VO : Altered Carbon. Première découverte de l’auteur anglais, Tigre a bu du petit lait. Un mélange de SF, de polar et de roman noir comme les anglo-saxons savent le faire, c’est à la fois dense et bien rythmé. Faut certes s’accrocher, mais ça vaut le coup. Bienvenue dans un univers rude, violent et aussi amoral que le premier étage d’une maison close.
Il était une fois
États-Unis, 28ème siècle (et ouais, ça en jette). L’existence de l’Homme a pris un tournant tout à fait intéressant, disons qu’une puce implantée à la base du cerveau permet de sauvegarder sa conscience. Chouette. Du coup, pour peu que votre sauvegarde ne déconne pas, on peut décéder sans que ce soit un problème. Takeshi Kovacs le sait bien, car en tant qu’ancien des Corps diplomatiques il a plus d’une fois clamsé. Cette fois, on lui demande de mener une enquête sur Terre : qui a tué un « Math » (pour Mathusalem, quelqu’un qui a quelques siècles au compteur) ? Quel est l’intérêt lorsque la victime dispose de sauvegardes quotidiennes ?
Critique de Carbone modifié
Voilà un titre ambitieux et compliqué, le lire en VO m’aurait sûrement dégoûté à jamais de la SF. Tigre s’est plus d’une fois senti idiot en le lisant, comme si le félin se faisais bercer par l’auteur et que ne comprenais les problématiques que tardivement, et non par anticipation.
Richard Morgan a dégoté de son cerveau un univers cyberpunk d’un réalisme éprouvé où le protagoniste (aidé d’Ortega), un slavo-japonais, est engagé par un quasi immortel qui veut savoir pourquoi il a été tué. Il y a une fenêtre d’incertitude de 48h dont la victime n’a aucun souvenir, et très vite le lecteur se retrouve plongé dans une affaire qui va très très loin. Sans spoiler, il sera question de luttes politiques, d’I.A. hôtelière assez démente, et tant d’autres.
Le style est sec, ça dépote grave dans les chaumières. Morgan a mélangé les styles avec un certain brio : « urban war » (les doctrines abordées ont l’air efficaces en diable) ; roman noir avec du sexe à gogo (un poil machisme sur les bords certes) ; petites touches d’humour et dialogues souvent savoureux ; et surtout un pragmatisme et un découpage de chapitres très cinématographiques.
Ce mélange de technologies bien pensées et de thriller aux ramifications complexes peuvent en rebuter certains, en particulier les différents name dropings de Richard M. dont on en saura plus dans les autres épisodes. Beaucoup d’éléments nouveaux à intégrer (technologies, personnages, rebondissements), c’est loin d’être évident. Pour ma part, le vocabulaire scientifico-neuro-pipoté ne m’a pas choqué, l’immersion était correcte.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’interface homme-machine est à la base du roman car celle-ci permet à des gens d’élite (dont fait partie le héros) de transférer,à une vitesse phénoménale, sa personnalité dans un corps disponible. Pratique pour envoyer des militaires expérimentés dans des théâtres d’opération à des années-lumières. On aura d’autres aperçus des « progrès » de cette technologie, notamment les manières de torturer quelqu’un virtuellement. Morgan montrera quelques enjeux sociétaux de la puce H.D., que ce soient les Chrétiens qui la refusent ou la suspension de la vie d’un homme qui n’a plus de quoi payer son enveloppe.
Tigre va encore faire son socialo, toutefois faut dire que le monde décrit par l’écrivain est d’un ultra-capitalisme qui confine au glauque. Il appert rapidement que seuls les riches peuvent vivre très longtemps, la populace d’en bas en chie beaucoup plus. Petite pensée d’ailleurs aux prisonniers, qui sont souvent utilisés comme réceptacle à bas coût. Le « carbone modifié », c’est à mon sens l’être humain dont l’essence organique (faite de carbone) a été remplacée par la puce électronique, cette dernière étant plus malléable que le corps. Si les aventures du héros sont dynamique dans un monde plein de possibilités, c’est qu’il est mandé par les plus friqués.
Y’a d’autres thèmes présents dans ce titre, néanmoins le félin préfère en garder pour les autres ouvrages de cet écrivain.
…à rapprocher de :
– Cette saga se poursuit avec Anges déchus et Furies déchaînées. Les ai dévorés. De mieux en mieux à chaque fois, un pur plaisir.
– Si vous avez peur d’être entraîné dans ces aventures, y’a un one-shot très correct du même auteur : Black Man. Sombre avec d’excellentes idées également.
– Les possibilités de la machine-cerveau me rappellent les premiers essais de la famille Sylvestre dans le cycle des inhibiteurs (qui commence par L’espace de la révélation).
– Pour des sagas qui partent dans tous les sens et sont autant « décomplexées », vous pouvez sans risque vous frotter aux Aux’, de Gunn. Tome 1 et tome 2 sur QLTL, joie.
– Le techno-thriller plus court, moins sérieux et en version française, ça donne Incursion (en lien) de Pierre Brulhet.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Pierre Brulhet – Incursion | Quand Le Tigre Lit
Ping : Richard Morgan – Black Man | Quand Le Tigre Lit
Ping : Richard Morgan – Furies déchaînées | Quand Le Tigre Lit
Ping : Richard Morgan – Anges déchus | Quand Le Tigre Lit
Ca l’air bien ca aussi. Je le mets dans ma liste.
La puce dans le (a la place du) cerveau rappelle Gunnm, le manga fantastique de Yukito Kishiro.
Je vous sort les autres rapidement. Vous aurez sans doute l’impression que ces romans sont un peu fouillis, mais comme un blockbuster amerloque j’ai fermé les yeux. Je n’ai lu pour l’instant que Gunnm last order, il faudra y remédier, merci !
PS : ne confondez pas Richard Morgan avec Bruce Morgan dans vos dîners mondains, ce dernier étant plutôt versé dans les BD pornos.
Gunnm Last Order avant Gunnm? Etonnant 🙂
Les numeros de la fin de Gunnm sont vraiment interessant dans ce qu’ils posent le probleme de la definition de l’humain. Si on possède un corps mécanique mais un cerveau humain, on est facilement considère comme humain. Mais si on a un corps humain, avec une puce surpuissante a la place de son cerveau, est-on toujours humain? Et si le corps entier est artificiel mais avec une memoire et un passe, on est quoi? Personnellement c’est ce qui me plait le plus dans ce manga, plus en tout cas que les combats ultra sanglants des premiers tomes.