Conseillé par un représentant de la gent féminine, Le Tigre savait plus ou moins à quoi s’attendre d’après le quatrième de couv’. D’une rare simplicité et susceptible d’arracher un larmichette chez les plus émotifs lecteurs, ce livre sans prétention se laisse lire mais n’a pas laissé de marque indélébile dans mon esprit.
Il était une fois…
Monsieur Linh est un vieil homme qui débarque en France. Avec pour seuls bagages une petite valise et un nouveau-né. Ayant fui un pays où il a vu trop de gents passer de vie à trépas, Monsieur Linh arrive dans un pays dont il ne connaît pas la langue, et passe de nombreuses heures sur un banc, portant sa petite fille. Un homme qui lui ressemble par certains aspects tentera d’amorcer un dialogue, créant une amitié naissante plutôt émouvante.
Critique de La petite fille de Monsieur Linh
Le Tigre est (encore une fois) un peu emmerdé sur les bords, parce qu’en refermant ce petit livre j’étais loin d’avoir le même avis que mes proches. Le tout est certes mignon, bien écrit et d’une belle tristesse, mais l’adjectif premier qui m’était venu à l’esprit est « ennuyeux ».
L’ennui, en effet, de lire presque 200 pages (chapitres plutôt longs en fait) avec le même style précis, fait de petites phrases et de menues répétitions. La frustration de saisir que l’écrivain travaille pas mal de cordes sensibles sans jamais franchir la limite du mélodramatique d’un roman de gare. Déception par rapport à l’évolution des protagonistes qui prend un certain temps, même si la fin a réveillé (pour ne pas dire soufflé) Le Tigre.
Le scénario reste original, avec deux réfugiés (dont le héros, le fameux Linh) aux cœurs brisés qui, sans parler la même langue, vont réussir à s’entendre et créer des liens d’une force inouïe. Philippe Claudel est un bon, car il a réussi à pondre une histoire que j’estime universelle par la simplicité de son texte : atemporel, aucune référence à des lieux ou à des pays (le Cambodge ou le Viet-Nam restent tentant), décors minimalistes, bref tout se passe dans la tête.
En conclusion, un roman émouvant, pas punchy pour un sou mais qui éveillera l’imagination du lecteur qui complétera le flou artistique. Quant au dernier chapitre, il faut avouer une chute qui apporte sa dose de surprise et de pessimisme (du moins à mon sens).
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le déracinement et la folie. Les souvenirs de Monsieur Linh sont plus que douloureux et correspondent à des horreurs que la génération du Tigre peine à imaginer. Vieil homme sans attaches et obnubilé (à juste titre) par la petite fille qu’il serre contre son sein, le héros est confronté à la solitude et aux menues difficultés d’intégration que son état tend à empirer. Sans doute est-ce trop pour un seul individu qui malgré son calme apparent est bien plus complexe qu’on ne peut le supposer.
L’amitié. Là où Le Tigre a cru voir un léger suspense me donnant envie d’avaler les chapitres (sans mâcher hélas), c’est dans la relation entre Linh et monsieur Bark, sorte d’alter-ego (mais aussi d’antinomie parfois) du premier. Bark est aussi un « sac à traumas », et en dépit de la barrière de la langue une connivence certaine s’installe entre les deux hommes. Et il faut concéder à l’écrivain d’avoir géré cet aspect de façon plus que touchante. « Parce que c’était lui, parce que c’était moi », pour paraphraser le bon Montaigne.
…à rapprocher de :
– De Claudel, L’Enquête est encore plus abscons : noms communs à la place des individus, histoire glauque et peu aisée à saisir, etc.
– Dans le style court et émouvant, Le Tigre s’est déjà fait piéger par Oscar et la Dame rose de Schmitt par exemple.
– Ach, la guerre, terrible chose, notamment les traumatismes du soldat. Joe R. Lansdale en parle bien dans Vierge de cuir. Attention, c’est un polar.
– Pays indéterminé, anonymisation des personnages et des villes, histoire dure et belle sur le déracinement, Le Tigre se souvient aussi de La trilogie des jumeaux de Kristof.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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La « folie » aurait-elle été mentionnée sans la lecture du dernier chapitre^^
Je ne m’en souviens pas, mais comme le bouquin est court, vous devez être dans le vrai !
Je faisais référence à votre phrase dans Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre) :
Le déracinement et la folie.
Auriez vous indiqué la « folie » si vous n’aviez pas lu le dernier chapitre ? Pour lequel, je vous cite : « Quant au dernier chapitre, il faut avouer une chute qui apporte sa dose de surprise et de pessimisme (du moins à mon sens). »
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