Une saison brune, c’est une saison indéfinie entre l’hiver et le printemps, pendant laquelle le ciel est brun et que le printemps se laisse désirer. C’est aussi la couleur de la pollution, et derrière toute la problématique du réchauffement climatique. Sous forme d’une BD, bien plus aisée à lire qu’un ouvrage sur ce sujet, Saison brune est un tour de force de Squarzoni qui, je l’espère, élèvera un peu plus les consciences.
De quoi parle Saison brune, et comment ?
Philippe Squarzoni, en écrivant Dol, a voulu aller plus loin dans la lutte contre le réchauffement climatique par les autorités françaises. Le sujet, bien plus complexe qu’il aurait pu imaginer, avec des tas de découvertes à la clé, l’ont entraîné à faire une autre BD, tâche qui lui a pris à peu près six ans.
Il en sort un ouvrage, un pavé veux-je dire, dense et apparemment complet. Squarzoni a mené des interviews un peu partout, avec des intervenants plus spécialisés et légitimes les uns que les autres (spécialistes du GIEC, climatologues, économistes, politologues,…). D’abords les faits bruts, irréfutables, ensuite les interviews, puis les ouvertures pour prévenir le réchauffement, tout cela entrecoupées de considérations plus personnelles de la part de Philippe.
Là où Squarzoni fait fort, c’est qu’il a réussi tout ça en faisant une BD. Outre ses recherches dans tous les sens, c’est le dessin qui a du prendre énormément de temps : portrait des intervenants, excuse pour « balancer » du texte, nombreux paysages magnifiques, illustrations (souvent pertinentes) des travers de nos sociétés, tout est finement rendu avec un luxe de détails que Le Tigre salue. Et rien ne semble avoir été zappé.
Du coup Le Tigre était un peu gêné aux entournures : un documentaire, donc un essai, et une BD à la fois, dans quelle catégorie mettre cette œuvre ? Ouvrage original bien plus digeste qu’un énième rapport sur le réchauffement climatique, il y a de quoi gamberger. Le Tigre lisant plus de BD que d’essais, autant nonchalamment remplir cette dernière catégorie.
A lire pour tout citoyen un tant soit curieux. Bien sûr c’est loin d’être parfait, et Le Tigre a très moyennement apprécié : le manque total d’humour, de détachement au moins, avec un ton sobre, parfois trop introspectif et pas très fun de la part de l’auteur qui ne cache pas ses convictions politiques. Et puis c’est long, mieux vaut lire d’une traite que par à coups, au risque de légèrement s’ennuyer. Tout en étant démoralisé.
Ce que Le Tigre a retenu
Le malaise total, on est bien mal barré. Et les solutions envisagées remettent en question une grosse partie des fondements de nos sociétés modernes. Le livre est plus que dense, résumer ce que j’en retire est impossible, essayons dans les grandes lignes.
D’abord les faits, les données brutes qui attestent sans contestation possible le phénomène du réchauffement climatique.Les conséquences à venir de cet état de fait, qui vont encore creuser un peu plus les inégalités entre pays du nord et ceux du sud. Les désordres géopolitiques, la protection des plus riches face à ce qui va arriver (exemple de la gestion de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans), la reconfiguration des espaces géographiques, ça va gravement partir dans tous les sens.
Ensuite les moyens à mettre en œuvre pour éviter une catastrophe écologique. Le nucléaire, solution court-termiste (pas d’uranium en quantité suffisante, pollution de la chaîne d’approvisionnement,…) ; l’éolien et le solaire, insuffisants et considérés comme énergies d’appoint ; l’hydraulique, ressource exploitée à son maximum par exemple. Seule la sobriété, la réduction de la consommation d’énergie (et de biens) peut constituer la moitié du boulot, et c’est loin d’être gagné.
Enfin l’état des lieux et ce qui rend quasiment impossible une évolution dans le bon sens. Et là Le Tigre n’est pas forcément d’accord avec Squarzoni qui tire à boulets rouges, à juste titre sans doute, sur le capitalisme mondial, partie selon lui du problème. L’économie mondiale repose sur en effet sur l’abondance et le système politique sur la liberté, et il sera difficile de faire basculer les mentalités vers du « moins de croissance ». La finance mondiale, la logique des grands patrons, de l’actionnariat et des politiques ne correspondent hélas pas à la définition du « libéralisme » (dans son premier sens, plus noble), ces premiers pédalant furieusement dans l’autre sens.
Le risque, qui va très probablement avoir lieu, va poser un problème immense : puisqu’on ne va de toute façon pas réagir à temps, les changements de mode de consommation se feront par le haut, dans un style autoritaire, sans réelle adhésion de la population. D’autant plus si les inégalités entre puissants et reste des individus restent aussi élevés. La démocratie va en prendre un coup, au risque de passer d’un « capitalisme vert » à une forme de « dictature écologique » sans débats.
…à rapprocher de :
Les livres, documentaires,…sur le réchauffement climatique sont légion, Le Tigre ne va pas se fouler à faire la liste de ce qu’il a vu / lu. Bon, à la rigueur, L’écologie en bas de chez moi, de Gran (parce que c’est hilarant).
– Dol, du même auteur, sous forme de BD également, pas lu par Le Tigre (hélas ?).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver sur Amazon ici.
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