Emprunté au hasard, Le Tigre n’attendait pas grand chose de la part d’un psy-auteur. Toutefois, ce fut une jolie surprise pleine de sensibilité et de poésie. L’amitié (est-ce le bon terme ?) entre un handicapé et un ado blasé dans un huis clos de bon aloi en Bretagne, sujet classique mais correctement abordé.
Il était une fois…
A la fin des années 60 (indubitablement après mai 68), Louis s’emmerde un peu à l’université. Ayant quelques jours de libre, il répond à une annonce pour surveiller un « garçon singulier » au fin fond de la Bretagne. Cette offre lui a d’autant plus tapé à l’œil que cela se déroule à Horville, où il a passé d’inoubliables vacances enfant. Son séjour sera plus étonnant que prévu.
Critique d’Un garcon singulier
Y’a des bouquins, on entre dedans comme dans un bâtiment parce qu’il y a de la lumière : je l’ai rapidement piqué à une amie, le temps d’aller le lire sur la plage. En effet, avec moins de 200 pages, des chapitres qui ne dépassent pas trois pages (avec des gros blancs entre chaque), j’étais persuadé de le torcher en une heure. Ce qui fut le cas.
En sus, Le Tigre a eu extrêmement peur de tomber sur un « roman de supermarché » de basse extraction, quelque chose qui allait récolter mes ricanements les plus méchants. Car la présentation de l’auteur n’aide pas : j’ai eu droit à des commentaires de journaux féminins et des remarques du genre « spécialiste du thriller freudien » (gneiiiin ?), sans compter les titres d’autres de ses romans (Chantons sous la psy, Il n’y a pas de fumée sans Freud)…. Néanmoins, la lecture fut agréable.
Pour faire simple, et sans spoiler : le héros, Loulou, est un djeune un peu chiant sur les bords. Mais il va sérieusement se dérider (et changer sa vision de la vie) en s’occupant de Iannis (un autiste d’une quinzaine d’années) pendant que sa daronne (Helena) se concentre sur l’écriture d’un roman vaguement érotique. Le jeune homme jonglera entre la gestion d’un gamin imprévisible (du genre à se tartiner le corps d’excrément) et les avances à peine déguisées de la maman-cougar. Presque un triangle amoureux à la Ricoeur, ne vous inquiétez pas Louis lui fera passer un bon moment.
Philippe G. sait écrire, cela ne fait pas de doute. Il joue le chaud et le froid, savoir la perversité soft et les réflexions doctoresses sur le cas de Iannis. En outre, la fluidité de lecture est excellente ; les deux scènes de cul passent comme autant de colissimos à la poste (avec une mise en abyme peu surprenante) ; et des péripéties simples à comprendre sont contre-balancées par quelques passages plus « envolés ». Trop sans doute, il m’est arrivé de ne pas saisir l’utilité (voire la beauté) des délires de l’auteur. Notamment les textes d’inspiration rimbaudienne qui, ceci dit, m’ont permis de redécouvrir le poète maudit (Grimbert l’invoque très souvent). Sinon, rien à dire.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le second protagoniste, Ionnis, est l’occasion pour l’écrivain de parler de l’autisme en soumettant quelques théories intéressantes, ce qui change de la frustration et de l’incompréhension habituelles : le jeune serait handicapé dans la mesure où il « fonctionne » comme une éponge émotionnelle. Louis le voit bien, subrepticement celui qu’il garde réagit différemment vis-à-vis de lui. En outre, et c’est pourquoi les parents commençaient à craquer, il appert que les gens ont peur de l’autiste puisque ce dernier leur renvoie leurs propres peurs.
Au-delà des liens qui vont se tisser entre les deux potos, ce séjour sera pour Louis une sorte de madeleine de Proust : en effet, il se remémora avec émotion ses vacances avec Antoine, enfant de son âge avec qui la relation était très forte. Imaginez, les vacances, c’est un peu la joie de vivre mêlée à des effusions qui auraient pu se terminer en quelque chose d’un peu plus gay.
…à rapprocher :
Je tiens à signaler que je n’ai pas lu d’autres bouquins du Dr Grimbert. Peut-être devrais-je ?
– Mark Haddon et Le bizarre incident du chien pendant la nuit, forcément.
– C’est marrant, mais le jeune qui débarque de nulle part et se retrouve au milieu d’un déchainement d’émotions et finit par être dépucelé (intellectuellement hein), ça m’a bien rappelé La Confusion des sentiments, de Zweig.
– L’histoire avec Antoine m’a brièvement fait penser à la fin de Final Cut, film d’une rare beauté avec Robin Williams.
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