rajeunissent avant de rentrer dans le ventre d’une femme (la matrice). Pour sortir ces individus enterrés (rien n’est dit sur ceux qui ont été incinérés), il faut faire appel à un vitarium, société spécialisée dans leur repérage et « repêchage ». Sebastian Hermes dirige une de ces entités, et sa vie va basculer lorsqu’il découvrira que dans un cimetière gît l’Anarque Thomas Peak. Ce dernier est simplement le plus grand leader religieux depuis Jésus (et Mahommet). Peak est sur le point de se réveiller, et les organisations les plus puissantes semblent déterminées à être aux premières loges.
Critique d’A rebrousse-temps
Autant le rappeler encore et encore, K. Dick est un grand malade. Mais sur ce titre on croirait presque qu’il s’était un peu calmé. Il n’empêche, pour inventer un monde qui « tourne à l’envers », il faut le faire.
Philip a pensé à tout : la bouffe, enfin le « sogum », est un processus inversé assez intime. Un truc qui s’enfonce dans le derrière ? L’auteur ne le précise pas. En tout cas, on recrache les plats dans de grands plats rituels. On prend un mégot, qui se reconstitue et laisse l’air purifié. La conversation commence par bonsoir. Mais c’est presque tout, le cerveau de l’écrivain semble s’être arrêté là. Immensément dommage.
Sur l’histoire, imaginez un personnage (Peak) qui a créé un mouvement à l’origine de la sécession des États-Unis (quelque chose en rapport avec les droits des minorités). Or il va revivre. A partir de là, le héros, sa copine Lotta et un flic amoureux vont être confrontés au gratin des puissants : la secte Udi autrefois créée par Peak, le Vatican, et le très inquiétant Conseil des Oblites (ceux qui veillent à ce que le temps suive son anti cours).
Le style, certes vieux, passe encore. 21 chapitres, c’est peu mais au final équilibré. Le final, parlons-en : une pure déception, à moins que Le Tigre n’ait pas franchement saisi sa portée. Entre apparitions divines, les délires chers à K. Dick sont, comme par un fait exprès, ressortis un peu en vrac. Pas exceptionnel du coup, et la note de cette œuvre est autant pour celle-ci que l’auteur.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le temps. Thème principal, j’en ai déjà beaucoup dit. Mais j’attire votre attention sur la relation entre le temps et la croyance, eu égard aux les nombreuses citations à chaque début de chapitre. Boèce, Saint Augustin, Erigène, que des intellectuels du Moyen-Age connus pour leurs positions obscures et parfois subversives pour les Chrétiens (à savoir proche de la pensée grecque) sur Dieu. Et le temps qui passe bien sûr, avec les notions du passé et de l’avenir en rapport à notre vision (assez étroite) de l’environnement. Bref, du lourd.
Le progrès. L’organisation des Oblits est chargée de faire en sorte que les créations et autres inventions soient oblitérées en temps voulu (presque de l’autodafé), et ce afin de respecter le cours du temps. Leurs auteurs les apporte à la Bibliothèque qui les détruit. Monde fascinant où une « simple » bibliothèque terrifie tout le monde, dans la mesure où celle-ci utilise jusqu’à la violence pour par exemple récupérer des livres qui sont censés ne plus exister.
La confiance et la croyance. Croyance parce que le lecteur se demande ce que l’Anarque peut avoir de si exceptionnel pour à ce point attiser les convoitises. On aura plus qu’un aperçu de son pouvoir et son message, décuplé par son passage outre-tombe. En outre, chaque « faction » promet ou menace, nos héros étant au beau milieu de quelque chose qui les dépasse. A qui faire confiance ? Confiance enfin entre le héros et sa femme, chacun va tromper l’autre et devra laisser sa dignité de côté pour survivre.
…à rapprocher de :
A part d’autres opus (Substance Mort, incontournable, ou quelques bonnes nouvelles, ici et là) de cet auteur si particulier, l’exercice de comparaison est délicat.
– Néanmoins Le Tigre peut vous renvoyer vers La flèche du temps, de Martin Amis : l’histoire est racontée à l’envers, et certaines actions du héros ne sont pas sans rappeler celles du présent titre.
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