VO : The Man in the High Castle. LE classique de Philip K. Dick, sans doute parce qu’il s’agit d’un titre plutôt aisé à lire. Peu de SF ou d’action, beaucoup d’uchronie post WWII et d’introspection, ce roman possède différents niveaux de lecture (que Le Tigre n’a pas forcément repérés). Pour ma part, ce n’est pas le titre le plus renversant de ma bibliothèque.
Il était une fois…
Les Teutons qui remportent la bataille de Stalingrad et poussent l’avantage à l’Est ; les débarquements qui foirent dans les grandes largeurs ; le Japon qui envahit l’Australie tandis que l’Angleterre est accostée ; bref la victoire de l’Axe en 1947. Le destin des nations est alors inversé, le Japon imposant son mode de vie à l’Oncle Sam. Si Le Tigre insiste sur ce nouveau monde, c’est que les protagonistes du roman sont tous en émoi : il y aurait, dans les Rocheuses, un écrivain de SF qui a écrit un bouquin qui raconte la victoire des Alliés lors de la Seconde Guerre Mondiale.
Critique du Maître du Haut Chateau
A chaque fois qu’on me parle de ce roman, c’est surtout pour insister sur son aspect « uchronique », or limiter le grand et malade Dick à ce genre littéraire reviendrait à commettre une légère bourde. Déjà, les informations sur le (ou les) élément(s) divergent(s) de l’Histoire sont tellement délivrées au compte-goutte que j’ai eu l’impression que Fifi s’en foutait.
Ensuite, le nombre appréciable de personnages fait que cet ouvrage se concentre plus sur des histoires de personnes que sur des considérations strictement politiques – à l’instar d’un Stephen King. Entre un artisan juif cherchant à vendre sa came à des Japonais circonspects, un officier de l’Abwehr en mission secrète ou un officiel japonais plus ou moins serein, le tableau de ce que pourraient être des États-Unis morcelés comme l’était l’Allemagne post-nazie est plus vivant que jamais.
Enfin, même si les protagonistes ne se croisent pas, il appert qu’ils ont en commun le mystérieux Hawthorne Abendsen et son non moins intriguant roman qui raconte la victoire des Alliés. C’est là que le bizarre s’invite puisque les derniers chapitres et qu’on retrouve les thèmes chers à K. Dick (cf. dernière partie). Après quelques péripéties relativement ronflantes (pas de science-fiction, pas de thriller, juste un petit meurtre ici et là), nous arrivons enfin dans le « haut château » où le père Abendsen était censé se faire assassiner.
Quant au style de l’œuvre, le moins que l’on puisse dire est que c’est compréhensible pour n’importe quel lecteur (un exploit considérant l’écrivain américain). Bien sûr, le final est suffisamment déroutant et sujet à interprétations. Toutefois, l’écriture est assez contemplative dans l’ensemble, il y a même des longueurs descriptives étonnantes pour un roman qui se lira plutôt vite. Il serait donc dommage de s’en priver.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’importance des livres dans cet ouvrage est remarquable, les mots écrits y prennent toute leur puissance. Bien sûr il y a Le poids de la Sauterelle, autre uchronie (pour l’univers du livre) qui fait gravement flipper les Nazis. Il s’agit d’un épouvantail remettant en cause l’ordre établi et à cause duquel des rumeurs (d’existence seulement) peuvent se transformer, à termes, en résistance contre l’envahisseur. D’autre part, il y a l’incontournable Livre des Changements sur lequel s’appuie la plupart des personnages : le Yi-King consiste à lancer trois pièces de monnaie puis à lire le résultat à l’aune d’un canon littéraire qui donne conseils et maximes à coup sûr interprétables. Un horoscope puissance mille, si vous voulez savoir ce que j’en pense – Tigre préfère tirer les baguettes numérotées de 1 à 100.
Pour terminer, je vous demande ce que serait un roman de K. Dick sans le potentiel pour violer le cerveau du lecteur en instituant le doute. Ici, l’écrivain multiprimé s’amuse à rendre plus floue la frontière entre fiction et réalité au travers un Hawtthorne Abendsen qui prend à partie un des personnages (c’est comme s’il s’adressait au lecteur) en lui expliquant que son livre est la réalité. Déjà que le lecteur doit composer avec un roman déviant au sein d’une uchronie, que penser alors d’un caractère de fiction qui sous-entend savoir qu’il est dans un monde imaginaire et écrit « sa » réalité ? Pour ne rien arranger à la mise en abyme, quelques éléments de La Sauterelle sont sensiblement différents de notre propre monde, notamment le Royaume-Uni qui joue un rôle bien plus actif.
…à rapprocher de :
– Le meilleur de cet auteur reste, pour l’instant, Substance Mort. Pas pu terminer la trilogie divine (SIVA & Co), et A rebrousse-temps est trop zarbi (mais idée géniale).
– Dans les nouvelles de cet écrivain torturé, signalons Souvenir ou Le dernier des maître (la nouvelle éponyme est une petite perle).
– Sur le Troisième Reich qui déménage la cloche de bois, Tigre pense au débotté à Fatherland de Harris (pas mal) ; Block 109 (chouette BD) ; Rêve de fer de Spinrad (un régal).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Difficile à classe ce cher Philippe, ce roman en particulier ne m’a jamais trop intéressé mais je reconnais que son adaptation prochaine en série TV a réveillé ma curiosité.
Ma préférence reste Substance Mort.
Le Tigre a-t-il lu Ubik ?
Ubik est dans ma bibliothèque. Lu étant très très jeune. Abandonné rapidement. Je devrais y revenir un jour. Et on est d’accord pour Substance Mort, une belle claque comme je les aime (et cette fin…)
Peut-être un peu trop jeune à l’époque par rapport à la trame de fond « ultracaptaliste » d’Ubik ?
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