VO : A Quiet Flame. Après les JO de 1936, le fatras de la guerre, l’après de 1947, voici les années 1950 et 1932 avec notre héros habituel qui tire admirablement son épingle du jeu. Même si Tigre a parfois confondu tous ces protagonistes à la très germanique consonance, il faut reconnaître à Kerr une admirable maîtrise de l’Histoire.
Il était une fois..
Ça y est, Bernhard Gunther a sauté le pas. Si dans sa précédente aventure il avait rapidement goûté aux plaisirs de l’Amérique du Sud, cette fois-ci il se réfugie en Uruguay avec notamment le vilain Eichmann (que les Israéliens débusqueront au début des années soixante). Son identité de « docteur Hauser » ne tient pas longtemps face au segnor Montalban, chef de la police du pays qui requiert son aide sur un terrible meurtre. Or les caractéristiques de ce crime coïncident étrangement avec une enquête en 1932 à la Kripo, lorsqu’il était flic à Alexander Platz. Sauf que personne ne semble jouer franc jeu.
Critique d’Une douce flamme
Je croyais qu’après La mort, entre autres (cf. infra) j’en aurai fini avec l’ancien flic / SS / prisonnier russe / etc., en fait que nenni. Gunther est indestructible, et bien qu’il dépasse allègrement la cinquantaine il est toujours capable de foutre un sacré daroi dans un autre pays. Et même dragouiller Eva, la femme de Juan Peron en plus de tomber amoureux d’une jeune juive, quelle fougue !
Sur l’intrigue, rien à dire. Si le gros du roman fait la part belle aux aventures en Argentine en 1950 avec Gunther qui mène de front quelques recherches pour le compte d’individus qui semblent tous cacher quelque chose, Le Tigre s’est également réjoui de l’histoire en parallèle qui se passe en 1932. Notre héros, attaché à la République de Weimar et qui soutient le SPD, assiste presque impuissant (quand il se rebiffe, ça se passe mal) à la montée du fascisme hitlérien.
Hélas j’ai eu quelques menues difficultés sur ce petit pavé (qui se lit vite, n’ayez crainte) écrit par l’Écossais : une légère impression que l’histoire se répète, avec tous ces faux semblants et péripéties qui n’arrêtent pas d’apporter de nouvelles questions. En sus, les chapitres sont plutôt longs et le nombre d’intervenants peut vite dépasser le lecteur distrait. Toutefois, on n’est jamais vraiment perdu. Voilà de quoi justifier une note moindre par rapport aux titres précédents de Philip K (sans le Dick, si vous me suivez).
Au final, un petit plaisir qui se lit sans faim, et ce grâce au personnage principal. Entre humour caustique, intelligence tactique et petits problèmes personnels (son passé trouble où on se dit qu’on n’aurait sûrement pas fait mieux, la maladie qui s’abat sur lui), on ne peut difficilement le trouver plus sympathique.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
J’en parlais déjà dans La mort, entre autres, mais la filière d’extraction en Argentine est finement décrite. Le pays savait se servir des talents de ces réfugiés, même les moins avouables. Et plus on avance dans le roman, plus les liens entre nazis et Péron deviennent troublants. En fait ce dictateur d’opérette était bien pire que Le Tigre aurait pu l’imaginer : déjà il récupère une grosse partie de la tune d’Hitler qui dormait dans les coffres-forts suisses, ensuite le sort qu’il a réservé aux émigrants juifs est terrifiant. Bref, le nouveau monde n’est pas mieux que l’ancien.
Sinon, Tigre veut absolument vous dire d’où vient l’expression du titre. D’emblée, il est expliqué dans le quatrième de couv’ qu’en présence du Führer, ses « sujets » sentaient brûler en eux une douce flamme. A la fin du roman, Gunther sent la même flamme brûler, mais plutôt pour la belle Anna. Pour finir, le héros donne sa version de ce que pourrait être la fameuse flame : ôtez un « l », et on parle bien de célébrité. Celle, misérable, due aux actes des Allemands pendant la guerre. Une marque qui restera brûlante et vivace, et ce pour le prochain millénaire selon Gunther.
…à rapprocher de :
– De Kerr, son gros succès reste la Trilogie berlinoise. Et à juste titre. La mort, entre autres, est superbe également. Les suites : Hôtel Adlon ; Vert-de-gris ; Prague Fatale ; Les Ombres de Katyn ; La Dame de Zagreb accusent la même qualité globale à quelques exceptions près. Le tout à lire dans l’ordre. La Paix des dupes se doit également d’être lu (correcte uchronie sur la conférence de Téhéran).
– Sinon, si la question de la filière d’extraction nazie ou des crimes commis par le régime péroniste vous intéressent, Kerr donne comme référence le chercheur argentin Uki Goñi. Notamment son essai Le véritable Odessa.
Enfin, si votre librairie de quartier est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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